mardi 1 septembre 2020

Prix d'interprétation non genré, bronzage topless, manuel de maths pour filles… Août dans la vie des femmes

Par Marlène Thomas — 
Violences

Le nombre de féminicides en augmentation en France

146 femmes ont été tuées en 2019 par leur conjoint ou ex-compagnon, soit 25 féminicides de plus que l’année précédente (+21%), selon des chiffres de l’enquête de la délégation aux victimes, rendus publics par le ministère de l’Intérieur en août. 27 hommes ont également été tués au sein du couple (+16%). Cela représente, en moyenne, un décès tous les deux jours. 2019 a pourtant été une année de sensibilisation sur le sujet, déclaré «grande cause du quinquennat», avec notamment un Grenelle contre les violences conjugales à l’automne. Les principaux mobiles de ces crimes restent une dispute (43%), une séparation (34%) ou la jalousie (27%). Comme le relève le Monde, une autre donnée interpelle : celle montrant que 41% des femmes mortes l’an dernier avaient déjà subi au moins une forme de violences physiques ou psychologiques avant le passage à l’acte. Surtout, parmi elles, 63% avaient signalé ces faits aux forces de l’ordre. 26 victimes avaient même porté plainte et 17% des auteurs étaient connus des forces de l’ordre, notamment pour violences conjugales.
Depuis le 1er janvier 2017, Libération raconte chaque mois les histoires de ces femmes tuées par leur conjoint ou leur ex, à partir d’une revue de la presse locale et nationale. Ce décompte, destiné à raconter leur vie, est probablement incomplet, notamment car ces meurtres ne sont pas tous évoqués dans la presse. Il se doit aussi d’être prudent : notre litanie, qui recense des ­affaires qui n’ont pas encore été jugées, n’intègre que les cas dans lesquels la piste du féminicide conjugal est privilégiée par les enquêteurs.

Corps, sexualités

Des femmes bronzant seins nus sommées de se rhabiller

A Sainte-Marie-la-Mer (Pyrénées-Orientales), les gendarmes font la chasse aux seins nus. Comme le rapporte France 3 Occitanie, fin août, deux agents ont demandé à des femmes pratiquant le topless de se rhabiller. Une information confirmée par la mairie, qui affirme que les gendarmes ont été alertés par une famille dont les enfants étaient choqués de voir la poitrine nue d’une femme sur la plage. Marie, témoin de la scène, raconte à France 3 : «J’étais tellement choquée de ce qui se passait sous mes yeux. C’est mon âme de féministe qui a parlé, je suis allée les voir et je leur ai demandé si, pour eux, bronzer les seins nus était une atteinte à la pudeur ? Ils m’ont demandé de circuler et ont quitté la plage, juste après mon intervention.» Pourtant, bronzer ou se baigner seins nus sur une plage est tout à fait légal. Le topless à la plage ne constitue plus un délit d’exhibition sexuelle selon le code pénal, qui a tenu compte de l’évolution des mœurs et des usages.
Il peut toutefois constituer une contravention sur certaines plages où l’usage du monokini est réglementé par voie d’arrêté municipal, comme Paris Plages. Mais aucune réglementation de ce type n’est en vigueur à Sainte-Marie-la-Mer. Voulant dégoupiller la situation, la porte-parole de la gendarmerie nationale évoque «une maladresse» de la part de ces agents «guidés par un souci d’apaisement». Cet incident est une nouvelle preuve que la visibilité des seins pose problème. «Parce qu’ils condensent la double fonction sexuelle et maternelle de la poitrine, la société patriarcale exige qu’ils soient dissimulés», nous expliquait la philosophe féministe Camille Froidevaux-MetterieDans la chronique de juillet, nous évoquions aussi cette sidérante enquête Ifop, qui révélait que 20% des Français estiment que la vue des tétons est une circonstance atténuante en cas d’agression sexuelle.
Education

En Chine, un manuel de maths décliné en deux versions : fille et garçon

Alors que de nombreux écoliers s’apprêtent à remettre le nez dans leurs cahiers en France, en Chine, un manuel de mathématiques sexiste a fait polémique, obligeant l’éditeur à arrêter sa publication. Comme le rapporte ActuaLitté, l’université normale de la Chine de l’Est a présenté sur le réseau social WeChat son ouvrage destiné aux collégiens en deux versions : une bleue pour les garçons et une rouge pour les filles. L’éditeur se vante même d’avoir conçu des contenus différents pour répondre aux «forces et aux faiblesses des différents sexes». C’est-à-dire que «la version masculine comprend du contenu plus ludique, par exemple, car les garçons aiment jouer à des jeux et pour les filles, nous avons des scénarios plus pratiques, comme l’achat de légumes et de fruits sur le marché.»
Comme le constate CBS News, si l’éditeur assure que le niveau de difficulté est similaire, un de leur post sur WeChat, désormais supprimé, était titré : «Ma fille est bonne en maths, donc je devrais acheter la version garçons.» Certains Chinois ont salué un manuel adapté aux aptitudes mais la plupart ont dénoncé ce concept sexiste, notamment sur le Twitter chinois Weibo. «Je crains que ma fille soit plus réticente à étudier les mathématiques une fois qu’elle aura vu ce livre. Elle pourrait penser qu’elle est née inférieure aux garçons en mathématiques», témoignait un parent dans le journal local Guanchazhe. L’université s’est excusée pour «l’impact négatif de cette affaire» et promet d’en «tirer des leçons».
Travail

