lundi 17 mai 2021

Affaire Sarah Halimi : "une maladie mentale se comprend, un crime se juge"


 


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Henri Peña-Ruiz, auteur du « Dictionnaire amoureux de la laïcité » (Plon, 2014), revient sur l'affaire Sarah Halimi pour s'interroger sur l'institution judiciaire, le sens de la responsabilité pénale, le rôle hypertrophié des experts, le pouvoir d’interprétation des juges, et surtout les éléments constitutifs du processus criminel.

Comment ne pas être bouleversé par l’assassinat de Sarah Halimi et par l’absence de procès véritable, que motiverait l’irresponsabilité pénale supposée de son meurtrier Kobili Traoré ? Avant toute chose, je veux dire ici à la famille de Sarah Halimi ma compassion et ma solidarité. Au-delà de l’émotion et de la révolte, il convient de s’interroger, sans dénigrement, sur une décision de justice qui ne peut que blesser les citoyens et les citoyennes de notre République. Il ne s’agit pas ici de contester l’institution judiciaire, mais de remonter au sens de la responsabilité pénale, au rôle hypertrophié des experts au pouvoir d’interprétation des juges, et surtout aux éléments constitutifs du processus criminel.

En premier lieu, il faut tenter de comprendre l’enjeu de l’affirmation usuelle : « On ne juge pas les fous ». Michel Foucault, dans son Histoire de la folie à l’âge classique puis dans Maladie mentale et psychologie, s’en est pris à juste titre à la pénalisation de la maladie mentale. Étendue à l’addiction qui, à la longue, altère voire détruit le discernement, cette approche peut sembler salutaire pour éviter le mélange des genres. Une maladie se comprend, un crime se juge. Mais elle ne saurait fonder un principe de jugement abstrait, indifférent aux données singulières qui sont en jeu dans la responsabilité ou l’irresponsabilité.

Certes, on ne peut reprocher à quelqu’un d’avoir commis un acte que s’il était en mesure de ne pas le commettre, bref s’il était maître de lui-même, donc libre d’agir selon une décision réfléchie et volontaire. Mais une telle préoccupation, mal appliquée, ou fondée sur un diagnostic incertain, peut aboutir à une erreur judiciaire, voire à une culture de l’excuse, très dangereuse dans un contexte où sévissent le fanatisme religieux terroriste et un racisme antisémite dont on connaît les abjections qu’il peut inspirer.


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