vendredi 18 juin 2021

« Pousser la chansonnette, en particulier au sein d’une chorale, pourrait bien avoir des vertus très précieuses à tout âge »

Publié le 26 mai 2021

La science s’est penchée sur les nombreux bienfaits du chant, qui fait travailler les muscles comme le cerveau. Dans sa carte blanche au « Monde », Sylvie Chokron, chercheuse en psychologie, attribue la note maximale à cette activité.

Carte blanche. Fredonner une chanson est une activité bien plus complexe qu’il n’y paraît. D’un point de vue purement physique, le chant met en jeu l’appareil vocal et le système respiratoire et favorise une respiration abdominale lente et profonde qui influence en retour le système cardio-vasculaire et le système nerveux autonome. Mais chanter, même sous sa douche, active également l’audition, la motricité, ainsi qu’un réseau important d’aires cérébrales, situées dans les deux hémisphères et impliquées dans la mémoire, le langage, la motivation, le plaisir, les relations sociales ou encore l’attention.

C’est ainsi que les recherches dans des domaines aussi divers que la psychologie clinique, la psychiatrie, la gériatrie, la neuropsychologie, la neurologie, le traitement de la douleur ou encore la neuro-imagerie suggèrent que la musique est une source importante de joie, d’apprentissages, de bien-être, et qu’une chanson ou un morceau de musique doivent être vus comme des stimuli positifs et polyvalents pour notre cerveau.

On sait aussi qu’en temps de crise, comme pendant la pandémie de Covid-19, les personnes confinées ou en quarantaine ont eu besoin, pour alléger leur solitude et pour exprimer et partager leurs émotions, d’écouter de la musique et de chanter ensemble, même si cela exigeait d’elles de s’installer à leur fenêtre, sur leur balcon, ou encore de se connecter à des logiciels de visioconférence. Et cela n’est sans doute pas une lubie liée à la situation sanitaire car pousser la chansonnette, en particulier au sein d’une chorale, pourrait bien avoir des vertus très précieuses à tout âge.

Emmi Pentikäinen et ses collègues de l’université d’Helsinki ont ainsi recruté trois groupes de sujets âgés de plus de 60 ans. Un groupe de 48 sujets chantant dans une chorale depuis plus de dix ans, un groupe de 52 sujets ayant rejoint une chorale depuis moins de dix ans et un groupe de 56 sujets n’ayant jamais pratiqué le chœur.

L’ensemble de ces participants a été soumis à une batterie de tests neuropsychologiques ainsi qu’à des questionnaires évaluant la qualité des interactions sociales et l’appréciation de leur état de santé général. Les résultats, publiés dans Plos One en février 2021, montrent clairement un avantage pour les membres d’une chorale en ce qui concerne les fonctions exécutives verbales, et rapportent des interactions sociales ainsi qu’une qualité de vie plus élevées pour eux que pour les sujets contrôles.

Au diapason

De manière tout à fait complémentaire, les travaux de Kyle M. Jasmin et de ses collègues des universités de Londres et de Californie, publiés en 2016, ont montré que, lorsque l’on aligne parfaitement sa parole sur celle d’une autre personne, comme lorsque l’on chante ensemble, cette synchronisation est interprétée par notre cerveau comme si nous écoutions la voix de quelqu’un d’autre plutôt que la nôtre. C’est ainsi que le chœur pourrait renforcer les relations sociales, puisqu’il est tout à la fois perçu comme la production de chaque individu mais également du groupe, dont les cerveaux sont parfaitement synchronisés.

Mais il pourrait y avoir un autre effet purement hormonal. En effet, Daisy Fancourt et ses collègues du Royal College of Music de Londres ont testé, en 2016, des patients atteints de cancer, des aidants et des aidants endeuillés. Ils ont montré que le chœur était à même de réduire dans tous les groupes de sujets le niveau de cortisol, et donc de stress et d’émotions négatives, et d’augmenter le niveau d’émotions positives et d’ocytocine, hormone bien connue pour son rôle dans l’attachement, les relations amicales et amoureuses.

Sur le plan cognitif, Elizabeth Stegemöller, de l’université de l’Iowa et ses collègues ont par ailleurs confirmé le bénéfice des chorales même chez des patients atteints de maladies neurologiques chroniques comme la maladie de Parkinson. Chez ces patients, chanter en groupe a permis d’améliorer non seulement la fonction respiratoire et la phonation mais également la qualité de vie, après seulement huit semaines de chorale. Il ne nous reste donc plus qu’à espérer que nous pourrons à nouveau joindre notre voix à celles de nos amis pour célébrer la prochaine fête de la musique et panser ainsi les plaies physiques et morales de l’année passée, tout en choyant notre cerveau au rythme de douces mélodies fredonnées en chœur.


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