mardi 4 mai 2021

Aux petits soins Les prématurés plutôt en bonne forme


 


par Eric Favereau   publié le 4 mai 2021

Une étude sur cinq ans portant sur plus de 3 000 enfants nés au terme de 22 à 34 semaines de grossesse pointe toutefois des problèmes de développement pour un tiers d’entre eux.

«Et comment vont nos crevettes ?» Un terme affectueux que le personnel soignant donne souvent aux prématurés. Réponse : elles ne vont pas si mal que cela, avec néanmoins quelques petits soucis. Ainsi, parmi les enfants nés grands prématurés, deux tiers d’entre eux vont connaître des faiblesses de développement. «Ce n’est pas négligeable, constate le docteur Pierre-Yves Ancel, du service de santé publique et médecine sociale de l’hôpital Cochin à Paris. Mais le problème, surtout, est que les difficultés qu’ils peuvent rencontrer sont mal prises en charge.»

Voilà en tout cas une étude passionnante et bien utile (1). Avec Véronique Pierrat, pédiatre au CHRU de Lille, Pierre-Yves Ancel suit une cohorte, unique en France, de plus de 5 000 enfants nés prématurément entre avril et décembre 2011. Un des objectifs étant «de mieux comprendre les conséquences de la prématurité pour les enfants». Aujourd’hui, plus de 3 000 enfants ont été revus dans le cadre de consultations spécialisées. Ils ont tous plus de 5 ans, et les résultats de leur état de santé ont été publiés en fin de semaine dernière dans le British Medical Journal.

55 000 naissances chaque année

Premier constat : plus la prématurité est importante, plus le risque de troubles grandit. Ainsi, «35% des enfants nés extrêmes prématurés, près de 45% des grands prématurés et 55% de ceux nés modérément prématurés auront une trajectoire développementale proche de la normale». Globalement, à 5 ans et demi, «plus d’un tiers des enfants nés prématurément présentent des difficultés mineures dans les domaines moteurs, sensoriels, cognitifs ou du comportement». Rappelons qu’en France la prématurité est la première cause de mortalité néo-natale et est responsable de la moitié des handicaps d’origine périnatale. Elle concerne chaque année environ 55 000 naissances. Parmi ces milliers d’enfants, 8 000 à 10 000 naissent au terme de 22 à 31 semaines de grossesse et sont alors décrits comme extrêmes ou grands prématurés. Les enfants nés entre 32 et 34 semaines d’aménorrhée sont, eux, considérés comme modérément prématurés.

«L’âge de 5 ans et demi correspond à un moment clé du développement de l’enfant», explique Pierre-Yves Ancel. Schématiquement, les difficultés rencontrées chez ces enfants sont variées. Et de nature très différente, certaines anodines, d’autres moins. «Cela peut être des petits troubles de la coordination motrice qui peuvent provoquer de la maladresse. Mais cela peut aussi entraîner des troubles de l’attention, de l’humeur avec des difficultés émotionnelles, voire des enfants plus colériques», détaille ce chercheur. Des troubles qui peuvent nécessiter «un soutien et une prise en charge adaptée pour éviter qu’ils ne retentissent sur le quotidien de l’enfant ou ses apprentissages».

«On demande aux familles et aux enfants de s’adapter»

Or souvent, à l’école, la prise en charge va être moins présente.«Plus la prématurité est importante, plus la scolarité de l’enfant nécessite d’être adaptée, constate Pierre Yves Ancel. Or, on assiste à des manques de prise en charge. Alors que 93% des enfants modérément prématurés sont scolarisés dans des classes ordinaires, cette part ne concerne plus que 73% des enfants nés extrêmes prématurés. Et 20% à 40% des enfants avec des difficultés sévères ne bénéficient pas de soutien.» Pour ce chercheur, c’est là que les efforts devraient être plus soutenus. Car le bilan est mitigé : «Les aides, souvent, coûtent cher, et tout n’est pas remboursé. Les familles ont du mal à suivre. Il y a des enfants qui sont en rupture de prise en charge, ce qui n’est pas acceptable.» Et de noter : «Nous sommes dans un système où l’on demande aux familles et aux enfants de s’adapter, et non l’inverse. Sur beaucoup de difficultés, l’on pourrait faire mieux. Il y a un gros travail à faire, et pas seulement sur les difficultés que rencontre l’enfant, car ces enfants peuvent avoir aussi d’autres compétences que l’on pourrait utiliser.»

Enfin, comme souvent en matière de santé, les inégalités sociales ne sont jamais très loin. «Les difficultés rencontrées par un enfant prématuré peuvent être amplifiées par le milieu social», prévient Pierre-Yves Ancel, qui ajoute : «On note aussi plus de difficultés pour les prématurés garçons que pour les filles. Pourquoi ? On ne le sait pas.»

(1) Enquête Epipage-2, réalisée par les chercheurs de l’équipe Inserm-Université de Paris-Epopé (Equipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique), du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress, Unité 1 153, impliquant des équipes de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris).


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