dimanche 29 mars 2020

Carnets de la drôle de guerre par Philosophie magazine






Bonjour,  
Vous, je ne sais pas, mais moi, j’ai tout le temps envie de marcher depuis que ce n’est plus possible. Oui, les citadins ont le droit de se dégourdir les jambes une fois par jour autour de leur pâté de maison. Mais ce n’est pas marcher, cela. Sapiens a un corps fait pour marcher 20 kilomètres par jour. L’“animal marchant”, du nom que nous donne le paléoanthropologue Pascal Picq, était déjà loin du compte avant le confinement, quand il s’extasiait d’avoir fait 10000 pas dans la journée, soit à peine 6 kilomètres. Alors maintenant… Le manque est tel que j’ai fait en courant le tour du square voisin, chose qui ne m’était pas passée par la tête depuis un certain nombre de décennies. 
Je plains de tout mon cœur les malheureux dromomanes, ces marcheurs compulsifs décrits par un psychiatre à la fin du XIXe siècle et dont la folie consiste à avancer sans cesse. Que deviennent-ils en ce moment ? Tournent-ils chez eux comme des fauves en cage ? Reçoivent-ils des amendes à chaque coin de rue ? Bien sûr, il y a pour eux comme pour les claustrophobes, leurs frères en malchance, et pour nous tous, l’inénarrable “Attestation de déplacement dérogatoire” – ah ! présentez-moi le linguiste qui a baptisé le formulaire ! Présentez-moi l’expert en développement durable qui a eu l’idée d’en exiger une par déplacement pour chaque Français, soit quelque 67 millions de feuilles imprimées à jeter chaque soir ! 

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