samedi 30 mai 2020

Covid-19 : la France insoumise… à la future vaccination

Publié le 25/05/2020


Il y a encore peu, plus de la moitié de la population mondiale était en quarantaine afin de limiter la propagation du SARS-CoV-2. La mise au point de vaccins contre cette infection et leur disponibilité à l'échelle mondiale sont une priorité pour mettre fin à la pandémie, à condition d’une bonne acceptabilité de la vaccination par la population. Or, dans une ambiance de déclin mondial de la confiance du public dans la vaccination au cours de la dernière décennie, en particulier dans toute l'Europe et en France, le pari est loin d’être gagné, comme le montre un sondage en ligne réalisé auprès d'un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dix jours après l'instauration du confinement (du 27 au 29 mars), au pays de Pasteur !

Un quart de réticents à la vaccination

Au total 26 % des personnes interrogées ont déclaré que, si un vaccin contre le SARS-CoV-2 était disponible, elles ne l'utiliseraient pas, alors même que les médias nous inondaient d’images de cercueils et de services de réanimation ayant besoin d’être réanimés.

Un profil social des réticents inquiétant

Ce refus est exprimé majoritairement par les personnes à faible revenu (37 %) qui sont généralement plus exposées aux maladies infectieuses, les jeunes femmes (18-35 ans ; 36 %) qui jouent un rôle crucial en ce qui concerne la vaccination des enfants, et les personnes âgées de plus de 75 ans (22 %), qui sont plus à risque de formes graves de la Covid-19.

Des profils politiques particuliers

L'acceptation par les participants d'un vaccin contre le SARS-CoV-2 « dépendait » fortement de leur vote au premier tour de l'élection présidentielle de 2017. Ceux qui avaient voté pour un candidat d'extrême gauche ou d'extrême droite étaient beaucoup plus susceptibles de déclarer qu'ils refuseraient le vaccin, ainsi que ceux qui s'étaient abstenus de voter.

La défiance, un problème classique pour les autorités de santé

Ces premiers résultats ne sont pas tout à fait surprenants et mettent en évidence une question cruciale pour les interventions de santé publique : comment assurer au public que les recommandations reflètent l'état des connaissances scientifiques plutôt que des intérêts politiques ? Ce problème est exacerbé en période de crise, alors qu’il existe une incertitude scientifique considérable, que les mesures disponibles ont un effet limité et que les politiciens - plutôt que les experts - sont le visage public de la gestion de la crise.

Le précédent de la pandémie de grippe A(H1N1)

Rappelons-nous le précédent de la pandémie de grippe A(H1N1). Au fur et à mesure du déroulement de la pandémie, l'apparente unité nationale de la première phase s'était brisée. La stratégie du gouvernement avait été critiquée par presque tous les partis d'opposition. Un débat public autour de la sécurité du vaccin s'était fait jour, des politiciens et des militants de premier plan affirmant qu'il avait été produit trop rapidement et n'avait pas été suffisamment testé. Ce point s’était avéré crucial dans l'échec de la campagne de vaccination (seuls 8 % de la population avaient finalement été vaccinés, occasionnant un immense gâchis). Cet épisode a également inauguré une ère de perpétuel débat sur la vaccination en France.

L'une des erreurs cruciales commises à l'époque par les autorités françaises avait été de refuser de communiquer à un stade précoce les mesures prises pour garantir la sécurité du vaccin, de peur que la simple évocation d'un risque ne provoque des réactions irrationnelles. Cette approche avait permis aux critiques de se crisper sur cette question, condamnant les autorités publiques à une position défensive. Or, il y aura bien des procédures d'approbation accélérées pour un vaccin putatif contre le SARS-CoV-2 !

Et les auteurs du sondage de recommander de communiquer rapidement et de manière transparente sur ces processus de développement des vaccins afin d’éviter que les vaccins ne fassent partie des débats politiques à venir.

NDLR : Soulignons qu’aux États-Unis, les sympathisants républicains seraient aussi plus réticents que les démocrates vis-à-vis de certaines vaccinations. En France, on observe depuis plusieurs semaines une politisation croissante des débats autour de la gestion de cette épidémie. Des figures de partis d’opposition ont présenté les choix du gouvernement d’Edouard Philippe comme des choix politiques reflétant l’idéologie du macronisme. Ces choix ont été replacés dans la trame des premières années du quinquennat d’Emmanuel Macron avec des rappels réguliers au mouvement des Gilets Jaunes, aux tensions autour des propositions de lois sur les retraites, aux mobilisations des personnels soignants contre l’austérité budgétaire… Les difficultés rencontrées par les autorités (disponibilité des masques et des tests notamment) ont donné prise à cette critique politique ainsi qu’à la défiance.

Dr Bernard-Alex Gaüzère
RÉFÉRENCES
A future vaccination campaign against COVID-19 at risk of vaccine hesitancy and politicization. Le consortium COCONEL. Lancet Infect Dis., 2020; publication avancée en ligne le 20 mai. doi.org/10.1016/S1473-3099(20)30426-6
Le consortium Coconel : chercheurs de l’UMR Vitrome (Vectorial Infections in TROpical and MEditerranean areas ; du Centre d’investigation clinique Cochin-Pasteur, de l’École des hautes études en santé publique et de l’Observatoire régional de la santé Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. Financement : Fonds de crise de l’IRD, et par l’appel à projets Flash Covid-19 de l’Agence nationale de la recherche.

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