vendredi 27 mars 2020

Journal de crise des blouses blanches : « La consigne est de se cacher quand le brancard passe »

« Le Monde » donne la parole, chaque jour, à des personnels soignants en première ligne face au coronavirus. Ils racontent « leur » crise sanitaire. Episode 1.

Publié le 22 mars 2020


Ils travaillent à l’hôpital ou en médecine de ville, ils sont généralistes, infirmières, urgentistes, sage-femme : une quinzaine de soignants, en première ligne face à la pandémie de Covid-19, ont accepté de nous raconter leur quotidien professionnel. Chaque jour, dans ce « journal de crise », Le Monde publie une sélection de témoignages de ces « blouses blanches ».

« Une réorganisation de fond en comble pour pratiquer une médecine de catastrophe »

Véronique Manceron, 49 ans, interniste-infectiologue, hôpital Max-Fourestier, Nanterre (Hauts-de-Seine)
« Chez nous, à Nanterre, l’afflux de patients ne fait que commencer, pourtant j’ai le sentiment, en ce vendredi soir [20 mars], d’avoir vécu en quatre jours plus de choses que depuis mon arrivée ici, il y a trois ans. C’est extraordinairement intense, c’est une réorganisation de fond en comble qui est en train d’être mise en place, pour pouvoir pratiquer une médecine de catastrophe.
Tout va très vite. Il y a quelques jours, il a été demandé aux collègues diabétologues, cardiologues, etc., de participer aux astreintes Covid, et de tenir une unité dite “pré-Covid”, pour s’occuper des patients qui présentent des symptômes mais qui sont en attente des résultats du dépistage.
« Aujourd’hui, nous attendons que la vague arrive et l’un des stress forts est celui de la protection des soignants »
Au départ, il y avait chez certains de l’appréhension à sortir de leur discipline. Mais là, on sent un très fort engagement de tout le personnel, tout le monde est mobilisé vers un même objectif, comme si l’hôpital entier s’était entièrement reconfiguré autour d’une seule communauté de soignants. Tout le monde est prêt à prendre sa part, à participer aux astreintes et à organiser dans l’urgence une forme de compagnonnage pour ceux qui devront sortir de leur discipline quand la vague que nous attendons sera là.
Et tout cela se fait à la vitesse de la lumière. Il y a une semaine, on a créé une unité Covid avec vingt lits, mais il a été décidé presque aussitôt d’en ouvrir une deuxième dans les prochains jours. Peut-être que dans moins d’une semaine on décidera d’en ouvrir une troisième. Aujourd’hui, nous attendons que la vague arrive et l’un des stress forts auxquels nous sommes soumis est celui de la protection des soignants, en particulier de la disponibilité des masques, des casaques, des solutés hydroalcooliques… Si seulement nous pouvions être au moins soulagés de cela avant que la situation n’accélère ! »
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