Les femmes noires arborant leurs cheveux naturels considérées comme «moins professionnelles»

Une nouvelle étude américaine de l’université de Duke, publiée dans la revue Social Psychological and Personality Science, met en lumière la discrimination capillaire que subissent les femmes noires dans le milieu professionnel, perpétuant ainsi une discrimination raciale. Les femmes noires aux cheveux naturels, portant des coiffures afros ou encore des tresses seraient perçues comme «moins professionnelles», «moins compétentes» et seraient moins recommandées pour un entretien d’embauche que leurs collègues noires aux cheveux lisses ou que leurs consœurs blanches aux cheveux bouclés et lisses, rapporte le Huffington Post ou encore Metro. Dans la peau de recruteurs, deux groupes ont notamment dû évaluer la même candidate, une femme noire, qui avait soit les cheveux lissés, soit crépus. Le groupe l’ayant vu avec les cheveux lisses a estimé qu’elle était plus professionnelle, plus polie, plus raffinée et respectable. Et l’ont davantage recommandé pour un entretien, souligne Metro.
«Dans de nombreuses sociétés occidentales, les Blancs ont toujours été le groupe social dominant et, par conséquent, la norme d’apparence professionnelle est souvent basée sur l’apparence physique des Blancs. Pour les cheveux des femmes, cette référence est d’avoir les cheveux lissés», explique au Huff Post la chercheuse Ashleigh Shelby Rosette, coautrice de l’étude. «Lorsqu’une femme noire choisit de lisser ses cheveux, cela devrait être une préférence personnelle, pas un fardeau visant à se conformer à un ensemble de critères pour lesquels il pourrait y avoir des conséquences néfastes», telles que la casse des cheveux ou des maladies du cuir chevelu. Cette discrimination est davantage à l’œuvre pour des emplois où les codes vestimentaires sont plus stricts, comme le conseil. Pour des candidatures dans des agences de pub, la coiffure de la candidate n’a pas affecté son professionnalisme. La pub serait considérée comme une industrie plus créative avec des normes moins rigides, ce qui expliquerait cette différence.
Liberté, égalité

La Berlinale lance un prix d’interprétation non-genré

Une petite révolution dans le milieu des festivals de cinéma. La direction de la Berlinale a annoncé, fin août, mettre fin aux prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice. A la place, l’un des principaux festivals de cinéma au monde décernera, en 2021, des prix non-genrés : un ours d’argent de la meilleure interprétation dans un rôle principal et un autre pour la meilleure interprétation dans un second rôle. Une manière d’éviter toute hiérarchie entre hommes et femmes mais aussi d’interroger des critères de genre excluant. «Nous pensons que le fait de ne pas séparer les récompenses en fonction du genre dans le domaine de l’interprétation constitue un signal pour une prise de conscience plus sensible à cette question dans l’industrie cinématographique», indique la direction dans un communiqué.
Comme le fait remarquer le Huffington Post, c’est le premier festival de cette envergure à prendre une telle décision. Toutefois, d’autres moins prestigieux lui avaient déjà emboîté le pas comme les MTV Movie & TV Awards, qui avaient remis leur premier prix d’interprétation en 2017, à Emma Watson, ou encore CanneSéries. Si l’actrice avait salué cette initiative, certaines émettaient déjà quelques réserves. Melissa Silverstein, la fondatrice du site Women and Hollywood, déclarait au Guardian, il y a trois ans : «Nous savons déjà que les femmes sont sous-représentées dans de nombreuses catégories. Seuls 20% des nommés aux oscars étaient du sexe féminin. Si les différentes cérémonies de remise de prix décident de supprimer l’identification sexuelle de leurs catégories, il leur incombe de travailler encore plus dur pour s’assurer qu’un éventail complet de personnes soit inclus, y compris dans les comités de sélection
Sexisme

