jeudi 17 décembre 2020

Enquête : derrière le documentaire «Mal traités», le lobby des médecines alternatives

    

Par Jacques Pezet , Vincent Coquaz et Robin Andraca 15 décembre 2020 

Capture d'écran de la bande annonce du documentaire «Mal Traités».

Capture d'écran de la bande annonce du documentaire «Mal Traités». La chaîne Hippocrate

Le film accuse les pouvoirs publics d’avoir écarté des protocoles efficaces pour traiter le Covid-19 pour des raisons économiques. Son réalisateur, l’ancien présentateur de téléréalité Alexandre Chavouet, prend fait et cause pour les «traitements naturels». En faisant intervenir des experts liés à l’industrie des compléments alimentaires. Et en restant opaque sur le financement du film par une fondation suisse.

Question posée par Alice le 10/12/2020

Sur Twitter et Facebook, il est présenté comme «un nouveau Hold Up», en référence au documentaire qui entendait dénoncer une manipulation mondiale visant à asservir les populations à l’aide du Covid-19. Avec des dizaines de milliers de partages sur les réseaux sociaux, y compris de comptes influents comme celui du sociologue Laurent Mucchielli, ou sur le site du lobby citoyen BonSens, et plusieurs centaines de milliers de vues, ce nouveau documentaire semble marcher sur ses pas.

Son nom ? Mal traités, sorti le lundi 7 décembre et disponible en ligne (en échange d’une adresse mail). Le film se montre beaucoup moins outrancier, tant dans la forme que dans le fond, que son aîné. Mal Traités est bien moins ouvertement complotiste que le film de Pierre Barnérias, et s’appuie sur certains débats légitimes portant sur le traitement et la prévention du Covid-19.

Mais il pose d’autres problèmes. En plus de ne donner aucun contrepoint et de reprendre à son compte certaines intox, le documentaire bifurque surtout rapidement vers la promotion de remèdes soi-disant naturels, comme les compléments alimentaires, pour traiter le Covid-19. Passant sous silence le fait qu’au moins la moitié des experts interrogés ont des intérêts financiers directs dans des entreprises de compléments alimentaires ou de «médecine alternative». Plus problématique encore : le documentaire est financé par une fondation opaque, liée à une entreprise de marketing aux pratiques controversées.

«Grands experts» et «labos»

Le sous-titre de Mal traités résume bien sa thèse : «Comment les malades ont été privés de remèdes efficaces». Habillé par la voix de Pierre Tissot (connu par exemple pour les spots publicitaires de BeIn Sport), le film déplore que «plusieurs traitements naturels ont montré d’excellents résultats contre la Covid-19, sans jamais trouver le moindre relais dans les médias ni le moindre soutien de la part des instances de santé. Pour quelles raisons ? Et dans l’intérêt de qui ?»

Selon lui, ce sont les intérêts financiers des grandes entreprises pharmaceutiques qui expliquent que les pouvoirs publics aient été si réticents vis-à-vis du protocole du professeur Raoult. A l’inverse, le documentaire prend fait et cause pour les médecins généralistes face aux «grands experts» dont les poches seraient directement remplies par «les labos».

Premier exemple : l’azithromycine, dont l’efficacité contre le Covid-19 est notamment défendue par le médecin généraliste Jean-Jacques Erbstein. Comme le racontait CheckNews en avril dernier, il faisait partie des médecins qui ont fait état de retours d’expérience positifs sur l’utilisation de cet antibiotique (qui n’a rien d’un «traitement naturel») pour soigner les patients atteints du Covid-19, sur les réseaux sociaux et dans les médias. Mais aucune étude scientifique n’était venue étayer ces témoignages, et les infectiologues mettaient en garde contre les «expérimentations sauvages».

Depuis ? «L’azithromycine n’apparaît jusqu’à présent pas avoir montré d’effets favorables dans trois essais cliniques en association», peut-on lire dans un article récent publié par le département de médecine aiguë des hôpitaux universitaires de Genève, qui détaille l’état des connaissances actuelles. «L’azithromycine n’a donc actuellement pas de base rationnelle pour pouvoir être recommandée chez les patients présentant une maladie COVID-19, de surcroît dans un contexte où les risques d’antibiorésistance vont grandissant.»

Le documentaire convoque également l’omniprésent Christian Perronne, qui déplore que «quand il y a une pandémie, vu du côté de l’industrie pharmaceutique, on se dit qu’il y a toujours de l’argent à se faire».

