vendredi 4 septembre 2020

Avons-nous pêché par insouciance ou par effroi ?




Paris, le samedi 5 septembre 2020 – Sommes-nous devenus incapables d’accepter la moindre notion de risque ? Avons-nous décidé de troquer toute gestion des risques par un objectif illusoire et utopique de sûreté totale ? Sommes-nous les prisonniers d’un principe de précaution qui nous fait oublier l’impossibilité de maîtriser l’ensemble des aléas et qui nous fait préférer la paralysie à l’action ?

L’amour du risque

Ces questions ne peuvent que tarauder ceux qui ont fait de la gestion des risques, chimiques, nucléaires ou écologiques le centre de leur réflexion et de leur action face aux réponses apportées par nos sociétés occidentales à l’épidémie de Covid-19. Inévitablement, des perceptions différentes s’opposent, concernant notamment le rapport à la notion de risque de nos dirigeants. Sont-ils « riscophiles », ce qui favoriserait les décisions contradictoires et les défauts de préparation ? C’est ce que suggère, Aude Vidal, auteur de plusieurs essais critiques sur l’écologie et le libéralisme, sur son blog « Ecologie politique ». « D'autres encore sont plus désinvoltes que la population générale, ce sont les dirigeant·es politiques et dirigeant·es d'entreprises. Est-ce que cette riscophilie les a justement mené·es aux postes de pouvoir où elles et ils sont ? Ou est-ce que le pouvoir donne des ailes et fait envisager le risque avec plus de désinvolture ? Après tout, quand on fait partie des classes dominantes, on s'en sortira toujours, individuellement, même si on engage d'autres que soi dans des comportements risqués. (…) Voilà qui aide à comprendre pourquoi Emmanuel Macron nous a encouragé·es à aller au théâtre avec des dizaines d'inconnu·es à peine cinq jours avant de nous interdire de voir nos ami·es. (…)  Le résultat, c'est un biais de plus de la représentation : les sociétés s'engagent dans des politiques plus risquées que ses membres ne le souhaiteraient, car les personnes en haut de la hiérarchie, celles qui prennent les décisions, sont plus riscophiles. (…)  Jean-Pierre Dupuy, auteur de l'ouvrage Pour un catastrophisme éclairé (Le Seuil, 2004), notait le paradoxe : si on prend au sérieux le risque, on le combat et on se met en mesure de le vaincre. Il ne reste plus en cas de victoire que le souvenir d'une menace qui semble a posteriori ridicule. Le bug de l'an 2000, par exemple, ou les millions de masques provisionnés par la ministre de la santé Roselyne Bachelot et qu'elle paya d'un exil de dix ans aux « Grosses têtes ». Un rapport de 2017 à Santé publique France recommandait : « En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Mais quel·le ministre, riscophile et échaudé·e par le sort de Bachelot, aurait pris le risque individuel de provisionner ce stock qui s'était pendant dix ans avéré inutile sauf à titre d'assurance ? Difficile de demander autant d'abnégation à nos dirigeant·es », résume-t-elle (en écriture inclusive).


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