Le Cambodge veut interdire les minijupes

Le Cambodge a à cœur de «mettre de l’ordre dans l’espace public». Pour se faire, le gouvernement prépare un nouveau texte de loi dont l’un des 47 articles vise à «définir les tenues correctes pour les hommes et les femmes», rapporte Courrier International. Plus en détail, comme l’a expliqué Oum Kimlek, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, dans les colonnes du Khmer Times, cet article 36 «interdit aux femmes de porter des jupes extrêmement courtes ou aux hommes de sortir torse nu» dans l’espace public, faisant au passage un parallèle tout à fait déséquilibré. Les «vêtements trop courts ou trop transparents» sont aussi expressément visés. Une législation qui vise aussi à préserver la culture traditionnelle, selon Oum Kimlek.
Ce projet de loi, qui doit encore être approuvé par l’Assemblée nationale, devrait entrer en vigueur l’an prochain. Plusieurs organisations sont montées au créneau, en août, contre cette atteinte à la liberté des femmes. Une pétition a même été lancée. «Réprimander les femmes pour leurs choix vestimentaires renforce l’idée que les femmes sont responsables des violences sexuelles dont elles sont victimes et renforce ainsi la culture d’impunité qui existe vis-à-vis des violences sexistes», dénonce Ming Yu Hah, directice adjointe d’Amnesty International dans la région Asie-Pacifique. Certains défenseurs des droits voient dans cette loi liberticide un héritage du code de conduite Chbap Srey. Vieux de plusieurs siècles, il était enseigné dans le programme scolaire jusqu’en 2007, pour apprendre aux femmes à être obéissantes et à bien se présenter.
Santé

Nouvelle alerte sur la consommation de caféine durant la grossesse

Une nouvelle étude d’ampleur met à mal les recommandations concernant la consommation de caféine durant la grossesse. Alors que l’OMS estime qu’une femme enceinte ne devrait pas ingérer plus de 300 mg de caféine par jour, ce nouveau rapport publié dans le journal BMJ Evidence-Based Medicine, repéré par le Guardian et dont Slate se fait l’écho, montre qu’il n’existe pas de niveau «sûr» de consommation de café durant la grossesse. Le professeur Jack E. James, chercheur britannique de l’université de Reykjavik, a analysé plus de 1 200 études sur les effets de ce stimulant et a trouvé «une confirmation convaincante de risque accru d’au moins cinq aboutissements négatifs de la grossesse : fausse couche, mortinatalité, poids à la naissance inférieur et/ou faible pour l’âge gestationnel, leucémie aiguë infantile, surpoids et obésité infantiles».
Alors que de nombreuses femmes enceintes consomment de la caféine dans le café mais aussi les boissons énergisantes, du cola, thé ou encore du chocolat, l’industrie du café a balayé ces conclusions et appelé les consommatrices à se référer aux conseils de santé publique en vigueur au Royaume-Uni, en Europe et aux Etats-Unis. Des recommandations qui devraient être «radicalement révisées», selon les conclusions du professeur. Huit études sur neuf portant sur la caféine et les fausses couches ont notamment fait état d'«associations significatives». Certaines suggèrent que la consommation augmente ce risque d’un tiers, tandis que d’autres montrent que le risque augmente avec chaque tasse de café supplémentaire.

Choses vues, lues, entendues, ailleurs que dans Libé :

• En écho au film Mignonnes de Maïmouna Doucouré, qui dénonce l’hypersexualisation de jeunes adostrois femmes témoignent auprès de Madmoizelle de cette pression à faire «les grandes», qui a pu les mettre en danger à l’adolescence.
• Trois pionnières des droits des femmes, Susan B. Anthony, Sojourner Truth et Elizabeth Cady Stanton ont droit à leur statue à Central Park. C’est le premier monument représentant des femmes ayant réellement existé érigé dans le parc. A lire sur les Inrocks.
• Sept ans après sa publication, une étude italienne sexiste portant sur l’attractivité des femmes atteintes d’endométriose a été dépubliée sur la demande des auteurs. A lire sur Neon.
• Alors que le nombre de signalements pour violences conjugales a explosé durant le confinement, le gouvernement propose de nouvelles pistes pour améliorer la prise en charge des femmes, notamment en utilisant TikTok ou WhatsAppexplique Numerama.
• Brisant l’omerta d’un milieu très fermé, la soprano Chloé Briot accuse l’un de ses collègues chanteurs d’agression sexuelle. Elle témoigne auprès de France Musique.
• Sur The Conversation, la chercheuse Elizabeth Patton revient sur la place accordée aux femmes lorsqu’elles télétravaillent. Dans une perspective historique, elle montre qu’elles sont souvent perdantes lorsqu’il faut trouver un espace dans la maison.
• Le Mouvement de libération des femmes a fêté ses 50 ansFrance Inter revient en dix images sur les combats menés par le MLF.

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