mercredi 17 juin 2020

Coronavirus : la commission d'enquête des députés commence à disséquer la gestion de la crise

Camille Roux
| 16.06.2020


Assemblée nationale
GARO/PHANIE

Que s'est-il passé avec les masques ? Aurait-on pu sauver des vies dans les Ehpad ? Le confinement a-t-il été trop tardif ? La commission d'enquête qui s'ouvre mardi devant l'Assemblée nationale entend disséquer d'éventuelles « défaillances » dans la gestion de la crise du coronavirus.
Ministres, dirigeants d'agences sanitaires et d'administrations aux manettes ces derniers mois, mais aussi ces dernières années, se succéderont à partir de mardi après-midi devant les députés pour « établir la généalogie et la chronologie de cette crise », a indiqué à l'AFP la présidente de la commission des Affaires sociales Brigitte Bourguignon (LREM), qui préside cette commission d'enquête.
Tout le personnel politique, du président de la République aux membres de l'opposition, s'accordent à dire qu'il faut « tirer les leçons » de cet épisode inédit, qui a conduit à un confinement généralisé de huit semaines et plongé le pays dans une profonde crise économique et sociale.

Gestion des masques, Ehpad, liberté de prescription...
Les 32 députés de la commission évoqueront « la gestion des stocks de masques », la stratégie « en matière de tests », la « prise en charge des résidents des Ehpad », où ont eu lieu plus du tiers des décès du Covid-19, la « question des frontières », la « tenue des événements culturels et sportifs » ou « la liberté de prescription médicale », selon le rapporteur de la commission Eric Ciotti (LR). Ils devraient également aborder le manque de production en Europe de médicaments et d'équipements de protection.
Après le directeur général de la Santé Jérôme Salomon, mardi à 17 heures, la commission entendra mercredi l'ancien patron de Santé publique France François Bourdillon, puis Geneviève Chêne, qui lui a succédé en novembre. Jeudi aura lieu l'audition du Pr Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique. Suivront deux anciens directeurs généraux de la santé. Puis, selon des sources parlementaires, viendra le tour des scientifiques, dont le controversé professeur marseillais Didier Raoult, et des politiques, après le second tour des élections municipales, avec Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé, et plusieurs de ses prédécesseurs.
Les familles des soignants victimes du Covid seront-elles entendues ?
À la différence de la mission d'information parlementaire qui a rendu son rapport le 3 juin, la commission d'enquête a des pouvoirs d'investigation élargis : ses convocations sont obligatoires sous peine de sanctions pénales, les auditions se déroulent sous serment et ses membres peuvent réaliser des contrôles sur pièces et organiser des déplacements, par exemple dans un hôpital ou un Ehpad durement touché par l'épidémie. Le Sénat a aussi prévu sa commission d'enquête, qui sera mise en place à la fin du mois.
L'un des avocats représentant les familles des soignants décédés du coronavirus, Me Patrice Di Vizio, a appelé ce mardi la Commission d'enquête parlementaire à inclure dans ses auditions « les victimes ou familles de victimes, et les soignants libéraux »« Si la Commission ne convoque pas les victimes, elles n'auront pas d'autre choix que de se porter partie civile auprès du juge d'instruction au risque d'entraîner l'extinction de la mission de la commission d'enquête », prévient l'avocat dans un communiqué. Pour l'instant, deux familles de médecins généralistes décédés du coronavirus ont porté plainte, l'une contre la DGS et l'ARS Ile-de-France pour « homicide involontaire », l'autre pour « faute grave de l'État ».
Décision sur la recevabilité des plaintes contre le gouvernement attendue fin juin
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République dira sans doute fin juin si les 84 plaintes déposées à ce jour contre des ministres pour leur gestion de la crise sanitaire sont recevables, a annoncé mardi le procureur général François Molins. Cette commission, composée de dix hauts-magistrats, fait office de filtre pour les plaintes reçues par la CJR, seule instance habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans leur fonction. 
Si les plaintes sont jugées recevables, le procureur général serait alors tenu de saisir la commission d'instruction, qui agirait comme un juge d'instruction en menant les investigations. Parmi les plaignants se trouvent notamment un collectif de médecins, des syndicats et des particuliers, dont les plaintes visent le plus souvent le Premier ministre Édouard Philippe et les deux ministres de la Santé qui se sont succédé, Agnès Buzyn et Olivier Véran. Ils dénoncent, selon les cas, des faits de « mise en danger de la vie d'autrui », « homicide involontaire », « non-assistance à personne en danger » ou abstention de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie.
Le chef de l’État, Emmanuel Macron, est lui irresponsable pénalement des actes réalisés dans l'exercice de ses fonctions. En parallèle, le parquet de Paris a pour sa part ouvert la semaine passée une vaste enquête préliminaire sur la gestion de la crise du Covid-19 en France, qui ne vise donc pas les ministres.
(Avec AFP)

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