jeudi 15 avril 2021

Revivez notre journée consacrée aux 100 000 morts du Covid-19 en France

Au funérarium de Rosendaël (Nord), le 7 avril 2021.

Journalistes et experts ont répondu à vos questions en direct. La psychothérapeute France Cottin est revenue sur les répercussions du Covid-19 dans nos vies quotidiennes. Et Marie de Hennezel a évoqué notre rapport à la mort et au deuil.

e Monde aujourd'hui à 18h40
SUR LEMONDE.FR
"Si la France comme entité collective souhaite récupérer de cette crise sanitaire, il semble nécessaire qu’une célébration des morts et des vivants ait lieu. Pourquoi les morts et les vivants ? Parce que les morts n’ont pas accompli d’acte valeureux ou patriote, mais parce qu’ils ont trouvé une mort injuste, une mort collective, non marquée comme elle le mérite", plaide la psychologue et psychanalyste Marie-Frédérique Bacqué. La pandémie de Covid-19 s'inscrit, selon elle, dans la tendance générale d’un changement de notre rapport à la mort.
 
Le Monde aujourd'hui à 18h33
URGENT

Avec 300 morts jeudi, la France franchit officiellement la barre des 100 000 morts

Trois cents personnes sont mortes du Covid-19 à l'hôpital ces dernières vingt-quatre heures, a fait savoir, jeudi, Santé publique France. La France déplore ainsi officiellement plus de 100 000 morts du Covid-19 depuis le début de l'épidémie, à l'hôpital et dans les Ehpad. La veille, le bilan était de 99 805 décès.

Selon les données du centre d’épidémiologie sur les causes de décès de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ce seuil est déjà franchi depuis des semaines.

Le Monde aujourd'hui à 18h25
SUR LEMONDE.FR
"C’est un beau roman, c’est une belle histoire…" La chanson de Michel Fugain succède aux accents graves de la Rhapsodie hongroise n° 2 de Franz Liszt. D’une célébration à l’autre, toujours la même peine.

Dans la salle de recueillement du crématorium Grand Littoral de Dunkerque (Nord), les cérémonies d’adieu se suivent. Ce mercredi d’avril, le bâtiment blanc qui jouxte le grand cimetière de la ville a accueilli six services ; la veille, cinq.
 

En pleine pandémie de Covid-19, les pompes funèbres accompagnent des familles « en état de sidération »

Le Monde.fr
Gérants et salariés de la dernière entreprise familiale de Dunkerque racontent la frustration des endeuillés confrontés aux contraintes sanitaires, au cours d’une troisième vague plus forte que les précédentes.
Le Monde aujourd'hui à 18h17
TÉMOIGNAGES
En écho aux conseils de Marie de Hennezel, ce témoignage qui fait référence au poème Souffles, du Sénégalais Birago Diop :
 
Je me console avec Birago Diop : "ceux qui sont morts ne sont pas morts, ils sont dans le souffle du vent..."


-No 

Le Monde aujourd'hui à 18h11
TCHAT
Comment pouvons nous développer à l'occasion de cette pandémie une solidarité intergénérationnelle et non une scission comme nous pouvons parfois le constater ? 


-Joëlle
Marie de Hennezel : Un des effets de la pandémie, c’est malgré tout d’avoir développé de la solidarité. Les gens se sont rendu compte de la solitude des personnes âgées. Des enfants, des petits-enfants aussi ont pris conscience du risque de perdre leurs grands-parents. Je connais beaucoup d’exemples de personnes que la crise sanitaire a rapprochées. S’il y a un gain de cette pandémie, c’est cette solidarité intergénérationnelle.
Le Monde aujourd'hui à 18h08
TCHAT
Quelles sont les grandes tendances de la relation des individus à la mort en France et quelles sont les caractéristiques de l'impact de la pandémie sur nos pratiques et rites funéraires ? Pouvez vous nous donner votre sentiment sur le situation des EHPAD durant la pandémie ?


-domi92
Marie de Hennezel : Les grandes tendances de la relation des gens à la mort en France, comme je l’ai dit, c’est le déni. Mettre des mots sur la question de la mort, c'est quelque chose que les gens ne savent pas faire. Les rites funéraires ont été inexistants ou appauvris. Cela est très grave. Il faut compenser ce qu’il s’est passé par l’invention de rituels auxquels on redonne du sens. Celui qui est mort reste vivant dans notre pensée, les rites servent à illustrer cela. Ce qu’il s’est passé dans les Ehpad est grave, on a isolé des personnes dont le sens de la vie était d’être en lien avec les autres. En les isolant, on les a tuées.
Le Monde aujourd'hui à 18h05
TCHAT
de quelles capacités a-t-on besoin Marie de Hennezel pour intégrer la perte d'un être cher. Que penser de la survivance de l'ame au corps?


