jeudi 20 mai 2021

Déconfinement : que sait-on des risques de contamination dans les lieux qui rouvrent ?


 





Par  Publié le 19 mai 2021

Les études et connaissances accumulées jusqu’ici permettent d’estimer les niveaux de risques selon les lieux et les conditions qu’ils offrent.

Terrasse du Bouillon Croix-Rousse, dans le 4e arrondissement de Lyon, le 19 mai 2021.

Les lieux qui peuvent à nouveau accueillir du public dès le 19 mai peuvent-ils devenir des lieux de contamination et participer à un rebond épidémique ? Plusieurs travaux scientifiques ont cherché à étudier la transmission du SARS-CoV-2 selon l’endroit où l’on se trouve. Leurs conclusions permettent désormais d’estimer, avec un niveau de précision acceptable, le risque que le coronavirus se transmette d’humain à humain en différents lieux.

Qu’est-ce qui favorise la transmission aéroportée du SARS-CoV-2 ?

Plusieurs facteurs sont connus pour favoriser la transmission du virus entre humains dans un lieu donné. Le virus excrété par les voies respiratoires d’une personne contaminée (nez, bouche) est présent dans les gouttelettes émises par cette personne. La taille de ces gouttelettes varie beaucoup :

  • les gouttelettes les plus grosses, les plus lourdes, vont naturellement retomber dans les deux premiers mètres après émission ;
  • les plus fins postillons, dont la taille est microscopique (diamètre inférieur à 5 micromètres), vont, eux, rester facilement plusieurs heures en suspension dans l’air. Ce sont par ces gouttelettes microscopiques que la majorité des contaminations se fait. Lorsqu’elles sont nombreuses et forment un « nuage », on parle alors d’aérosols.

Les particules émises de la bouche d’une personne porteuse du virus contiennent l’agent viral. Le risque d’être contaminé dépend donc de plusieurs facteurs :

  • le temps d’exposition : le risque croît en fonction de la dose cumulée de virus inhalée. Plus longtemps on respire ces particules virales, plus le virus risque d’infecter vos muqueuses avec succès ;
  • la densité humaine et le volume d’air présent : évidemment, plus il y a de monde et moins il y a de place, moins les particules virales émises pourront se diluer et plus elles exposeront les personnes saines à une infection ;
  • la ventilation : celle-ci permet de renouveler régulièrement l’air vicié généré par la respiration humaine. Une bonne ventilation permet donc de limiter le nombre de particules virales en suspension ;
  • le niveau d’excrétion de postillons : crier, parler fort et chanter expulse une quantité bien supérieure de particules que parler à niveau normal. Chuchoter ou rester silencieux génèrent les niveaux d’excrétion virale les plus faibles ;
  • le port du masque : le port du masque chirurgical (ou FFP2) permet à la fois de réduire considérablement la quantité d’aérosols émise et de filtrer efficacement ceux qui sont ambiants.

« Tout ça revient à la même chose : les endroits à l’intérieur, de surcroît mal ventilés, où vous ne pouvez pas garantir le port du masque en continu sont des endroits à risque », résume Arnaud Fontanet, épidémiologiste et spécialiste des maladies émergentes à l’Institut Pasteur.

« Une personne contaminée, juste avant d’être symptomatique, exhale quelques millions de particules par heure ; celles-ci se diluent dans l’espace ambiant, comme la fumée d’une cigarette, emportées par le vent. En intérieur, une fois diluées, elles s’accumulent jusqu’à ce que la ventilation remplace l’air vicié par de l’air frais », explique Bruno Andreotti, professeur à l’Université de Paris et chercheur à l’Ecole normale supérieure (ENS).

En appliquant ces différents facteurs et en s’appuyant sur les enquêtes épidémiologiques publiées, voici ce que l’on peut raisonnablement dire des risques de transmission liés aux lieux concernés par le déconfinement actuel.

  • Les terrasses des bars

RISQUE LIMITÉ

Les terrasses étant en extérieur et les tablées restreintes à six personnes, les risques paraissent limités. L’étude ComCor, dirigée par Arnaud Fontanet, avait bien mis en évidence un surrisque net associé à la fréquentation des bars et restaurants en octobre-novembre, mais cela incluait l’intérieur de ces établissements, qui expose les clients à des risques bien plus importants.