Perronne, personnage central

Cet auteur d’un best-seller consacré à la pandémie, est en réalité l’un des rares points communs entre Hold-up et Mal traités : il est un des personnages centraux des deux documentaires. Présenté comme un prestigieux infectiologue qui a «toujours défendu les malades contre la pensée unique médicale», le nouveau documentaire prend comme exemple son travail sur Lyme. En oubliant de préciser que ses thèses sur l’origine de cette maladie (qui serait due à une prolifération cachée de tiques modifiées par un chercheur nazi) sont particulièrement controversées. A tel point que ses positions lui avaient valu les foudres et les moqueries… de Didier Raoult en personne.

Il dénonce aujourd’hui une «coalition internationale de big pharma, des présidents des sociétés savantes qui touchent beaucoup d’argent de l’industrie pharmaceutique, de groupes d’experts bourrés de conflits d’intérêts».

Heureusement «un homme [est venu] chambouler les projets de big pharma. Son nom ? Didier Raoult» se félicite le docu, qui prend fait et cause pour l’hydroxychloroquine comme traitement miracle du Covid-19, sans apporter aucune nuance ni contrepoint.

Quitte à tomber dans des démonstrations mensongères pour grossir le trait : le documentaire juge ainsi «curieux» de passer l’hydroxychloroquine sous prescription début 2020, laissant entendre qu’il s’agirait d’une manœuvre pour empêcher les Français de se soigner. Or, la procédure est en fait bien antérieure au débat sur son efficacité comme traitement du Covid-19 (lancé par Didier Raoult en février 2020) : elle a été initiée en 2018 et relève du principe de précaution puisque de nombreuses études ont démontré la potentielle génotoxicité de la chloroquine, une substance proche de l’hydroxychloroquine. A cause de cette génotoxicité potentielle, ces substances sont ainsi déconseillées pendant la grossesse (contrairement à ce qu’avance le documentaire).

L’autre affaire «troublante» soulevée par Mal traités : le remdésivir, un antiviral très coûteux, que les autorités françaises auraient cherché à imposer par tous les moyens.

Sans doute car cet élément n’entrait pas dans la démonstration du réalisateur, le documentaire n’évoque pas le fait que la France a été l’un des pays européens les plus frileux vis-à-vis du remdésevir. Contrairement à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, dont le documentaire salue pourtant à quelques occasions la gestion de la crise, la France n’a jusqu’à maintenant commandé aucune dose au travers de l’accord-cadre européen.

Le documentaire assure que le remdésivir aurait été promu par de «nombreux experts» qui entretiennent «des liens d’intérêt» avec le laboratoire américain qui le produit : Gilead. Une situation de proximité entre chercheurs et laboratoires parfois bien réelle, mais nettement plus complexe, comme CheckNews l’expliquait.

Monsieur Vitamine D

Tout au long du film, Mal Traités fait d’ailleurs reposer sa démonstration sur cet argument : les experts de santé ainsi que les autorités sanitaires ont des intérêts financiers publics ou cachés qui les pousseraient à privilégier certains traitements au détriment d’autres. Problème : Mal traités ne s’embarrasse guère du parcours des intervenants qu’il convoque, ni de leurs éventuels conflits d’intérêts.

Ainsi, après avoir vanté les mérites de l’hydroxychloroquine, Mal traités met en avant un autre traitement miracle : la vitamine D. Pour cela, il cite un éminent spécialiste de la question, Michael Holick, endocrinologue américain. Sans préciser que les industries pharmaceutiques, les fabricants de suppléments alimentaires ou le secteur des cabines à UV lui ont permis de toucher de grosses sommes d’argent, comme l’a révélé une enquête accablante du New York Times : le médecin a ainsi «utilisé sa position privilégiée dans la communauté médicale pour promouvoir des pratiques qui ont bénéficié à des entreprises qui lui versent des centaines de milliers de dollars».

Plus largement, Mal traités met en avant des solutions à base d’extraits de plantes (comme l’artemisia) ou l’aromathérapie (traitement à base d’huiles essentielles). Et là aussi, le documentaire se montre bien peu scrupuleux sur la question des conflits d’intérêts : l’expert interrogé sur les bienfaits de l’aromathérapie n’est autre que Dominique Baudoux, qui fait fortune en vendant… des huiles essentielles.

Idem pour Claude Lagarde, cité comme docteur en pharmacie et biologiste et expert en micronutrition, sur les bienfaits du zinc face au Covid-19. Ce que le documentaire ne précise pas, c’est que Claude Lagarde est surtout fondateur et actuel PDG des laboratoires Nutergia, qui ont fabriqué et vendu des compléments alimentaires pour près de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 (dont, évidemment, du zinc). Une source interne à l'industrie indique à CheckNews que Nutergia est une «entreprise florissante» dans un «marché du complément alimentaire ultra concurrentiel» : «Le marché était en stagnation voire en baisse ces dernières années, mais il est en forte hausse en 2020 dans le contexte de l'épidémie de Covid-19.»

