samedi 22 mai 2021

Les places d’hébergement d’urgence créées pour les sans-abri pendant la crise sanitaire sont prolongées

Le Monde avec AFP  Publié le 21 mai 2021

Le ministère du logement a décidé, vendredi, de « pérenniser » les 43 000 places ouvertes depuis un an « jusqu’à la fin du mois de mars 2022 » au moins.

Précipité par l’épidémie de Covid-19, l’effort consenti pour aider les sans-abri va se prolonger pour dix mois au moins. Le gouvernement a annoncé, vendredi 21 mai, qu’il garderait les 43 000 places d’hébergement d’urgence, créées depuis le premier confinement, ouvertes jusqu’à fin mars 2022.

« On ne remettra personne à la rue à l’issue de la trêve hivernale », exceptionnellement prolongée cette année jusqu’au 1er juin 2021, a expliqué le ministère du logement à l’Agence France-Presse, qui a décidé de « pérenniser » les places créées depuis un an « jusqu’à la fin du mois de mars 2022 » au moins.

De quoi soulager les associations, qui craignaient un retour à la rue de ces 43 000 personnes hébergées en urgence, pour moitié grâce à des accords avec une hôtellerie en mal de touristes, afin de répondre à la situation inédite provoquée par le nouveau coronavirus et l’injonction faite à chacun de se confiner.

Fin de la gestion des places « au thermomètre »

Au total, plus de 200 000 sans domicile fixe sont actuellement hébergés dans des centres d’hébergement ou des hôtels. Maintenir les places créées depuis mars 2020 va coûter 690 millions d’euros, ce qui doit porter le budget annuel consacré à l’hébergement d’urgence à 2,9 milliards, selon le ministère.

Cette décision suspend surtout la gestion des places « au thermomètre », décriée de longue date par les associations. Le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, salue ainsi la fin d’un « mode opératoire inhumain », qui consistait à abriter les plus précaires l’hiver avant de les renvoyer chaque printemps dans la rue.

Au-delà de mars 2022, « il faut que ces places soient pérennisées de manière définitive », ajoute Florent Guéguen. « Vigilant » sur cet objectif, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) s’avoue toutefois « confiant » : difficile, selon lui, d’imaginer Emmanuel Macron remettre des milliers de personnes à la rue l’an prochain, à la veille de la présidentielle.

Pour lutter contre le sans-abrisme, le gouvernement compte également sur son plan pour le « Logement d’abord », qui a permis d’installer 235 000 personnes dans des logements durables depuis son lancement fin 2017.

Efforts « insuffisants »

Les préfets doivent recevoir des instructions pour « accélérer l’attribution de logements très sociaux » aux sans-abri, a détaillé le ministère. Le programme favorise aussi leur sortie du système d’hébergement d’urgence vers des pensions de familles et développe le recours à l’intermédiation locative ; des propriétaires privés louant leur logement à des associations qui le sous-louent à bas prix à une personne en difficulté, grâce à une aide complémentaire de l’Etat.

Ces efforts restent toutefois « insuffisants », selon les associations. Car s’il est difficile de savoir précisément combien de personnes restent à la rue avant la prochaine enquête de l’Insee prévue début 2022, la situation reste tendue.

« Le Covid a créé de nouveaux pauvres, et malgré les efforts d’hébergements réalisés, beaucoup d’hommes seuls isolés sont restés sur le carreau », rappelle M. Guéguen, en soulignant que « des milliers » d’appels au Samusocial (115) débouchent encore sur un refus d’hébergement chaque soir.

Les expulsions locatives, « bombe à retardement »

Avec la fin de la trêve hivernale au 1er juin, les associations craignent également la reprise des expulsions locatives, qu’elles qualifient de « bombe à retardement », après les mesures exceptionnelles prises pour les limiter en 2020. Selon la Fondation Abbé-Pierre, plus de 30 000 ménages pourraient être menacés en 2021 d’une expulsion impliquant l’intervention des forces de l’ordre, soit le double des années précédant la pandémie.

Une situation anticipée par la ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon, qui a récemment pris une circulaire demandant aux préfets que toute expulsion soit assortie d’une proposition de relogement ou d’hébergement. Trente millions d’euros supplémentaires ont également été alloués pour les fonds de solidarité logement des départements, destinés à financer des aides pour prévenir les impayés.

A plus long terme, les associations soulignent également la difficulté de reloger les sans domicile fixe hors du système d’hébergement d’urgence, à cause d’une construction de logements sociaux « trop faible ». Depuis le début du plan « Logement d’abord », la production de logements « très sociaux »oscille autour de 30 000 unités par an, au lieu des 40 000 souhaités par le gouvernement.


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