lundi 22 juin 2020

Angelin Preljocaj, l'histoire d'un atelier de danse à la prison des Baumettes

À retrouver dans l'émission
RADIOGRAPHIES DU CORONAVIRUS

LE 09/03/2020

Faire soin |De quel soin parle-t-on cette fois ? D'abord de celui des corps. Réduits et abîmés par la détention, ceux-ci retrouvent grâce à la danse le goût pour la liberté de mouvement et l'expression. De celui des personnes incarcérées ensuite, qui reprennent confiance dans leur individualité, et se détachent progressivement du numéro d'écrou qui, seul, les distingue en prison. Entretien avec le chorégraphe Angelin Preljocaj, qui a fait danser des détenues.
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj Crédits : Julie Hascal - Radio France

Huitième temps de notre notre série "Faire soin" qui donne la parole à des artistes dont la pratique se situe à la frontière des mondes de la santé, de l’aide sociale, du soin et de celui de la création. Aujourd’hui, Marie Richeux productrice de "Par les temps qui courent" s’entretient avec le chorégraphe Angelin Preljocaj. Il évoque notamment le projet mené à la prison des Baumettes à Marseille en 2019 avec des détenues, qui a abouti au spectacle "Soul kitchen", à une tournée, et à un documentaire "Danser sa peine" réalisé par Valérie Müller. 
Angelin Prelocaj dirige le Pavillon noir d'Aix-en-Provence. Quand il parle de danse, il parle souvent de langage et d'écriture. Ce n'est donc pas un hasard si, lors d'une première séance de travail avec des femmes détenues, on l'entend proposer comme exercice d'écrire leur prénom avec leur corps. Cet exercice donne lieu à des esquisses de mouvements, lesquels donneront lieu à des danses, à un spectacle, une tournée, voire à un film.
"Danser sa peine" film de Valérie Müller
"Danser sa peine" film de Valérie Müller Crédits : Jean-Claude CARBONNE
Marie Richeux : Comment avez-vous décidé un jour d'aller danser en prison, d'y faire des interventions ponctuelles, voire de danser avec des détenus ?
Angelin Preljocaj : Au départ, il y a ces courriers de détenus qui nous ont exprimé leur émotion après avoir vu des danseurs interpréter des extraits de mes ballets, une fois par an, en général dans la cour de prison. J'ai été bouleversé par ces témoignages. Je sentais confusément que quelque chose liée au corps avait du les atteindre : voir les danseurs libérait quelque chose dans leurs sensations. Ensuite, plutôt que de venir ponctuellement leur montrer quelque chose, puis de les laisser retourner à leur cellule, j'ai eu envie de leur proposer un atelier. J'ai contacté l'administration pénitentiaire et comme j'aime bien l'idée que les ateliers débouchent sur une sorte de synthèse du travail qui a été fait, j'ai proposé un spectacle et j'ai obtenu un accord. Mais là, j'ai poussé encore plus loin cette démarche en demandant que le spectacle soit donné à l'extérieur de la prison. Ce que j'ai finalement obtenu, même si ça a été très long. Au départ, je devais présenter le spectacle au Pavillon noir à Aix-en-Provence, donc pas très loin de la prison des Baumettes. Puis j'ai été contacté par le Festival international de danse de Montpellier, qui était très intéressé par le projet. Cela a fini par faire comme une petite tournée et c'était vraiment formidable. 

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