lundi 2 novembre 2020

Ecoles : «Le masque, ça angoisse carrément la petite»

Par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux — 

Dans le collège Henri-Matisse, en septembre.

Dans le collège Henri-Matisse, en septembre. Photo Eric Gaillard. Reuters

Souvent soulagés que les écoles restent ouvertes, les parents s’interrogent toutefois sur les conditions sanitaires de la rentrée. Certains craignent d’être contaminés par leurs enfants

«Un extrême soulagement.» C’est ce qu’a ressenti Hélène, une Bordelaise de 39 ans, quand elle a appris que les établissements scolaires restaient ouverts pendant le nouveau confinement. «En mars, on a vécu l’école à la maison comme un calvaire. C’était beaucoup de crises, d’énervements, des difficultés pour se concentrer. Et on peut le comprendre. A cet âge, rester enfermé n’est pas naturel. Le premier confinement a brouillé tous leurs repères», analyse cette mère de trois enfants, scolarisés en primaire et au collège. Soulagée, aussi, car Hélène et son mari vont pouvoir travailler plus sereinement et ne plus avoir à jongler entre boulot et leçons : «Ce n’est pas tenable de gérer à la fois cours à domicile et télétravail sur le long terme. On est les parents de nos enfants, pas leurs professeurs. C’est un métier qui ne s’improvise pas.»

A Mérignac, ville limitrophe de Bordeaux, Mélissa, 33 ans, accueille aussi l’ouverture des écoles comme «un poids en moins». La jeune femme se rappelle avoir eu des bouffées d’angoisse avant les annonces du Président. «Je priais pour que tout ne soit pas fermé à nouveau car j’ai très mal vécu la période de mars à mai. Mon fils de 5 ans me demandait énormément d’attention alors j’ai progressivement délaissé certaines tâches au travail. Ça a tendu les relations avec mes collègues», confie cette graphiste. Epuisée par ses doubles journées et tiraillée entre sa culpabilité de «ne plus être aussi efficace au boulot» et «de ne pas assurer pour l’apprentissage» de son enfant, Mélissa avait même songé à se mettre en arrêt maladie.

«Mal aux oreilles»

Pour Nathalie, 47 ans, qui habite dans le centre-ville de la capitale girondine, cette rentrée est une bonne nouvelle. Mais un autre point a longuement fait tiquer cette professeure de musique. «J’ai une fille de 6 ans, elle est en CP. En apprenant qu’elle devrait elle aussi porter le masque, j’ai manqué de m’étrangler. Quand je pense que j’ai moi-même des maux de tête au bout d’une heure, j’ai beaucoup de mal à imaginer ma puce gérer cette barrière toute une journée», fulmine la Bordelaise. Elle souligne qu’elle est obligée de faire des nœuds «qui font mal aux oreilles» afin que les masques, trop grands, tiennent correctement. «J’ai peur aussi que ma fille accumule du retard, glisse Nathalie. Tout le monde est très fort pour nous envoyer des pages et des pages de protocole, par contre quand il s’agit de l’avenir de nos enfants, tout est flou. Au collège, on s’attarde aussi moins sur le malaise de ma grande qui déprime souvent. Pour moi, leur santé mentale est pourtant tout aussi importante !» Même inquiétude pour Ugo, le père de Nina, 6 ans et Loup, 8 ans : «Le masque, ça angoisse carrément la petite. Elle s’est mise à pleurer quand elle a su. Avec sa mère, on a dû la convaincre pour qu’elle accepte de retourner à l’école. Je crains un peu sa réaction le jour de la rentrée.»

Paige, 36 ans, regrette quant à elle la lourdeur administrative : «L’attestation scolaire avec le cachet de l’établissement, encore un génie qui a pondu ça ! On m’explique comment on fait avec trois enfants dans trois écoles différentes ? Avec six déplacements par jour au minimum, on doit tout remplir à chaque fois ?» peste la trentenaire qui a aussi longuement hésité avant de renvoyer sa fille de 7 ans à l’école. «Et je ne suis pas la seule !» assure Paige. «Plein de parents autour de moi ont décidé de garder leurs gamins chez eux par peur qu’ils ne ramènent le Covid à la maison. Ils se posent la question, et elle est légitime : "Entre les cours, la cantine, les allers-retours… Comment le virus va-t-il s’arrêter de circuler ?"»

«A la hâte»

Un tour rapide sur les réseaux sociaux permet de s’en convaincre, les salles de classe risquent d’être clairsemées ce lundi. Ainsi, sur le groupe Facebook Wanted Community Bordeaux, qui compte quelque 170 000 membres, les messages inquiets pullulent. Des parents pointent du doigt une rentrée «préparée à la hâte», «un manque de moyens humains et matériels» ou encore «un protocole bancal et difficile à appliquer dans la vraie vie».



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