En revanche, l’utilisation de parois en plexiglas entre les tables, comme l’exige le protocole sanitaire publié par le gouvernement français, peut avoir un effet contre-productif. « Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée », explique Arnaud Fontanet au Monde. En effet, dans des travaux publiés par la revue Science le 29 avril 2021, l’épidémiologiste Justin Lessler, de l’université Johns-Hopkins de Baltimore (Maryland), estime que l’utilisation de ces parois n’est pas associée à une réduction du risque de transmission, et peut même augmenter ce risque. « Dans les écoles étudiées, celles où un surrisque était estimé sont celles qui utilisaient ces “desks shields” [écrans de bureau], sans que l’on sache s’il y a un lien de causalité entre l’utilisation de ces parois et le surrisque », détaille le Pr Fontanet.

Bruno Andreotti fait le même constat. Un tel dispositif peut « piéger les aérosols » en circulation. « En terrasse, il n’y a pas de stockage de particules car nous sommes en extérieur, mais il n’y a pas non plus de port du masque. Si on coupe le vent, il y a un effet néfaste. »

Le milieu extérieur aide donc à diluer les particules virales émises par les personnes contaminées, mais une trop forte densité humaine, une absence de vent et des parois coupant la circulation de l’air peuvent contribuer à augmenter le risque de transmission en présence de porteurs du virus.

  • Cinémas, théâtres, musées, bibliothèques

RISQUE FAIBLE

Dans ces lieux culturels, le risque de transmission est surtout limité par le fait que le public reste principalement silencieux, et n’émet donc qu’une quantité résiduelle de particules, lesquelles seront majoritairement piégées dans les masques. Le port du masque en continu y est donc crucial.

Du reste, ces lieux affichent souvent de grands volumes d’air et sont dotés d’une ventilation capable de réduire convenablement les risques de transmission lorsque le port du masque chirurgical est bien respecté.

L’étude ComCor de l’Institut Pasteur n’a d’ailleurs pas établi de lien entre la fréquentation de ces lieux et un risque accru de transmission durant la période de reprise épidémique d’octobre. « Les musées ne m’inquiètent pas. Et la littérature mondiale ne rapporte pas de foyers de contamination dans les cinémas et les théâtres non plus. Il faut tout de même que les gestes barrières y soient respectés », souligne Arnaud Fontanet.

  • Salles de sport

RISQUES POTENTIELS

Si la réouverture du 19 mai concerne principalement de grands équipements sportifs (gymnase, piscine) et un public prioritaire restreint (moins de 18 ans, professionnels), ces salles présentent un risque plus élevé que de nombreux autres lieux concernés par le déconfinement.

Ces grands équipements présentent généralement un important volume d’air et devront respecter une jauge de 50 % maximale, mais la nature même des activités qui s’y dérouleront favorise beaucoup l’émission de particules (rythme de respiration soutenu, grand volume d’air expiré), d’autant que le port du masque y sera rare.

Les mêmes craintes existent pour les salles de sport pour adultes, lesquelles sont souvent bien plus petites que les installations utilisées par les établissements scolaires, et ont une densité nettement plus élevée. Durant la période précédant le second confinement, les auteurs de ComCor ont mis en évidence un surrisque d’environ 22 % de transmission du SARS-CoV-2 parmi les personnes ayant fréquenté des salles de sport.

Ces conditions, ajoutées à la communication verbale des entraîneurs présents, peuvent être à l’origine d’événements très contaminateurs, comme l’ont déjà documenté plusieurs enquêtes épidémiologiques, dus à une combinaison de facteurs (non-port du masque, mauvaise ventilation, cris des coachs sportifs).

Le protocole sanitaire prévu par le gouvernement ne conditionne pas, pour l’instant, la reprise du sport en intérieur, en particulier dans les salles de sport, au port d’un masque. La ventilation de ces salles devra donc se montrer particulièrement efficace pour réduire notablement les risques de transmission du coronavirus.

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