vendredi 21 février 2020

Fin de vie : la Haute Autorité de Santé, ses oublis, ses ambiguïtés…

Publié le 22/02/2020




Paris, le samedi 22 février 2020 - La mise en examen de deux médecins normands pour administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort sans intention de la donner a mis en lumière les difficultés auxquelles se heurtent certains médecins pour accompagner leurs patients en fin de vie et notamment soulager leurs souffrances. Plusieurs syndicats et notamment la Fédération des médecins de France (FMF) ont ainsi dénoncé la complexité des procédures auxquelles doivent s’astreindre les praticiens pour se procurer certains médicaments. Cette alerte a été rapidement entendue par les pouvoirs publics. Dans le cadre d’une réactualisation de ses recommandations sur les bonnes pratiques en matière « d’antalgie des douleurs rebelles et de pratiques sédatives chez l’adulte », la HAS a estimé « nécessaire d’adapter la réglementation de la prescription, de la dispensation, et de la prise en charge par l’Assurance maladie des médicaments concernés (dont le fameux midazolam, ndlr), afin de permettre la mise en œuvre effective à domicile » des pratiques sédatives. Elle réclame aussi l’évolution de la réglementation encadrant ces produits afin qu’ils puissent bénéficier d’une extension d’AMM ou d’une ATU. Dès le lendemain, le ministère de la Santé a pris acte de ces recommandations et a indiqué qu’elles seraient mises en œuvre d’ici quatre mois dans le cadre d’ « un parcours sécurisé prévoyant notamment, pour les situations nécessitant une démarche collégiale, l’obligation pour le prescripteur de passer convention avec une équipe mobile ou un service hospitalier de soins palliatifs afin de garantir la collégialité de la décision ainsi que l’accompagnement et le suivi des patients ». Les syndicats engagés sur ces sujets se sont félicités de cette prise de conscience rapide du pouvoir politique, tout en insistant sur l’importance d’éviter les lourdeurs administratives dans les procédures envisagées. Cependant, certains ont une lecture moins enthousiaste et relèvent d’une part combien cette séquence dénote la frilosité des pouvoirs publics à mettre en œuvre les mesures indispensables pour un accompagnement de qualité de la fin de vie et surtout rappellent que le souhait d’une légalisation de l’euthanasie (qui serait soutenu par une large part de la population selon de nombreuses enquêtes) n’est toujours pas entendu. C’est notamment le message que portent dans nos colonnes les docteurs Denis Labayle et Bernard Senet membres de l’association Le Choix – Pour une mort choisie. Dans cette tribune, les deux praticiens reviennent notamment sur la persistance des limites de la loi et déplorent une importante frilosité politique (signalons que nous ouvrons nos colonnes à ceux qui contesteraient cette approche et notamment aux responsables de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, ici cités).
Par les Dr Denis Labayle et Bernard Senet,
Co-président et membre du collège décisionnel de l’Association Le Choix Citoyens pour une mort choisie

En pratique, la HAS préconise en première intention le midazolam, ou en cas de difficulté d’approvisionnement, le diazépam ou le clonazépam. En cas d’efficacité insuffisante, la HAS recommande en deuxième intention deux neuroleptiques injectables : la chlorpromazine ou la lévomépromazine. Si la sédation est toujours inadaptée, la HAS propose de discuter d’un transfert en service spécialisé.
Mais consciente que ces questions sont complexes et délicates, la HAS suggère également la mise en place d’un réseau national de centres experts qui devrait assurer une astreinte téléphonique continue pour répondre aux questions des professionnels.Docteur Denis Labayle et Docteur Bernard Senet
Suite à l’affaire des deux médecins, suspendus pour avoir aidé leurs patients à mourir en prescrivant du Midazolam à leur domicile, la Haute Autorité de Santé (HAS) conseille enfin aux pouvoirs publics de permettre aux médecins généralistes de prescrire ce médicament, dans le cadre de la loi sur la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès », loi de 2016 dite Claeys-Léonetti.
Ce changement soudain d’attitude de la Haute Autorité de Santé est-il un progrès ? Ou la simple correction d’un oubli ? Ou une nouvelle preuve que les conditions drastiques exigées par la loi actuelle n’ont en réalité qu’un but : réduire à tout prix les indications de la sédation terminale ? Jusqu’à obliger les patients à mourir à l’hôpital…


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