samedi 13 mars 2021

La lutte contre les violences sexuelles perpétrées par des soignants est-elle trop timorée (et pourquoi) ?

Paris, le samedi 13 mars 2021 – Même si nous sommes quotidiennement accablés par la médiatisation de sordides affaires d’agressions sexuelles, notre stupéfaction reste entière. Qu’il puisse être possible de profiter de la vulnérabilité d’un enfant ou d’une femme (bien plus rarement d’un homme) en situation de faiblesse pour commettre des atrocités à répétition, en occultant totalement la souffrance de sa victime, suscite toujours un premier mouvement d’incrédulité, incrédulité qui est un des ciments du tabou. Et si l’auteur des faits est un professionnel de santé ayant agi dans le cadre de son exercice, la manipulation à l’origine d’une telle situation, ne peut encore que davantage nous saisir de stupeur. Tel a été par exemple notre état d’esprit en apprenant la condamnation d’une sage-femme homme à 12 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles de plusieurs patientes.

Négligences répétées

Alors que ce type de drames se répète, faut-il se résoudre à la fatalité ? Ou doit-on encore considérer que les actions entreprises pour lutter contre ce fléau (éducation des jeunes générations, renforcement des sanctions, systèmes d’alerte…) ont été trop restreintes voire même factices et que de nouveaux efforts sont non seulement possibles mais indispensables ? Est-il possible d’empêcher les pervers de passer à l’acte ?

L’efficacité de notre justice est évidemment à questionner. Un seul fait permet de résumer ses failles abyssales : les viols et agressions sexuelles de l’homme sage-femme ont été perpétrés entre 2013 et 2016 et la condamnation n’a été prononcée qu’en 2021.

Dans la sphère médicale, la justice est également loin de se montrer à la hauteur des enjeux. Là encore de nombreux exemples l’ont honteusement mis en évidence. Dans son rapport publié en décembre 2019 sur l’Ordre des médecins (ODM), la Cour des Comptes avait ainsi épinglé l’instance sur son manque de vigilance sur le sujet. « Les poursuites et sanctions disciplinaires interviennent souvent bien après des sanctions pénales », avaient par exemple relevé les magistrats de la rue Cambon. Plusieurs exemples étaient ainsi donnés, comme celui d’un médecin condamné pour agression sexuelle à six mois d'interdiction d'exercer par un tribunal correctionnel au début des années 2000 et qui n’avait finalement été l’objet de poursuites disciplinaires par l’Ordre qu’en mai 2016 (après une récidive du praticien). L’affaire du chirurgien Joël Le Scouarnec a donné une autre illustration de ce défaut de vigilance préoccupant de l’instance ordinale. « L’affaire de l’ex-chirurgien digestif Joël Le Scouarnec, accusé d’avoir agressé sexuellement des centaines de mineur(e)s depuis la fin des années 1980 est une illustration emblématique de leur inaction. Dans cette affaire, l’ODM a été informé en 2005 par le Tribunal de Vannes de la condamnation du chirurgien. Un an plus tard, il est convoqué par l’ODM pour un entretien qui ne donnera lieu à aucune suite alors qu’en cas de condamnation pénale, une procédure disciplinaire doit être immédiatement engagée. Le chirurgien a donc continué à exercer et à agresser des enfants en toute impunité pendant de nombreuses années. Lorsque l’affaire éclate en 2017, l’ODM publiquement nie avoir été informé du passé judiciaire de Joël Le Scouarnec… » rappelle le blog féministe Pourunemeuf.fr.

Protéger les coupables, surveiller les défenseurs ?

Alors que la multiplication des exemples et l’alerte de la Cour des comptes permettent difficilement de plaider l’exception, la réprobation ne peut que s’accroître lorsqu’on observe que non content de se montrer négligent dans la condamnation des condamnés, l’Ordre pourrait parfois être bien plus diligent quand il s'agit de surveiller ceux qui alertent. Récemment, l’affaire d’une pédopsychiatre toulousaine a ainsi été largement relayée et ne peut qu’interpeller. Le docteur Eugénie Izard fondatrice du REPPEA (Réseau de Professionnels pour la Protection de l’Enfance et l’Adolescence) a fait en 2014 un signalement au procureur pour des faits de maltraitances sur une enfant qu’elle prenait en charge. Elle transmet quelques mois plus tard un nouveau signalement au juge des enfants saisi et qui avait ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert. L’accusé, le père de l’enfant et médecin, saisit alors l’Ordre pour « immixtion dans les affaires familiales » (motif dont la recevabilité dans le cadre de telles affaires pourrait être discuté). Même si le docteur Eugénie Izard a évoqué longuement et calmement cette affaire dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, où elle dénonce un acharnement de certains conseillers ordinaux contre elle, tous les éléments n’en sont pas connus et cette lacune doit avoir une influence sur son appréciation globale. Cependant, différents points avérés interrogent.

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