- Par Agnès Lara
À retenir
- Les données de la littérature font ressortir que, lors des épidémies, les périodes de confinement ont nécessairement un impact psychologique négatif considérable qui peut parfois être ressenti des mois, voire des années plus tard.
- Ce constat incite à prendre des mesures immédiates pour en minimiser les conséquences.
- Les personnes ayant des antécédents psychiatriques et les personnels de santé exposés puis confinés sont plus à risque de troubles psychologiques ultérieurs et justifient la mise en place d’interventions de soutien précoces.
- Les différents facteurs de stress ont d’autant plus d’impact qu’ils sont vécus sur une plus longue durée. Celle-ci doit donc être limitée au strict minimum.
Le confinement que nous vivons représente non seulement une interdiction d’aller et venir à sa guise, mais impose également une séparation d’avec les proches et le tissu social. Ajoutez à cela la peur d’être malade et l’ennui, et cela peut conduire chez les plus fragiles à des situations très difficiles (suicides, violences, etc.). Dans l’objectif de guider les décisions publiques, une équipe britannique vient de réaliser une revue de la littérature pour évaluer les conséquences du confinement sur le bien-être mental et l’équilibre psychologique.
Un impact visible immédiatement en post-confinement
Vingt-quatre publications ont été retenues par la revue. Issues de 10 pays différents, ces études ont été réalisées à l’occasion des épidémies de SRAS en 2003, d’Ebola en 2009 et de la pandémie H1N1 en 2010. Parmi elles, 5 études ont comparé des populations ayant été placées en confinement à d’autres ne l’ayant pas subi. Immédiatement après la période de confinement, des symptômes psychologiques ont été plus fréquemment observés chez les personnes confinées : anxiété, troubles émotionnels, dépression, stress, insomnie, symptômes de stress post-traumatique, colères et épuisement émotionnel, humeur maussade, irritabilité, les deux derniers ayant une prévalence particulièrement élevée (73% et 57% respectivement). Au sein des familles, les enfants semblaient plus affectés que les adultes. Et parmi les professionnels de santé confinés après avoir été en contact avec des patients infectés, le fait d’avoir été séparés de leurs collègues de travail augmentait la sensation d’isolement, sans compter la culpabilité liée à la crainte de leur occasionner une surcharge de travail. Des difficultés de concentration, de prise de décision, une baisse de performance et une réticence au travail ont été observées. Pour ces soignants, le soutien des collègues apparaît essentiel et doit être organisé. Par ailleurs, aucun facteur démographique n’a pu être associé à un risque psychologique particulier, à part peut-être les antécédents psychiatriques (une seule étude) que l’on sait par ailleurs être associés à une plus grande sensibilité aux traumatismes quels qu’ils soient.
Des effets à plus long terme
Deux études se sont intéressées à l’impact du confinement à plus long terme. Elles ont montré que 3 ans après l’épidémie de SRAS, des abus ou une dépendance à l’alcool ont pu être associés au confinement chez les soignants. En plus des comportements d’évitement (personnes qui toussent, lieux de rassemblement) encore présents dans les semaines suivant le confinement, certains soignants ont conservé des gestes barrières comme le lavage des mains ou l’évitement des foules durant plusieurs mois.
Les facteurs de risque psychologique durant le confinement
Trois études ont montré que la durée de la quarantaine, en particulier au-delà de 10 jours, était associée à un impact psychologique plus important, avec notamment la présence de symptômes de stress post-traumatique, de comportements d’évitement ou encore de colère. Les participants ont rapporté plusieurs facteurs ayant été ressentis comme source de stress durant le confinement : la peur d’être infecté ou d’infecter les autres, en particulier les proches, les difficultés liées à l’arrêt des activités habituelles, à la perte du contact avec les autres (en particulier lorsque le lien via les réseaux sociaux n’était plus possible), l’ennui, la frustration, le sentiment d’isolement. Le fait de ne pas pouvoir répondre à ses besoins élémentaires (alimentation, eau, habillement, logement) durant la période de confinement était une source d’anxiété et de colère qui perdurait 4 à 6 mois après la levée du confinement. Le manque de transparence sur l’évolution de l’épidémie de la part des autorités de santé, de clarté des messages, en particulier pour les plus exposés, ou encore de coordination ont également été ressentis comme des facteurs de stress lors de l’épidémie de SRAS à Toronto en 2003.
Les facteurs de stress après le confinement
L’arrêt de pans entiers de secteurs d’activité, les pertes financières et les difficultés économiques que le confinement a occasionnés constituent un facteur de troubles psychologiques, de colère et d’anxiété qui peuvent se poursuivre plusieurs mois après le confinement. Sans surprise, les foyers disposant des revenus les plus bas semblent souffrir davantage de cette perte de revenu temporaire que ceux disposant de revenus plus importants (>40.000$). La stigmatisation de personnes (soignants notamment) placées en confinement ont pu faire l’objet d’une stigmatisation et d’une mise à distance de la part de leur entourage. Nous avons malheureusement déjà vu poindre ce genre de comportement vis-à-vis d’infirmier.re.s dans l’épidémie qui nous touche aujourd’hui. Un rejet de certains groupes ethniques est également possible. Pour les auteurs, la seule façon de prévenir ces comportements est une information claire et rapide des populations par les autorités de santé de façon à faciliter une meilleure compréhension de la problématique.
Que peut-on faire pour minimiser l’impact psychologique du confinement ?
Le risque psychologique étant lié à l’exposition, les auteurs préconisent de limiter la durée du confinement au minimum en fonction des données de la science (sans période de précaution). L’organisation rapide des chaînes d’approvisionnement pour assurer les besoins élémentaires de la population est bien sûr une priorité. Pour répondre à la peur d’être infecté ou infectant, à la peur des symptômes, pouvant être exacerbées par le manque de clarté dans les informations diffusées, ils incitent les autorités de santé à la transparence concernant l’épidémie, à la pédagogie concernant le risque infectieux, les raisons et la durée du confinement et l’attitude à adopter en cas de symptômes. Ils recommandent également la mise en place de numéros d’appel dédiés. Communiquer pour rompre l’ennui et l’isolement, proposer des activités et des conseils pour s’adapter et évacuer le stress, favoriser les relations sociales et le lien avec les proches (les réseaux sociaux prennent ici un rôle tout particulier), développer l’altruisme … toutes ces approches susceptibles de limiter l’anxiété immédiate et donc les troubles psychologiques à distance constituent aussi une priorité. À cet effet, s’assurer que les personnes confinées disposent d’équipement en objets de communication leur permettant de rester en lien est une nécessité.
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