Vincent Castronovo, enfin, est présenté comme expert en «médecine préventive micro-nutritionelle et fonctionelle», sans préciser qu'il est par exemple régulièrement rémunéré par la société BioNutrics, qui «travaille beaucoup avec lui» pour des séminaires et formations, comme nous l'a confirmé cette filiale de la multinationale Metagenics, spécialisée dans la vente de compléments alimentaires. «Je suis aussi payé comme consultant par des entreprises pour donner mon avis sur tel ou tel produit, ajoute le médecin. Le documentaire aurait pu mentionner ce conflit d'intérêts potentiel. Après je me sens beaucoup plus à l’aise en étant du coté des compléments alimentaires que de big pharma, au niveau éthique et moral. On ne joue pas dans la même cour.»

«Nos autorités et nos médias restent silencieux»

«Je ne considère pas que l’on soit en conflit d’intérêts lorsque l’on parle de ces actifs élémentaires pour notre santé, à partir du moment où aucune marque de laboratoire n’est citée dans le film, justifie le réalisateur, interrogé par CheckNews sur ce point. Ils peuvent être vendus par n’importe quel commerçant, généralement à des prix faibles.» Même argument pour Claude Lagarde : «Le zinc tout le monde en vend. Ce n'est pas une pub que j'ai voulu faire, on en fait suffisament et ça marche suffisament, mais c'est une information que j’ai voulu donner.» Le fondateur des laboratoires Nutergia note lui aussi que le réalisateur du film «aurait du indiquer» la nature de son entreprise lorsque le documentaire évoque une étude qu'elle a réalisée.

Mal Traités laisse ensuite entendre à plusieurs reprises que ces différents traitements auraient été sciemment passés sous silence par les autorités sanitaires, car «on préfère vendre des médicaments chimiques très chers» comme l’avance l’un des intervenants. Concernant la vitamine D par exemple, les équipes du film fustigent le fait que «nos autorités et nos médias restent silencieux sur ce sujet, alors que des milliers de vies sont en jeu». C’est pourtant faux, comme l’expliquait CheckNews dès juin dernier.

Ainsi, même si cette vitamine ne peut être considérée comme un traitement préventif ou curatif de l’infection, l’Académie de médecine a jugé publiquement qu’une supplémentation chez les patients hospitalisés pouvait diminuer leur risque de complications respiratoires, dans un communiqué repris un peu partout dans les médias. De très nombreux articles de presse se sont également fait l’écho de recherches menées au CHU d’Angers sur les effets de la vitamine D pour les patients âgés.

Alex Fighter

Derrière ce film : Alexandre Chavouet, 44 ans, plus connu sous le nom d’Alex Fighter, son pseudo depuis ses premières années à la télévision. Dans les années 2000, il a d’abord animé sur FunTV l’émission phare de la chaîne, «le Jeu». Puis on l’a souvent vu sur M6 où il animait plusieurs émissions sur l’actualité des stars.

Depuis 2011 et son départ du groupe M6, il a créé une société de production, Update Production, avec laquelle il a notamment produit plusieurs documentaires sur le monde du showbiz, en partenariat notamment avec Jean-Paul Gautier ou le chanteur Will.i.am. Depuis 2014, et un voyage en Inde, comme il le raconte en interview, Alex Fighter a résolument changé de ligne éditoriale.

Il souhaite désormais mettre en avant des solutions «positives» pour le futur de l’humanité, souvent mises à mal selon lui «pour des raisons industrielles ou politiques», comme il l’affirme dans une interview de 2019. Son centre d’intérêt principal ? La médecine «holistique» et «la santé au naturel».

Chants de dauphin

«Le déclic [pour réaliser ce documentaire] a vraiment eu lieu au printemps 2020 lorsque les autorités ont interdit aux médecins de prescrire l’hydroxychloroquine, explique Alexandre Chavouet à CheckNews. J’ai été abasourdi par les recommandations officielles qui conseillaient aux malades de ne pas aller voir leur médecin généraliste. Sans parler de l’absence totale de conseils préventifs qui auraient pu permettre à chacun d’entre nous de renforcer son système immunitaire. J’ai décidé de mener mon enquête pour tenter de comprendre ce qui se jouait en coulisse autour de l’hydroxychloroquine. Et c’est là que j’ai découvert que l’hydroxychloroquine n’était que l’arbre qui cachait la forêt dans le sens où les traitements non-brevetables n’ont pas leur place dans notre système de santé.»

