jeudi 28 janvier 2021

Les pédiatres opposés à la fermeture des écoles en cas de troisième confinement

Par  Publié le 28 janvier 2021

Plusieurs sociétés savantes soulignent les risques psychosociaux engendrés par la déscolarisation, estimant qu’elle doit être un dernier recours.

Alors que l’hypothèse d’un troisième confinement est en discussion, plusieurs sociétés savantes de pédiatrie ont lancé un plaidoyer, lundi 25 janvier, pour laisser les écoles, collèges et lycées ouverts. Si les hôpitaux n’observent quasiment plus de maladies infectieuses pédiatriques (bronchiolite, gastro-entérite), « les pédiatres, pédopsychiatres et services d’urgences constatent une augmentation spectaculaire des admissions pour motif pédopsychiatrique depuis quelques semaines », s’inquiète la professeure Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie.

« Anxiété, idées noires et ou gestes suicidaires, dépression… sont le reflet d’un malaise général des enfants, les plus jeunes ayant parfois à peine 10 ans », poursuit-elle. A cela s’ajoute une hausse alarmante des maltraitances infantiles, avec de fortes conséquences sur la santé. Les pédiatres redoutaient dès avril 2020 une possible « seconde pandémie » de maltraitance.

Les appels au 119, le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, étaient en hausse de 56 % en mai 2020, à la sortie du confinement, la fermeture des lieux comme l’école ou les activités extérieures rendant plus difficile le repérage. « Nous voyons une épidémie d’enfants et d’adolescents qui ne vont pas bien. C’est la santé des adultes de demain », renchérit de son côté le docteur Elise Launay, présidente du Groupe de pédiatrie générale sociale et environnementale, qui en appelle, comme ses collègues, à l’ouverture d’un observatoire d’épidémiologie en pédopsychiatrie pour faire face au manque criant de données.

« Aggravation des effets délétères »

Une alerte avait été donnée début novembre 2020 par le professeur Richard Delorme, pédopsychiatre à l’hôpital parisien Robert-Debré, qui s’inquiétait d’une nette hausse des tentatives de suicide chez les mineurs de moins de 15 ans depuis la rentrée, des chiffres qui n’ont pas faibli.

Dans ce contexte, et « contrairement aux connaissances dont on disposait en mars 2020, la perspective d’un nouveau confinement avec fermeture des écoles, crèches, collectivités et milieux socio-éducatifs laisse craindre une aggravation des effets délétères indirects de la pandémie », poursuivent les sociétés de pédiatrie dans leur plaidoyer. Elles avaient déjà alerté, en mai 2020, sur l’impact en matière d’apprentissage et sur la santé, et s’étaient mobilisées pour le maintien de l’ouverture des établissements scolaires et des crèches.

Les sociétés de pédiatrie avaient déjà alerté, en mai 2020, sur l’impact en matière d’apprentissage et sur la santé

Le rôle des enfants et adolescents dans la dynamique de l’épidémie de Covid-19 est d’autant plus débattu avec l’arrivée des variants, notamment anglais, plus contagieux. Dans son dernier avis du 12 janvier, le conseil scientifique rappelle que « plusieurs pays européens ont récemment décidé de fermer les écoles, collèges et lycées (…). Les données actuelles (qui peuvent évoluer) ne justifient pas une telle mesure au regard de la situation épidémiologique actuelle, d’une part, et de la priorité par ailleurs accordée à l’enseignement des enfants, d’autre part ».

Il préconise aussi de réaliser plus d’enquêtes de dépistage pour tenter de suivre l’apparition du variant britannique en milieu scolaire, notamment chez les personnes asymptomatiques, une question importante au regard de la transmission « invisible » vers l’entourage. Les enfants sont très peu représentés chez les patients hospitalisés pour Covid-19 et parmi les décès (moins de 1 %), note Santé publique France.

« L’urgence est de vacciner »

« Il existe peu de preuves que les écoles ont contribué de manière significative à une augmentation des transmissions », notent des chercheurs des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) dans un article du Jama paru en ligne le mardi 26 janvier. A condition que soient respectés les gestes barrières, la distanciation physique, le port du masque, la ventilation des classes… Ils préconisent, eux aussi, d’étendre les tests de dépistage.

Au Royaume-Uni, le Public Health England, une agence gouvernementale de santé publique, a constaté que le variant se transmet plus facilement dans toutes les tranches d’âges. Il reste encore de nombreuses incertitudes sur la contribution exacte des enfants dans la propagation du SARS-CoV-2. Les positions sont souvent tranchées, opposant les pédiatres aux virologues et épidémiologistes.

Il reste de nombreuses incertitudes sur la contribution des enfants dans la propagation.

Même si certains de ces derniers soulignent qu’en cas d’augmentation de la circulation virale, la fermeture des écoles constituerait un levier pour freiner la pandémie, à ce stade, « la balance bénéfice-risque apparaît (…) très en faveur du maintien de l’ouverture des [établissements scolaires] », estiment les pédiatres signataires de l’appel. « Une partie des enfants et adolescents ne va pas bien, il ne faut pas les reconfiner, insiste Christèle Gras-Le Guen. Des médecins qui lancent des messages alarmistes sur l’école font fausse route, le problème n’est pas chez les enfants, l’urgence est d’accélérer la vaccination. »

« En cas de dégradation de la situation sanitaire, ce sont les collèges et lycées qu’il faudrait fermer en priorité », indique cependant le Conseil scientifique dans son avis du 12 janvier. Ce qu’admettent les pédiatres. Mais « la fermeture des écoles doit se faire en dernier recours et en cas de scénario catastrophe ».


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