lundi 24 août 2020

Covid-19 : «peut-être un vaccin au premier trimestre 2021»

Par Olivier Monod — 
Un bénévole se fait vacciner contre le Covid-19 lors d’un test à Tubingue (Allemagne), le 22 juin.
Un bénévole se fait vacciner contre le Covid-19 lors d’un test à Tubingue (Allemagne), le 22 juin. Photo K. Pfaffenbach. Reuters


Même si elle reste prudente, Marie-Paule Kieny, la présidente du nouveau Comité vaccin, trouve les premiers résultats des essais «encourageants».

Le gouvernement français s’est doté d’un Comité vaccin, pour le conseiller sur les projets en cours. Entre mutations et enjeux politiques, sa présidente, Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm, fait le point pour Libération sur les recherches d’un vaccin contre le Covid-19.
Pensez-vous, comme l’a dit cette semaine Emmanuel Macron, que «nous avons des perspectives […] raisonnables d’avoir un vaccin dans les prochains mois» ?
Nous pouvons être raisonnablement optimistes, mais il faut se garder d’être trop enthousiastes. Les entreprises les plus avancées semblent tenir leur calendrier. Leurs données chez l’animal et leurs premiers résultats chez l’homme sont encourageants. Si tout continue à bien se dérouler, nous pourrons voir arriver un vaccin au premier trimestre 2021. Les capacités de production devraient être suffisantes pour fournir les quantités nécessaires au deuxième trimestre 2021. Je me place ici dans un scénario idéal où l’un des vaccins les plus avancés fonctionne effectivement.

Les sept candidats vaccins les plus avancés sont au stade 3 des essais cliniques. Quel est le but de cette phase ?
La phase 3 consiste à vérifier si les vaccins sont efficaces ou pas. Est-ce qu’ils empêchent l’infection ? Est-ce qu’ils protègent de la maladie ? Pour les vaccins financés par les Etats-Unis dans le cadre du programme «Warp Speed», cette phase se déroule sur 30 000 personnes. La moitié reçoit le vaccin et l’autre moitié un autre vaccin, c’est le groupe témoin. Dès qu’il y a 150 cas positifs au Covid-19 dans la cohorte, on regarde si ces cas sont plus présents chez ceux qui ont reçu le candidat vaccin ou dans le groupe témoin. La plupart des essais se déroulent dans des pays où le virus circule plus activement, comme l’Afrique du Sud, le Brésil ou les Etats-Unis.
Après cette phase 3, les vaccins ne seront pas disponibles immédiatement…
Non. Il faudra que les compagnies les produisent d’abord. Certaines ont anticipé cette production. Il s’agit d’un risque pour elles, puisque, je le répète, aucun vaccin n’a fait preuve de son efficacité. Mais ce risque est largement porté par les Etats via les précommandes. Ensuite, il faudra déposer un dossier auprès des agences sanitaires, l’EMA en Europe ou la FDA aux Etats-Unis. Celles-ci décideront si les résultats sont suffisamment probants pour donner une autorisation de mise sur le marché. Vu les délais, il ne s’agira pas d’une homologation complète, mais d’une autorisation d’urgence.
Il est donc possible de se retrouver dans une situation où un vaccin est autorisé dans une partie du monde et pas dans l’autre ?
Oui, bien sûr. Aux Etats-Unis, on peut imaginer que la FDA sera sous pression pour autoriser un vaccin américain avant les élections de novembre. Et il est peu probable de voir Donald Trump autoriser un vaccin chinois. Par ailleurs, les vaccins développés en Chine visent les marchés chinois et africains. S’ils déposaient une demande d’autorisation en Europe, leur dossier serait scruté, puisque les agences sanitaires n’ont pas l’habitude de travailler avec ces laboratoires.
Les accords passés par l’Union européenne ne concernent pas nécessairement les vaccins les plus avancés, pourquoi ?
Parce que la réputation du porteur du projet joue. L’Europe sait que Janssen ou Sanofi ont le savoir-faire pour développer des vaccins. Ils se basent sur des technologies connues, déjà utilisées dans d’autres vaccins validés.
On parle ces derniers temps d’une mutation sur la protéine Spike du Sars-CoV-2, qui est la cible des vaccins. Cette mutation peut-elle rendre ces projets caducs ?
Théoriquement, cela peut arriver. Il est vrai que ce virus présente des mutations, mais ce n’est pas comparable avec le VIH ou le virus de la grippe. Les souches circulantes aujourd’hui n’échappent pas aux anticorps générés. La plupart des vaccins visent deux ou trois sites de neutralisation de la protéine Spike. Il faudrait qu’ils mutent tous pour que le virus échappe à la neutralisation.

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