vendredi 29 mai 2020

Dernière ligne droite pour StopCovid





Paris, le mardi 26 mai – L’application de traçage des cas contacts du gouvernement est prête à être lancée, à condition que les parlementaires donnent leur accord.

Après près de deux mois d’une gestation difficile, StopCovid est là. L’application de « contact tracking » du gouvernement, qui doit permettre à chaque citoyen de savoir quand il a été en contact avec une personne infectée par le SARS-CoV-2 et ainsi briser les chaines de contamination, sera disponible en téléchargement dès le week-end prochain selon Cédric O, secrétaire d’État au numérique en charge du projet. D’abord prévue pour le début du déconfinement le 11 mai dernier, l’application sera donc opérationnelle pour sa deuxième phase, qui doit débuter le 2 juin.

StopCovid soumis au Parlement cette semaine

Le dispositif vient de passer les derniers obstacles techniques. Un test grandeur nature a été réalisé ces dernières semaines par des militaires avec des résultats concluants : grâce à la technologie Bluetooth, l’application parvient à détecter 80 % des personnes qui restent autour de l’utilisateur dans un rayon d’un mètre pendant plus de 15 minutes. Dernière étape technique : les équipes de l’Inria qui ont développé le projet ont lancé un audit « Bug Bounty ». En langage clair, il s’agit de déceler l’existence éventuel de bugs dans l’application avant son lancement.

Outre ces questions techniques, StopCovid doit également franchir un obstacle politique d’envergure. Après beaucoup d’hésitations, le gouvernement a en effet accepté de soumettre son projet d’application à un vote du Parlement. Le dispositif sera débattu à l’Assemblée Nationale ce mercredi et au Sénat ce jeudi. Un vote loin d’être une formalité, tant sont nombreux ceux au sein de l’opposition mais également de la majorité qui considèrent que StopCovid est trop attentatoire à la vie privée des citoyens. Techniquement, le vote, organisé sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, n’est que consultatif. Mais Cédric O semble considérer l’accord du Parlement comme une condition sine qua non au lancement de l’application.

La CNIL donne son feu vert

Dans le débat politique qui s’annonce, le gouvernement dispose d’un argument de poids : la CNIL (Commission nationale informatique et liberté) a donné son accord au lancement de l’application dans un avis rendu ce lundi.

La Commission, qui s’était déjà montrée favorable au principe d’une telle application le 24 avril dernier, a cette fois validé le projet StopCovid en lui-même.

Pour la CNIL, l’application gouvernementale, qui ne comporte ni géolocalisation, ni fichier de personnes contaminés et qui conserve l’anonymat des utilisateurs, respecte la législation française et européenne (le fameux RGPD) sur la protection de la vie privée. La CNIL a tout de même émis quatre recommandations à l’attention du gouvernement : améliorer l’information fournie aux utilisateurs, délivrer une information spécifique aux mineurs et à leurs parents, accorder aux utilisateurs un droit à l’effacement de leurs données et assurer le libre accès au code source de l’application.

Si le Parlement donne son accord, les Français pourront donc, dès ce week-end, télécharger l’application StopCovid. En pratique, tout utilisateur sera invité, dès qu’il se sait contaminé par le SARS-CoV-2, à le signaler, via un code spécifique fournie par son médecin (pour éviter les fausses déclarations). Toutes les personnes que l’utilisateur contaminé a croisé dans les 15 derniers jours seront alors contactés par l’application, en respectant l’anonymat du malade. Ils seront invités à se faire dépister et à faire preuve de prudence.

Beaucoup de bruit pour rien ?

Malgré l’optimisme affiché du gouvernement, on est en droit de s’interroger sur l’efficacité et l’utilité d’une telle application.

D’abord, le fait qu’Apple ait décidé, après un long bras de fer, de refuser de collaborer avec les ingénieurs français risque d’entraver le bon fonctionnement du dispositif sur les Iphones, où l’application ne pourra pas utiliser le Bluetooth en arrière-plan (c’est-à-dire quand l’application n’est pas ouverte sur le smartphone). 

Il faut aussi rappeler que le dispositif gouvernemental fonctionnera sur la base du volontariat et ne sera efficace que si une part non négligeable de la population le télécharge et l’utilise. A Singapour et en Autriche, où des applications similaires avaient été mises en place, leur très faible utilisation par le public a conduit à leur abandon.

De plus la population et les médecins ne comprendront peut-être pas bien l'articulation de ce dispositif, en théorie séduisant, avec les autres mesures prises pour l'identification des cas contacts par l'assurance maladie et les fameuses brigades d'Anges gardiens.

Enfin, osons émettre une hypothèse très optimiste : si l’épidémie continue de refluer et finit par disparaitre par elle-même sans qu’aucune seconde vague n’ait lieu, StopCovid pourrait, fort heureusement, se retrouver sans objet.

QH

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