dimanche 11 octobre 2020

REPORTAGE. Le médecin légiste autopsie aussi les vivants

Publié le 

Renaud Clément, chef du service de médecine légale du CHU de Nantes, l’un des sept médecins légistes qui examinent les victimes pour établir les ITT (interruption totale de travail).

Renaud Clément, chef du service de médecine légale du CHU de Nantes, l'un des sept médecins légistes

qui examinent les victimes pour établir les ITT (interruption totale de travail).

« Je suis quelqu’un de simple, pas méchante vous savez. » Les épaules basses, une femme sèche ses larmes dans la petite salle de consultation de l’unité médico-judiciaire du CHU de Nantes. Elle vient de raconter au docteur Renaud Clément, chef du service de médecine légale, que son frère l’a molestée et insultée. Une querelle de famille qui a dégénéré. Résultat : une clavicule cassée, un dépôt de plainte, et un moral en berne.

Ici, les médecins ne soignent pas les maux. Ils les mesurent. Délicate mission nécessaire à l’exercice de la justice pour évaluer l’importance d’une blessure somatique ou psychologique causée par un tiers, accidentellement ou volontairement.


« La médecine de la violence »


L’échelle est donnée en jours d’ITT. Trois semaines pour cette sœur. « Rien à voir avec un arrêt de travail. C’est l’incapacité, même minime, à pouvoir accomplir les actes de la vie courante », explique Renaud Clément. Une incapacité qu’il faut estimer en quelques minutes. Pas évident. « Il n’y a pas de grille. Disons que ce serait cinq jours pour un nez cassé sans opération, dix s’il y en avait une », confie Renaud Clément.

Pour les blessures physiques, un cliché radio et un examen médical suffisent. Réglette à la main, le légiste mesure toutes les traces laissées sur le corps. Ça se complique pour les bleus à l’âme. Comme cette femme, agressée en pleine rue par son conjoint, qui lui a arraché sa robe, mettant à nu une compagne qu’il sait extrêmement pudique. En larmes, elle semble revivre la scène en la racontant. Un traumatisme profond qui pèse dans l’évaluation de l’expert : 21 jours d’ITT.

Les rendez-vous s’enchaînent à un rythme soutenu. Sans jamais brusquer, y compris lorsqu’il faut calmer la logorrhée d’une victime ou répéter plusieurs fois les questions à une patiente étrangère accompagnée par une traductrice. Tous repartent sans connaître le nombre de jours d’ITT établi. L’information sera transmise à l’enquêteur chargé du dossier, puis au procureur.

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