“Freud à la plage”, d’Elsa Godart

Frédéric Manzini publié le 29 juin 2021 

Freud à la plage (Dunod, 2021) n’est pas le récit des baignades du célèbre inventeur de la psychanalyse au lac de Lavarone, où il aimait passer ses vacances en famille. C’est le nouveau titre d’une collection d’agréables ouvrages de vulgarisation qui présentent la vie et l’œuvre de grands esprits – en l’occurrence, celles de Sigmund Freud (1856-1939). Mais l’autrice Elsa Godart, philosophe et elle-même psychanalyste, fait plus que cela : elle explique pourquoi Freud reste, aujourd’hui encore, indispensable pour ne pas réduire le mystère de la conscience « à des connexions neuronales ou à un flux d’hormones » et faire toute sa place à la relation humaine au cœur de nos existences. 

• Où en sommes-nous aujourd’hui avec Freud ? Il y a quelques mois, la série En thérapie séduisait les téléspectateurs français en leur montrant à travers quelques exemples ce qui pouvait se jouer dans une cure psychanalytique : l’attention portée à une souffrance qui peine à trouver les mots pour se dire, les remises en causes existentielles, l’écoute de l’autre et, peut-être parfois, une forme de libération – même si ce n’est pas forcément celle qui était attendue. Suffisant pour réconcilier nos contemporains avec la théorie freudienne ? Sans doute pas car, environ un siècle après son élaboration, force est d’admettre qu’elle est de plus en plus contestée, notamment à cause du progrès des sciences et de l’imagerie médicale. Elsa Godart n’évite pas ce questionnement et s’interroge : « Que reste-t-il de Freud aujourd’hui ? À l’heure des neurosciences et de l’inconscient cérébral ? »
• La théorie et la pratique. La réponse qu’elle y apporte est nette : il faut revenir à Freud car nul n’a mieux que lui approché nos conflits intérieurs avec autant de justesse et d’humanité, c’est-à-dire précisément ce qui manque à « notre monde très technicisé, où le sujet humain se réduit toujours plus à sa biologie ». Tout en se livrant dans l’épilogue à quelques confidences personnelles sur son propre parcours, Elsa Godart explique que « comprendre ce qu’est une psychanalyse, comprendre comment fonctionne un psychisme humain, comprendre la démarche de Freud, c’est d’une certaine façon comprendre qui nous sommes, pourquoi nous souffrons, pourquoi nous éprouvons quantité de difficultés à vivre ». Afin de montrer ce lien entre la théorie et la pratique, comme celui qui unit les idées de Freud à sa biographie, elle contextualise l’aventure de la psychanalyse et sa consécration dans les années 1930.
• Ce qui se joue dans la position horizontale. C’est l’occasion pour le lecteur de revisiter à ses souvenirs et de refaire sa propre histoire, quand sont développés quelques concepts fondamentaux de la pensée freudienne comme ceux de Hilflosigkeit (ou sentiment de détresse et d’abandon qu’éprouve le nourrisson dans sa dépendance et son impuissance) ou de Nebenmensch (pour désigner la personne secourable capable de répondre à l’appel d’une souffrance). Que ce soit dans l’intimité feutrée d’un cabinet de psychanalyste ou en parcourant ce livre en tenue de bain sur une plage d’été, Elsa Godart nous invite à plonger dans notre inconscient comme on plonge dans la mer ou dans le liquide amniotique de nos désirs enfouis : « Installez-vous dans un transat comme dans un divan et laissez-vous porter »…