mercredi 4 novembre 2020

Bulletin de la SIHPP 3 novembre 2020 et Déclaration de Jean-Claude Monod

SIHPP 9 FÉVRIER 2020 - Bulletin de la société internationale d'histoire de  la psychiatrie et de la psychanalyse - Cifpr`

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE D'HISTOIRE

DE LA PSYCHIATRIE ET DE LA PSYCHANALYSE


Chers amis

La SIHPP, société savante, ne saurait rester à l’écart des débats qui traversent le monde universitaire et intellectuel français, en particulier  quand la liberté d'enseignement et de recherche devient un enjeu. 

D’où les deux interventions que vous trouverez ci-dessous : 

- un éditorial d’Elisabeth Roudinesco,

- une déclaration de Jean-Claude Monod

Bien à vous 

Henri Roudier, secrétaire de la SIHPP

oooOooo

Editorial d’Elisabeth Roudinesco, présidente de la SIHPP
 
            Nous publions ici la réaction de Jean-Claude Monod - philosophe et chercheur enseignant à l’ENS - à la parution  d’une tribune stupéfiante (Le Monde du 31 octobre 2020), signée par une centaine d’universitaires, parmi lesquels de beaux esprits qui accusent d’autres universitaires, leurs collègues, de "frilosité" envers ce qu’ils appellent des  "idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales". Dans la foulée, ils réclament l’instauration, au sein de l’Université, d’une "instance" chargée de "détecter" des dérives et de les "faire remonter" vers les autorités. Ils affirment pouvoir ainsi dénoncer, blâmer, sanctionner, voire bannir, ceux qu’ils désignent comme des "islamo-gauchistes" et qu’ils jugent complices des assassinats terroristes, sans qu’aucune preuve tangible n’ait pu être établie entre cet acte meurtrier et ce prétendu "gauchisme". 

    Or jamais, depuis la Libération, un gouvernement, de droite ou de gauche, n’a eu l’idée saugrenue de créer un comité de vigilance idéologique dédié à une surveillance du contenu des enseignements et, pourquoi pas, à la mise à l’écart de chercheurs ou d’enseignants. Appelons un chat un chat : il s’agirait là d’un comité de délation. Formé par qui ? Elu comment ? Désigné par quelle instance ? 

    La liberté d’enseignement et de recherche ne se divise pas.  Pour ma part, je réprouve toute forme de culture de la dénonciation (Cancel Culture), qu’elle émane de minorités tyranniques promptes à boycotter ou à interdire des cours, des spectacles ou des conférences, ou qu’elle soit légalisée par une prétendue instance de détection des bonnes et des mauvaises pensées. L’Université est un lieu de transmission des savoirs et de la recherche où doit régner, de façon inconditionnelle, et sans la moindre restriction, la liberté de discussion, d’échanges, de conflits et de controverses. 

    Affirmer une telle liberté n’empêche pas d’approuver les mesures prises par le gouvernement dans sa lutte contre le jihadisme,  et notamment la dissolution des mouvements extrémistes qui, par des appels au meurtre et à la haine, veulent détruire nos libertés fondamentales : liberté d’écrire et de penser, liberté des mœurs, liberté de la presse, liberté de pratiquer une religion ou de ne plus la pratiquer, liberté de blasphémer. 

    On ne combat pas le terrorisme par les armes de la terreur ou de la censure.  Comme le souligne fort bien Henri Leclerc, dans un bel article du Journal du dimanche  (1er novembre 2020), nos libertés doivent résister à la barbarie et nos lois sont suffisantes pour mener une telle lutte. 






Déclaration de Jean-Claude Monod 

    Hallucinante tribune qui en appelle à la création d'une instance de contrôle de l'Université et de la recherche contre lesdits "islamo-gauchistes" en son sein, qu'il faudrait donc "détecter", dénoncer et, j'imagine, blâmer, sanctionner, bannir ou renvoyer de l'Université? A vrai dire on ne sait pas si ce sont les chercheurs et enseignants qui seraient concernés par cette instance de détection, ou bien les étudiants et les "groupes minoritaires" (syndicats étudiants? associations?) qui essayeraient de faire pression sur les enseignants. 

Ce flou est révélateur de la confusion de cet appel. 

Quand on connaît l'extension que nombre de signataires donnent à l'appellation fourre-tout d'"islamo-gauchisme" (pour ne rien dire de la "doxa antioccidentale"),- ils ont eu la pudeur d'attendre pour en publier la liste nominative -, on peut estimer qu'on aura rarement vu un tel appel à l'abandon du principe de la liberté de la recherche. Que cela se fasse au nom de la défense des libertés académiques et de la liberté d'expression est un sommet de contradiction performative. Que quelques amis et des personnes que j'estime aient signé cet appel m'afflige. La nécessaire lutte contre l'islamisme et le jihadisme passe certainement par des mesures de lutte contre la haine en ligne, par des blocages et des sanctions immédiates contre les campagnes publiques visant des personnes accusées d'avoir insulté le Prophète, par la fermeture des organes de propagande, etc. Mais elle ne saurait passer par l'instauration d'un nouveau maccarthysme à l'Université.


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