vendredi 4 septembre 2020

Qu'est-ce que le Novitchok, l'arme chimique qui aurait été utilisée contre Alexeï Navalny ?

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PUBLIÉ LE 03/09/2020

Crédit photo : AFP
Hospitalisé à Berlin depuis le 22 août, l'opposant russe Alexeï Navalny en aurait été victime selon les affirmations du gouvernement allemand. En 2018, il aurait servi à empoisonner l'ex-espion Sergueï Skripal et sa fille Ioulia à Salisbury, en Angleterre. Qu'est-ce que le Novitchok, ce poison mentionné dans ces deux affaires et comment fonctionne ce produit chimique ?
Le Novitchok est un groupe d'agents neurotoxiques particulièrement dangereux, interdit en novembre dernier par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Sa conception par des scientifiques soviétiques est pourtant bien plus ancienne : elle remonte aux années 1970-1980, dernières décennies de la Guerre froide. Mais ces substances avaient été conçues pour pouvoir être présentées comme des produits issus de l'industrie des pesticides organophosphorés et passer inaperçues.

Comme le fameux sarin ou le VX, le Novitchok (nouveau venu en Russe) appartient à la famille des agents innervants, armes chimiques qui agissent sur le système nerveux. Ces substances ciblent l'acétylcholinestérase, une enzyme dont le rôle est crucial : c'est elle qui dégrade l'acétylcholine, une molécule qui agit sur la contraction des muscles.
Lorsque l'agent innervant bloque cette enzyme, l'acétylcholine s'accumule. Cet excès est à l'origine d'une crise cholinergique qui entraîne un dysfonctionnement neuromusculaire généralisé et provoque une sudation excessive, des vomissements, une perte de contrôle des muscles, et peut conduire à la mort par défaillance cardiaque ou par suffocation des suites d'une bronchorrhée.  
Les agents Novitchok sont des agents binaires : « Les substances qui les composent sont transportées séparément, forme sous laquelle elles sont sans danger, et sont ensuite mélangées pour activer le poison. C'est extrêmement toxique », explique le Dr Richard Parsons, spécialiste de toxicologie au King's College de Londres, cité par l'organisme britannique Science Media Centre.
Ces poisons peuvent être administrés « en pénétrant par la peau, par inhalation ou par ingestion », selon un expert de l'université de Nottingham, le Dr Wayne Carter, également cité par le Science Media Centre.
Quelle parade contre les agents innervants ? 
Pour combattre les effets des agents innervants, la procédure de soins classique est de stabiliser les fonctions vitales de la victime. Parallèlement, il faut administrer au patient de l'atropine, qui bloque les récepteurs de l'acétylcholine pour empêcher son accumulation dans le système nerveux. Le temps, si le traitement fonctionne, de permettre au corps d'évacuer le toxique et de produire à nouveau l'enzyme qu'il ciblait. Mais même si la personne empoisonnée s'en sort, elle peut garder des séquelles.
L'existence du Novitchok a été révélée au début des années 1990 par le chimiste russe Vil Mirzaïanov. Après avoir travaillé près de 30 ans pour l'Institut de recherches d'Etat pour la Chimie et les Technologies organiques (GNIIOKhT), il est parti vivre aux Etats-Unis en 1995.
« Seuls les Russes » ont mis au point ces agents toxiques, avait-il assuré à l'AFP en mars 2018 au moment de l'affaire Skripal. « Ils les ont gardés et les gardent toujours au secret. »  Début 2019, France Télévisions diffusait un Web documentaire dans lequel s'exprimait un chercheur russe impliqué dans le développement de produits de la famille Novitchok. Ce retraité disait alors avoir mis au point deux formules du poison, dans les années 1970, dans un « institut de recherche secret » à Chikhany, au sud-est de Moscou.
« J'ai commencé à y travailler en septembre 1975, expliquait à France Télévisions Vladimir Ouglev. En trois mois, j'avais déjà mis au point deux nouveaux éléments, l'A-234 et l'A-232. Je suis la sage-femme du Novitchok, son accoucheur. »  
Stéphane Long (avec AFP)

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