vendredi 25 juin 2021

Surpopulation carcérale : la France épinglée par le Conseil de l’Europe

publié le 24 juin 2021 

Dans un rapport publié ce jeudi, l’organisation s’inquiète des «conditions matérielles de détention» en prison et dans certains commissariats. Des allégations «d’insultes, y compris à caractère raciste, homophobe ou transphobe, de la part de policiers» ont notamment été rapportées.

La France une nouvelle fois épinglée pour ses mauvaises conditions de détention : dans un rapport publié ce jeudi, le Conseil de l’Europe s’est inquiété de la «surpopulation carcérale» et des «conditions matérielles de détention» dans certains commissariats. Ce rapport fait suite à la septième visite d’une délégation du Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe, menée en décembre 2019 dans douze établissements de police et de gendarmerie, dans quatre prisons ainsi qu’au sein de l’établissement de soins psychiatriques de Cadillac (Gironde).

Dans son compte rendu, le CPT se dit «vivement préoccupé» par les «conditions matérielles de détention» dans certains commissariats, «la surpopulation carcérale» et «l’insuffisance de places en psychiatrie pour les personnes en soin sans consentement». «Comme lors des précédentes visites, la grande majorité des personnes rencontrées […], tant dans les postes de police et gendarmerie que dans les maisons d’arrêt […] n’ont fait aucune allégation de mauvais traitements physiques», selon le rapport. Toutefois, le Comité dit avoir recueilli des allégations «d’insultes, y compris à caractère raciste, homophobe ou transphobe, de la part de policiers», ainsi que«des menaces proférées avec arme». «Un nombre non négligeable de personnes, y compris des mineurs, ont indiqué avoir reçu des coups volontaires […] lors de l’interpellation une fois immobilisées», relève encore le CPT.

«Présence de rats»

Le rapport mentionne notamment le cas d’une «personne à mobilité réduite» affirmant, lors d’une garde à vue à Lille, avoir «été poussée de son fauteuil roulant, menottée dans le dos, traînée sur le sol jusqu’à une cellule et frappée par des policiers». «Les vidéos consultées par la délégation corroboraient ces allégations», précise le CPT, selon lequel un «message de “tolérance zéro” des mauvais traitements devrait être rappelé régulièrement à l’ensemble des forces de l’ordre».

Les deux derniers rapports du CPT sur la France, en 2012 et 2017, étaient déjà assez critiques. «Les autorités françaises ne tolèrent pas la moindre violence inappropriée des forces de l’ordre» et si «de tels actes» se produisent, ils sont «systématiquement condamnés»,insiste le gouvernement français dans ses réponses au rapport.

Le «message de “tolérance zéro” des mauvais traitements est régulièrement rappelé aux forces de l’ordre et continuera de l’être»,poursuit le gouvernement, tout en rappelant que «la force physique et parfois violente opposée au policier par une personne» peut nécessiter «des gestes destinés à protéger [l’agent], voire la personne elle-même».

«Depuis 1991», les prisons françaises «sont surpeuplées à des niveaux préoccupants, avec des taux d’occupation dépassant les 200% dans certains établissements», écrivent encore les auteurs du rapport.«Au moment de la visite», de nombreux détenus étaient hébergés «à deux ou trois dans des cellules [de] moins de 10 mètres carrés» dans les prisons de Bordeaux-Gradignan, Lille-Sequedin et Maubeuge. La «présence de rats» a été constatée dans ces deux derniers établissements. En janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait condamné la France pour les conditions de détention dans les prisons surpeuplées, recommandant de prendre des mesures face à ce «problème structurel».

Mesures «pertinentes» contre le Covid

Le Comité dit aussi avoir reçu «un petit nombre d’allégations de violences volontaires du personnel» sur des détenus et «un nombre plus important» de témoignages d’«usage excessif de la force», notamment «lors de placement en cellule disciplinaire», des violences carcérales rarement exposées au grand jour. Le Conseil de l’Europe, vigie des droits humains, appelle Paris à adopter «une stratégie globale» pour «réduire la population carcérale»,notamment en recourant aux «aménagements de peines».

«Le contexte […] a profondément changé» depuis la visite du Comité, souligne le gouvernement, puisque «dès le mois de mars» 2020, la France a réduit sa population carcérale afin de «prévenir la propagation» du coronavirus dans les prisons. Le gouvernement insiste également «sur le développement des alternatives à l’incarcération […] et sur l’augmentation du nombre de places de prison».

Au Centre hospitalier de Cadillac, où «les unités fermées de psychiatrie générale étaient sous tension, souffrant d’un manque de lits et d’une suroccupation régulière», «la très grande majorité des patients» dit être «correctement» traitée. «Un petit nombre», toutefois, a fait état «d’abus de langage» ou «d’un usage excessif de la force».

Dans un rapport distinct, également publié ce jeudi et rédigé après une visite en juillet 2020 dans des lieux de détention à Strasbourg (prison, centre de rétention, commissariats, gendarmeries…) afin d’y évaluer les mesures contre la pandémie de Covid-19, le CPT estime que, «dans l’ensemble», elles ont été «pertinentes» pour protéger les agents et les personnes détenues, même si «la prise en charge de ces dernières peut encore être améliorée».


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