vendredi 8 janvier 2021

«LE SUICIDE», EN CAUSE DE DÉSESPOIR

Par Geneviève Delaisi de Parseval — 6 janvier 2021

La psychanalyste Nathalie de Kernier décrypte le délitement narcissique à la base du passage à l’acte, notamment chez les personnes âgées.

L'essai de Nathalie de Kernier est loin de n'être que théorique.
L'essai de Nathalie de Kernier est loin de n'être que théorique. Photo Paula Danielse. Getty Images

«Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide», écrivait Camus dans le Mythe de Sisyphe. Certains ont des souvenirs des ouvrages de sociologie de Durkheim et de Halbwachs datant des années 30. Pour ces lecteurs-là, et pour d’autres, ce petit livre est un must, car l’abord du sujet est radicalement différent, même si l’autrice, une des meilleures spécialistes françaises du sujet, connaît les chiffres. Nathalie de Kernier, psychanalyste, voit dans certains éléments extérieurs négatifs (échecs, séparations, deuils) autant de variables qui entrent en jeu et risquent d’empêcher la transformation nécessaire du fonctionnement psychique des sujets concernés. Autant d’événements qui exposent en effet ces sujets à une disqualification du soi, au risque de déliter leurs bases narcissiques (rappelons que le narcissisme est l’énergie psychique - positive ou négative - que nous plaçons en nous-mêmes).

Ce remarquable petit livre est loin de n’être que théorique ; les contextes différents qui émaillent une vie sont finement analysés : on trouvera notamment un chapitre important sur le suicide des personnes âgées qui représentent (au-delà de 65 ans) la tranche de population la plus à risque. A contrario des sociétés traditionnelles qui accordaient une dignité particulière aux vieux, la tendance actuelle de les «regrouper» en Ehpad, qui accentue les vécus de solitude et de dépendance, sans un étayage suffisant, peut susciter des passages très insécurisants, violents parfois. Les hommes semblent vivre plus difficilement ces changements (leur taux de suicide est estimé trois fois supérieur à celui des femmes, même cinq fois au-delà de 80 ans). Où l’on voit que la vieillesse n’est pas forcément un «problème» ou un «risque» contre lequel la société devrait à tout prix se prémunir… Ce livre donne à penser. 

Nathalie de Kernier Le Suicide Préface de François Ladame. PUF «Que sais-je ?», 128 pp., 



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