mardi 27 avril 2021

Projet de loi Loi PMA pour toutes : alors, vous accouchez ?


 


par Laure Equy  publié le 26 avril 2021

Initialement promis pour l’automne 2018, le projet de loi bioéthique qui élargit la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes a longtemps paralysé la majorité, causant de véritables «pertes de chances» pour les concernées. Il devrait être adopté à l’été.

Quel goût ont les triomphes tardifs ? Quand sera enfin adoptée la loi de bioéthique – avec la PMA pour toutes pour mesure phare –, la fête sera-t-elle complète ou ternie, pour certaines, par le temps passé à batailler et à (dés) espérer ? Après deux lectures dans chaque assemblée, les députés de la majorité et la droite sénatoriale ont acté leur désaccord mi-février en commission mixte paritaire. Sauf changement, le texte devrait revenir, en nouvelle lecture, début juin à l’Assemblée puis fin juin au Sénat, avant son adoption définitive promise par l’exécutif d’ici fin juillet. Après quatre ans d’une interminable attente pour les premières concernées.

Quand ils envisagent le bout du chemin législatif, c’est moins un cri de victoire qu’un soupir de soulagement chez les marcheurs. «Au moins ce sera fait, entrevoit un ministre. Le reproche fait à François Hollande de ne pas avoir intégré la PMA à la loi sur le mariage pour tous, on ne pourra pas nous l’adresser… même si on aura bien galéré !» Pour le chef des députés LREM, Christophe Castaner,«quand on mène une réforme de société, ce n’est pas la durée mais le résultat qui est déterminant» et ce que voulait LREM aura été retenu : la PMA sera ouverte aux femmes en couple ou seules et prise en charge par la Sécu. D’autres, parmi les députés très mobilisés, sont plus amers. Une fois la loi votée, «il faudra faire preuve d’humilité», prévient Laurence Vanceunebrock : «Ça a été un accouchement pénible, au forceps. Cela aurait pu être bien plus simple.»

Peur de froisser la droite

La crise sanitaire a, certes, ralenti la marche législative et confiné toutes les réformes mais dès le début du mandat, les marcheurs se sont heurtés à un gouvernement peu allant sur ce «sujet redoutablement complexe», dixit Edouard Philippe. Le comité national d’éthique s’était pourtant prononcé pour l’extension de la PMA en juin 2017. Promis pour l’automne 2018 puis début 2019, le projet de loi est présenté à l’été 2019. «A chaque étape, il a fallu batailler pour faire inscrire le texte à l’ordre du jour», raconte Guillaume Chiche qui se rappelle avoir entendu un pilier de la majorité déconseiller à Emmanuel Macron, après les européennes de 2019, de braquer son nouveau socle électoral, plus à droite qu’en 2017, avec la PMA. «J’en ai fait un combat dans ce mandat et j’ai l’impression que le gouvernement l’aura fait malgré lui», assène le député ex-LREM.

Si le gouvernement a le pied sur le frein, c’est qu’il a longtemps craint de réveiller les opposants de la Manif pour tous à la loi Taubira. D’où une extrême prudence et ce refus de déplier les étendards. «En 2013, on s’est parfois satisfaits de voir que le mariage pour tous était un sujet de clivage. Là, on assume de ne pas en faire un totem, on ne l’utilise pas comme une arme politique», défend l’ex-PS Christophe Castaner. «La PMA, c’est une bombe si l’on décide d’en faire un combat de société», avertissait en 2019 Agnès Buzyn. Quand le texte a été débattu à l’Assemblée, il fallait voir le trio gouvernemental (la ministre de la Santé, celle de la Recherche, Frédérique Vidal, et la garde des Sceaux Nicole Belloubet) faire profil bas et délaisser toute envolée pour rappeler qu’on avait affaire à une loi de bioéthique et non d’égalité des droits… «Je ne sais pas si les ministres présentes étaient à l’aise», reconnaît Coralie Dubost, corapporteure LREM. Quand la réforme fait son retour à l’Assemblée, celle-ci appelle à assumer sa portée sociétale : «Si cette loi comporte bien des accents d’égalité, il ne faut pas les masquer mais en être fier.»

Dédier un texte à la PMA, au lieu de la lester dans une vaste loi bioéthique, aurait-il permis une adoption plus rapide ? Le sénateur PS Bernard Jomier le croit et voit dans l’option retenue un «calcul» :«Du bout des doigts, Emmanuel Macron ouvre un droit nouveau et en même temps, sur les questions de bioéthique stricto sensu, il envoie un message aux conservateurs.» Le candidat de 2017 qui promettait la PMA à toutes, ne regrettait-il pas à la fois qu’on ait «humilié cette France» des opposants au mariage pour tous ?

«Pertes de chances»

Huit ans plus tard, il est vrai aussi que (toute) la droite n’a pas désarmé. Notamment les sénateurs LR, chauffés par leur président, Bruno Retailleau. Après avoir voté la PMA en première lecture, ils ont fait marche arrière en février. Ils se sont opposés à la PMA pour toutes mais aussi à l’autoconservation des ovocytes, exaspérant les associations LGBT et féministes. La commission mixte paritaire, qui a réuni quelques députés et sénateurs en vue de s’entendre, s’est soldée par un échec. Les socialistes assurent qu’un accord entre la gauche et LREM était possible mais fut refusé par ces derniers. Par peur d’être encore accusés par la droite de «passer en force» ? Au prétexte de la crise du Covid, 80 parlementaires LR avaient appelé dans une tribune publiée dans le Figaro en février dernier à reporter le sujet après l’état d’urgence sanitaire. Mais la droite n’en a pas fait non plus une guerre de tranchées comme en 2013. Et dans la rue, les quelques protestations de la Manif pour tous et de ses affidés tenaient du soubresaut et sentaient le réchauffé.

«Ce sont des histoires intimes, des détresses. Aux ministres concernés, qui sont des hommes, je rappelle qu’ils doivent penser aux femmes.»

—  Coralie Dubost, corapporteure LREM de la loi

Est-ce l’approche piano piano du gouvernement qui aurait payé ? Ou le pays qui a intégré cette avancée comme une suite logique ? «La PMA n’est pas un bouleversement dès lors que le mariage pour tous était autorisé», note le corapporteur LREM Jean-Louis Touraine.

Dans la société, le temps a fait son œuvre… Mais pour de nombreuses femmes, l’horloge biologique a tourné, phénomène moins négociable qu’un agenda politique. Chaque semaine, Coralie Dubost reçoit les témoignages de celles qui patientent. Comme ce mail d’une femme de 38 ans qui se demande si elle devrait faire congeler ses ovocytes en Espagne. «Ce sont des histoires intimes, des détresses, dit Dubost. Aux ministres concernés, qui sont des hommes, je rappelle qu’ils doivent penser aux femmes.» Laisser passer six mois, un an, «médicalement ce sont pour elles, des pertes de chances», insiste Guillaume Chiche, qui a fait le calcul. Passé le temps de la promulgation, des décrets, des premières démarches, «aucun enfant ne naîtra probablement d’une PMA pour toutes sous ce quinquennat».


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