Alex Fighter organise en parallèle des conférences au Grand Rex de Paris. La seconde édition de cet évènement, prévu cette année et intitulée «Nature guérisseuse» a été décalée au 10 avril 2021 en raison de l’épidémie de Covid. Au programme, notamment : l’aromathérapie scientifique, la médecine dite psychédélique ou encore la «puissance thérapeutique» des chants de dauphin sur le corps.

Dans les sponsors de l’événement, on retrouve Source Claire : une société de fabrication et de distribution de compléments alimentaires. Et même s’il assure n’avoir «aucun lien d’intérêt d’aucune sorte», Alexandre Chavouet a pourtant d’autres liens avec le monde de la «médecine» alternative : il apparaît dans un spot publicitaire du «bol d’air Jacquier», un produit censé «utiliser l’huile essentielle de résine de pin (térébenthine), pour créer un transporteur d’oxygène» vers vos cellules via la respiration. Un produit facturé entre 1 500 euros et un peu plus de 4 000 euros.


Alexandre Chavouet respire dans un «bol d’air Jacquier». Capture d’écran Holiste.com DR

Une fondation opaque

L’équipe du film reste également opaque sur son financement. Mal traités a été principalement financé par une certaine «fondation Hippocrate», créée en Suisse il y a quelques mois à peine. Or celle-ci est dirigée par l’un des personnages centraux de ce documentaire, le médecin généraliste Eric Ménat, fervent défenseur de l’hydroxychloroquine. Ce qui n’est jamais mentionné dans le documentaire. Selon ce médecin, le réalisateur du film est venu le voir «car il avait vu ses pétitions, ses articles» sur le Covid-19. «Hasard» du calendrier, cette sollicitation a coïncidé avec la création de la fondation.

Comment se finance cette structure qui «a pour buts [de] promouvoir et soutenir la médecine naturelle et intégrative, préventive et d’accompagnement, ainsi que les thérapeutiques holistiques» ? Alexandre Chavouet assure ne pas le savoir : «Par des dons je suppose, étant donné que c’est une fondation. Je n’en sais pas plus.» Lorsqu’on l’interroge sur la provenance de l’argent, Eric Ménat botte en touche : «C’est une question indiscrète. On a quelques fonds propres. Et sinon c’est du mécénat assez varié, de gens et d’entreprises.»

Les trois dirigeants de cette fondation ont en tout cas un point commun : ils sont liés à l’entreprise BioSanté Editions. Eric Ménat et Benjamin Wright comme auteur et éditeur en chef, et Frédéric Zenouda comme participant à des évènements organisés par la société.


Eric Ménat, figure de BioSanté Editions. Capture d’écran guerir-bien-vieillir.com DR

«Ça fait partie de nos secrets»

Le principe de BioSanté Editions ? Des revues et newsletters très populaires, dédiées à la «santé au naturel», comme Santé Corps Esprit, à laquelle contribue le docteur Eric Ménat… et qui fait la promotion de Mal traités. Autre signe de l’affiliation entre le documentaire et BioSanté Editions : l’argumentaire de Mal traités sorti cette semaine, reprend la démonstration d’une newsletter diffusée par l’entreprise en mars 2020. Cette entreprise finance-t-elle la fondation (et donc le documentaire) ? «Je ne peux pas vous le dire, ça fait partie de nos secrets», avance à nouveau Eric Ménat.

A l’origine, cette entreprise faisait partie d’une plus grosse structure : Santé Nature Innovation. BioSanté Editions est en effet une «coentreprise» créée sur le modèle et grâce aux moyens techniques, humains et financiers de cette grande société fondée par un certain Vincent Laarman. Ce dernier est bien connu dans les milieux politiques français : il a fondé plusieurs associations situées à droite (de la droite) comme SOS Education ou l’Institut pour la justice. Le créateur de BioSanté Editions, Xavier Bébin, a d’ailleurs longtemps été délégué général de cette dernière, qui milite pour un durcissement de la politique pénale.

Ces entreprises ne font pas qu’éditer des revues «alternatives». Loin de là. Dans un cas comme dans l’autre, elles font partie d’un réseau «d’associations-entreprises» pratiquant un système appelé le copywriting, importé des Etats-Unis : «Le fonds de commerce du copywriting, que ce soit sur le sujet de la finance, du développement personnel ou des médecines alternatives, c’est la "génération de lead". Ça veut dire que vous proposez des contenus gratuits, quel que soit le sujet, pour obtenir le mail des gens», résume à CheckNews un expert marketing qui a travaillé avec BioSanté Edition.

