dimanche 6 décembre 2020

Femmes victimes de violences : il faut surtout accueillir leur parole

Par Virginie Ballet — 4 décembre 2020 

A Bordeaux, le 25 novembre.

A Bordeaux, le 25 novembre.Philippe Lopez. AFP


Dans son interview à Brut, Emmanuel Macron a exhorté les femmes victimes de violences à «sortir de l'autocensure» et «dire ce qu'elles vivent». Or, le problème n'est pas tant la libération de cette parole, mais la réponse que les pouvoirs publics lui apportent.

A l’entendre, la première des choses, c’est «d’abord de le dire». De «faire en sorte, qu’au sein du foyer, la parole se libère». D’en finir avec «l’autocensure» et la «normalisation»… Dans son interview accordée ce vendredi au média en ligne Brut, le président de la République, Emmanuel Macron, a tenté de s’exprimer sur les violences conjugales… mais encore à côté de la plaque. Le 25 novembre dernier déjà, dans une vidéo diffusée sur son compte Twitter à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Emmanuel Macron estimait que «la première chose à faire, c’est alerter, dénoncer». Passons sur le fait que les quelque 220 000 Françaises victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire auraient sans doute mérité mieux ce jour-là qu’un message de deux minutes relayé sur le réseau social, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes est censée être «la grande cause» de ce quinquennat… Le Président semble surtout se tromper de cible : ce qu’associations et professionnels de terrain attendent de lui, c’est davantage de s’assurer que la parole de ces femmes soit correctement accueillie, entendue, que des suites, notamment judiciaires, lui soient données, et que des moyens financiers soient déployés.

Manque de places

Avant Emmanuel Macron, le Premier ministre, Jean Castex, avait déjà tenu un discours sur le même mode, le 2 septembre, à l’occasion d’un déplacement à la Maison des Femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Aux femmes victimes de violences, il avait lancé : «N’hésitez pas à sortir de l’ombre, à sortir de la condition indigne qui vous est faite. Vous serez accueillies, les auteurs des violences seront poursuivis sans relâche.» C’est précisément ce dont il est permis de douter. D’abord, sur la qualité de l’accueil réservé aux femmes par les forces de l’ordre, même si des progrès sont – il faut l’espérer – en train d’advenir. Combien de femmes se voient encore proposer une simple main courante ? Combien doivent encore détailler leur calvaire, qu’il soit fait de coups, d’insultes ou de viols, au beau milieu d’un espace d’accueil partagé avec des vols de scooters ? Combien d’entre elles peuvent effectivement bénéficier d’un hébergement d’urgence, non mixte, employant des personnels formés aux difficultés qui sont les leurs ? Même avec les 2 000 places supplémentaires promises d’ici à la fin du quinquennat, les calculs ne sont pas bons : il en faudrait au moins 20 000, contre à peine 7 700 prévues. Et combien peuvent bénéficier de soins à la hauteur du psychotraumatisme, quand sur tout le territoire, on compte à peine une dizaine de centres spécialisés, qui doivent aussi aider victimes d’attentats et autres abîmés de la vie à se réparer…

Et pour celles qui, malgré tout, auront réussi à s’affranchir de toutes ces douloureuses étapes, que se passera-t-il ensuite ? Seront-elles suffisamment protégées ? Ou finiront-elles comme Natacha, tuée par son ex-compagnon le 14 août dernier en Bretagne quelques jours après avoir fêté ses 43 ans, alors qu’elle avait déposé plainte contre lui, et qu’il n’était plus censé l’approcher jusqu’à son procès ? L’accablant rapport de l’Inspection générale de la justice, rendu il y a pile un an et qui portait sur 88 affaires d’homicides conjugaux jugés en 2015 et 2016, avait poussé Nicole Belloubet, ex-garde des Sceaux, à reconnaître que «la chaîne pénale n’est pas satisfaisante». Et pour cause : sur les 21 plaintes retrouvées, 80% avaient été classées sans suite. Ces derniers mois, un slogan des colleuses contre les féminicides s’affiche un peu partout dans les rues de France, voire plus loin. Il résume à lui seul l’erreur de croire que le problème ne vient que d’une difficulté à prendre la parole : «Plus écoutées mortes que vivantes



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