samedi 19 septembre 2020

La peur panique des bruits de mastication à l'honneur des Ig Nobel

 




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PUBLIÉ LE 19/09/2020

Crédit photo : Ig Nobel

On l'appelle misophonie, il s'agit d'une pathologie caractérisée par des réactions impulsives, de l'irritabilité et même de la colère face à certains sons d'origine humaine, et notamment les bruits de mastication. La maladie est peu étudiée et ne figure pas dans la classification internationale des maladies CIM de l'OMS. Elle prête à sourire et il faudra bien un jour que l'on arrête de s'en moquer. Un jour… Oui… Mais pas aujourd'hui !

Car Nienke Vulink, Damiaan Denys et Arnoud van Loon, les premiers chercheurs à avoir décrit la maladie se sont vus récompensés, ce jeudi 17 septembre du prestigieux Ig Nobel (« ignoble » en prononçant à l'anglaise), un prix qui récompense les recherches improbables, celles qui font d'abord rire, puis réfléchir.

L'histoire commence en 2009 quand trois patients sont adressés au centre d'étude des comportements obsessionnels et compulsifs d'Amsterdam. Leurs symptômes ? Ils ont des accès d'anxiété et de colère quand ils entendent des bruits de succion ou de respiration trop bruyants. Les caractéristiques cliniques ne correspondent alors à aucun des troubles obsessionnels compulsifs connus.

Les médecins néerlandais baptisent alors cette pathologie « misophonie » (de miso, la haine, et phonia, le son). Intrigués, ils lancent un appel sur internet pour retrouver d'autres patients présentant les mêmes symptômes. Ils en trouveront 42 qu'ils décrivent dans un article publié en 2013 dans « PLOS One », avec presque autant de femmes que d'hommes.

Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont démontré que les sons de mastication qui déclenchaient les symptômes étaient exclusivement d'origine humaine (les bruits de mastication venant des animaux étaient entendus avec indifférence).

Un trouble précis à un stimulus précis

Dans 81 % des cas, les patients disent que les bruits de succion et de mastication sont à l'origine de leurs réactions violentes et 64 % d'entre eux estiment que les bruits de respiration violente ou les « bruits de nez » sont à l'origines de leurs symptômes. Plus de la moitié des patients (59 %) ne pouvaient pas supporter le bruit d'un clavier d'ordinateur en action ou le cliquetis d'un stylo.

Une minorité d'entre eux (11,9 %) voyait leurs symptômes se déclencher face à des stimuli visuels : la plupart des patients faisaient preuve de réactions violentes qu'ils regrettaient ensuite et tous avaient leur vie quotidienne perturbée par le fait qu'ils fuient les sons de mastication.

Dans une publication plus récente, datée d'avril 2020 et toujours dans « PLOS One », les mêmes auteurs dressent le bilan d'une étude observationnelle menée sur 779 patients suspectés de souffrir de misophonie, dont 575 ont été confirmés au cours de leurs travaux. Ils s'appuient sur cette série pour proposer un ensemble de critères diagnostiques qu'ils ont rassemblés sous le nom de critères diagnostiques Amsterdam 2020 pour la misophonie.

Outre les caractéristiques déjà évoquées, les auteurs introduisent une notion de diagnostic différentiel, puisqu'ils ajoutent que les sentiments d’irritabilité, de colère, de dégoût et la volonté d'éviter les situations déclenchant des accès de colère ou de dégoût ne doivent pas pouvoir s'expliquer par d'autres pathologies, telles qu'un trouble du spectre autistique ou un trouble avec déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité.


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