lundi 13 avril 2020

La justice par téléphone en santé mentale : progrès ou pente glissante?

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Par : Emmanuelle Bernheim et Pierre Pariseau-Legault | Le : 2020-04-06

Opinions
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Une professeure de droit et un professeur de sciences infirmières plaident pour des audiences judiciaires en personne. D’accord ou pas ?

Nous apprenions la semaine dernière qu’en réponse au coronavirus, des audiences judiciaires urgentes se déroulent désormais au téléphone. C’est le cas des demandes de garde en établissement, soit des procédures visant à hospitaliser contre leur gré des personnes aux prises avec une maladie mentale. Les acteurs judiciaires sont enthousiastes à l’idée de « mettre à l’épreuve les outils technologiques » et de « réduire les déplacements au maximum ». On parle même d’un « legs positif de la pandémie ». Mais sait-on seulement qu’en santé mentale, les audiences en personne sont les fruits de luttes pour les droits qui durèrent plusieurs décennies ?

La lente reconnaissance des droits judiciaires en santé mentale

Dans les années 1970, le gouvernement du Québec s’était montré avant-gardiste en tentant de confier aux tribunaux le soin de déterminer si une personne devait être maintenue contre sa volonté en établissement de santé. Malgré tout, les décisions d’internement et de soins forcés étaient prises sans audience judiciaire par des fonctionnaires n’ayant jamais vu ou entendu les personnes concernées. Ces pratiques ont eu cours jusque dans les années 1990, malgré les mobilisations et revendications politiques de groupes dénonçant des abus de droit répétés et l’absence d’une offre de services adéquate en santé mentale. [...]

[...] Une justice en crise

Depuis, le nombre de requêtes de garde en établissement est en augmentation constante, passant de 1591 en 1996 à plus de 3000 en 2018 dans le district judiciaire de Montréal. Loin de la situation idéale imaginée par le ministre Rochon, les requêtes sont entendues par des juges débordés, les personnes visées sont majoritairement absentes sans que l’on sache pourquoi ou se présentent à la cour peu préparées, représentées par des avocats également débordés. Plus de 95 % des requêtes sont accordées et la durée moyenne des audiences oscille entre 5 et 14 minutes.


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