Ces différentes associations et entreprises de copywriting utilisent en général un sujet d’actualité susceptible de susciter l’indignation pour récolter de nombreux contacts (principalement des mails), qu’elles vont ensuite valoriser, en les vendant directement à d’autres entreprises, ou en faisant des appels au don, en vendant des abonnements, des formations, des conférences ou divers produits et services commercialisés par d’autres entreprises satellites.

«One clic», mode d’emploi

Quitte à les vendre de manière déloyale. En 2018, UFC Que Choisir s’était penché sur le seul cas du site «Santé Nature Innovation». Dans son enquête, le magazine spécialiste de la consommation relevait d’abord que l’entreprise de Vincent Laarman recommandait des remèdes dits naturels pour lutter contre des maladies aussi graves qu’Alzheimer ou le cancer, sans aucun fondement scientifique.

L’UFC Que Choisir s’était surtout intéressé au modèle économique de l’entreprise, basée en Suisse. Celui-ci reposait sur une pratique illégale en France : «Cet ingénieux système est appelé "one clic" : dès lors que vous avez livré votre Sepa [moyen de paiement], cliquer sur une offre vous engage à l’achat sans même que vous vous en rendiez compte», détaillait le magazine. «J’ai eu des personnes âgées sans grandes ressources qui pleuraient au téléphone parce qu’on les avait encore débitées de 200 euros, elles voulaient être remboursées et on ne pouvait rien faire», témoignait un ancien employé du site.

Devant des collaborateurs en 2017, Vincent Laarman, assumait complètement de manipuler l’information à des fins mercantiles, comme le rapportait France Info : «Dire aux gens qu’il y a un complot même si ce n’est pas vraiment un complot, c’est de la forme !» Depuis peu, Santé Nature Innovation multiplie les contenus sur le Covid, sur fond de complots, recommandant à ses lecteurs d'acheter au plus vite… de la vitamine D chez ses partenaires, Cell’Innov.

«Là non plus rien n’était transparent !»

Aujourd’hui, BioSanté Editions assure n’avoir plus aucun lien avec Santé Nature Innovation, à la suite d’un schisme entre les deux structures. Mais elle utilise les mêmes techniques, comme nous le confirme une source interne : «Dès que les clients cliquaient sur un bouton, la commande était lancée. Il y avait parfois juste écrit "Je m’abonne", et ça suffisait pour qu’on facture, sans confirmation ni rien.» Ecœuré par ces «magouilles», ce salarié a quitté le groupe : «Ce qui est terrible, c’est qu’au début on est convaincus qu’on va aider des gens à trouver des alternatives en termes de santé, parce que les laboratoires pharmaceutiques ne seraient pas transparents. Mais là non plus rien n’était transparent !»

En plus des conseils plus que douteux administrés par une newsletter comme Santé Corps Esprit, on trouve la trace de nombreux internautes qui se plaignent de prélèvements abusifs ou de la difficulté de joindre l’entreprise en cas de problème : «J’ai été prélevé, par les Editions Biosanté, de la somme totale de 515 € depuis le début de l’année alors que je me suis abonnée seulement à la revue mensuelle Santé Corps Esprit pour 19 € pour l’année», détaille par exemple l’un d’entre eux le mois dernier.

Et si l’entreprise se défend de tout conflit d’intérêts, ce serait en surface uniquement : un ancien salarié explique que Propulse Lab, qui est une société «satellite» de BioSanté Editions (de nombreux salariés ont ainsi été «transférés» de l’une à l’autre), travaille directement avec des entreprises qui produisent et vendent des compléments alimentaires. Contactée, l’entreprise n’a pas donné suite aux sollicitations de CheckNews.

Appel aux dons

Derrière l’image alternative voire artisanale des revues et newsletter de BioSanté Edition (le ton est toujours très personnel, presque amical, puisque l’auteur offre ses conseils exclusifs aux lecteurs à la première personne), se cache donc une machine bien huilée, qui utilise l’argument de la santé «naturelle» pour générer du cash. Un rapide tour sur LinkedIn permet d’ailleurs de s’apercevoir que BioSanté Editions recrute des spécialistes en marketing issus des plus grandes écoles de commerce françaises.

Et dans le cas de Mal traités, la même formule semble opérer : il faut impérativement donner son mail pour accéder au documentaire. Sans surprise, un appel au don pour la fondation Hippocrate s’affiche ensuite immédiatement. Et au bout de quelques heures à peine, un premier mail vous est envoyé en vous demandant de «transférer maintenant à vos contacts» le documentaire. L’objet du mail ? «Urgent : voici comment nous pouvons sauver des vies, ensemble.» 


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