-Actualise
Marie de Hennezel : C’est une question très personnelle, très intime, qui dépend de la spiritualité de chacun. Certains pensent que la mort ne met pas fin à la vie d'une personne. Ils peuvent être aidés dans leur deuil. Au-delà de la croyance, on peut parler aux morts, qui de toute façon sont présents dans nos pensées. On peut continuer à s'adresser aux défunts. Je connais de nombreuses personnes qui demandent de l’aide à ceux qui nous ont quittés. C’est quelque chose qui dépasse la croyance dans un au-delà.
Le Monde aujourd'hui à 18h01
TCHAT
Bonjour,
pourquoi y a t'il pas de cellule psychologique pour accompagner les proches des personnes décédés du COVID ?
car ce qui s'est passé pour ma part fût d'une violence extrême.


-oceane
Marie de Hennezel : Je pense que, pendant longtemps, le gouvernement n’a pas pris la mesure de cette souffrance. Récemment, le président de la République a déclaré vouloir favoriser la prise en charge psychologique des enfants : des séances de psychothérapie sont remboursées, mais pas de cellules. Pourtant, les psychologues sont débordés. Il faudrait donc aller plus loin. Pourquoi pas instaurer dans les communes des groupes de parole d’endeuillés... Il faut que les gens se parlent, partagent leur vécu. C’est une façon de faire son deuil.
Le Monde aujourd'hui à 17h58
TCHAT
Bonjour,
Quel impact peut on présumer de cette ritualité empêchée sur le processus de deuil ?


-Lili 
Marie de Hennezel : Un deuil que l’on ne peut pas faire, c’est une tempête émotionnelle, du chagrin, de la colère qui peut entraîner des conséquences biologiques : insomnies, dépression, perte du goût de vivre, sentiment de culpabilité. Il y a aussi une série de somatisations qui peuvent survenir : fatigue énorme, perte de mémoire, incapacité à se concentrer. Les conséquences physiques et morales sont immenses.  
Le Monde aujourd'hui à 17h56
TCHAT
Pas une question mais un témoignage :
Lui, il n'est pas mort du Covid mais de son cancer parce que le Covid avait monopolisé tous les lits de l'hôpital où il venait de consulter un spécialiste...
Aujourd'hui en France, on n'a pas le droit de mourir du Covid. Mais d'une autre maladie ? Pas de problème...


-ANNE
Marie de Hennezel : Il y a une focalisation sur le Covid-19, c’est vrai. Il ne faut pas oublier que 600 000 personnes meurent chaque année du cancer, du tabagisme, des accidents de la route. Il y a 150 000 personnes qui meurent dans les Ehpad, de vieillesse. Ces raisons sont là tout le temps, en permanence. C’est important de le rappeler. Nous avons tout focalisé sur le Covid-19, c’est un vrai questionnement. Nous avons laissé de côté toutes les autres pathologies. Je n’ai pas de réponse à ce questionnement…
Le Monde aujourd'hui à 17h53
TCHAT
Bonjour, Y-a-t-il des précédents historiques d'hommages nationaux pour les morts d'une épidémie ?
Merci.


-cordialement.
Marie de Hennezel : A ma connaissance non. Des épidémies que nous ayons connues, il n’y en a pas.
Le Monde aujourd'hui à 17h50
TCHAT
Bonjour, pour avoir subi un deuil impossible à faire à savoir la perte brutale d'un enfant, je suis suivie depuis 7 ans par un psychiatre. Dans cette crise que nous vivons depuis un an, le deuil ambiant permanent qu'ont à vivre toutes les familles me poursuit chaque jour et les media, en général y contribuent pour beaucoup. Ma psychiatre me conseille régulièrement de ne plus écouter ni regarder et me mettre en distance. Que conseillez-vous pour se mettre en distance sans se sentir coupable de devenir "indifférent. Merci de votre réponse.

-Vivreaveclapandemie
Marie de Hennezel : Je pense que votre psychiatre a tout à fait raison. C’est toxique d’être du matin au soir en boucle sur les informations continues, ces nouvelles anxiogènes. Le premier devoir d’une personne, c’est d’essayer d’aller le mieux possible, pour elle, et pour les autres. Une personne qui va mal ne fait pas de bien aux autres. Si, pour aller bien, il faut suivre ce conseil (à savoir : se détacher des informations anxiogènes), ce n’est pas un signe d’indifférence mais de responsabilité vis-à-vis de soi-même, ainsi que vis-à-vis des autres. Car, si l’on va bien, on fait aussi du bien à ceux qui nous entourent. Par ailleurs, vous n’êtes pas la seule à prendre cette décision, beaucoup font ce choix par mesure d'hygiène psychique.
Le Monde aujourd'hui à 17h48
TCHAT
Bonjour,
J’ai peur de mourir, mais je ne connais personne qui soit mort du Covid. Y a-t-il une difficulté à accepter de devoir mourir dans notre société ?

-Audrey
Marie de Hennezel : Nous sommes dans une société où le tabou de la mort est très répandu. On fait comme si l'on n’allait jamais mourir, alors que la mort fait partie de la vie. Réfléchir au fait que l’on est mortel ne fait pas mourir et permet d’être plus au clair avec ce que l’on a envie de vivre : cela oblige à aller à l’essentiel. Paradoxalement, les gens sont plus apaisés quand ils ont réussi à parler de leurs peurs.
Le Monde aujourd'hui à 17h46
TCHAT
Bonjour, mon père est mort du covid qu'il a attrapé à l'hôpital au cours d'une hospitalisation qui n'avait rien à voir avec le covid. je n'arrive pas à accepter cette situation et je ressens beaucoup de colère. Lorsque j'en parle autour de moi, nombreux sont ceux qui restent assez indifférents ou pire, considèrent que cette situation est normale. Que me conseillez vous pour surmonter cette épreuve et ce ressenti?

-Gamzatti
Marie de Hennezel : Beaucoup de personnes ont vécu un drame similaire, vous n’êtes pas seul. Un collectif que je soutiens, "Tenir ta main", agit au niveau des députés pour déposer une proposition de loi interdisant que l'on ne puisse pas rendre visite à un mourant. Il faut se rapprocher de ce collectif. Dans des situations comme celle-là, il faut se rassembler et ne pas rester. Le collectif est un vrai poids politique.
Le Monde aujourd'hui à 17h43
TCHAT
Ma réaction devant les nombres de cas et des morts du Covid19 est totalement apathique et désintéressée. Je m'inquiète car je trouve que ce n'est pas très humain de ma part. Pensez-vous que la pandémie nous a enlevé notre "humanité"?

-En isolement depuis 1 an et...
Marie de Hennezel : Oui, il y a eu dans la gestion de cette pandémie des aspects totalement inhumains. Il faut oser le dire. L’interdiction des visites, l’interdiction de venir dire au revoir aux proches, la façon dont on a jeté les corps dans des housses sans que les familles puissent voir une dernière fois le défunt, l’impossibilité d’assister aux obsèques… Cette série d’interdits a été d’une inhumanité inacceptable.

Nous devons collectivement faire ce qu’il faut pour que cela ne se reproduise pas. Cette série d’interdits est une rupture anthropologique. Jamais une décision politique et sanitaire n’a empêché de dire au revoir à un mourant.  
Le Monde aujourd'hui à 17h41
TCHAT
Bonjour,
J'ai cru (voulu ?) comprendre que les proches des personnes décédées sont traumatisées par la façon dont ils ont du organiser les obsèques et donc faire leur deuil.
Ces conditions drastiques ne participent-elles pas de "l'indifférence" ? Ne pas pouvoir rendre hommage aux défunts et soutenir moralement/physiquement les proches est une épreuve dans l'épreuve ?

-Arlequin
Marie de Hennezel : C’est une grande épreuve. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une prise de conscience à haut niveau, et que l’on organise une cérémonie publique nationale d’hommage à ceux qui sont morts, laquelle permette de faire sentir aux familles qu’elles ne sont pas seules. Il faut permettre aux familles de sortir de ce sentiment d'indifférence dont elles souffrent. La reconnaissance de leur souffrance est un point important. Cela doit se faire par une cérémonie publique, à l’initiative du président de la République, qui symbolise cette reconnaissance du drame vécu.
Le Monde aujourd'hui à 17h39
TCHAT
Bonjour,
Une contamination intrafamiliale : sur 4 personnes touchées, une est décédée dans des circonstances horribles.
Comment surmonter cette culpabilité. Nous l'avons contaminée et en plus nous n'avons pas su être suffisamment réactifs pour la sauver.
Merci

-Marie
Marie de Hennezel : Cette personne n’est pas la seule dans ce cas, beaucoup de gens m’écrivent des histoires similaires. La première chose à se dire, c’est que la culpabilité est un poison. Ce n’est pas facile. Il faut remettre les choses dans leur contexte : si l’on a contaminé quelqu’un, c’est que l’on n’avait pas forcément les moyens de se protéger.

Il faut reporter la culpabilité sur les responsables de la gestion de cette pandémie. Les gens ne peuvent pas porter, seuls, la responsabilité de la mort de quelqu’un. C'est une responsabilité collective. Le gouvernement a sa part. Aussi, tout le monde a été pris de court. 

Cette famille doit pouvoir inventer un rituel qui lui permette d’être en paix avec celui qui est mort. La mort ne met pas fin à la relation que l’on a avec le défunt. Il faut lui parler, lui dire que l’on aurait aimé que ça se passe autrement. On peut lui écrire ou se réunir collectivement pour s’adresser à lui. Car le mort est là, dans la pensée, dans les rêves des personnes. Quand on parle des fantômes, ce sont des défunts avec lesquels l’on n’est pas en paix.

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