vendredi 14 février 2020

Fabienne Brugère, philosophe de l'écoute

LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE par Adèle Van Reeth et Géraldine Mosna-Savoye
14/02/2020
58 MIN

Dès l’origine du travail de Fabienne Brugère, de sa réflexion sur l’esthétique à celle sur la philosophie de l’esprit, c'est la figure du spectateur et de son écoute qu'elle questionne, entre passivité et activité : est-on maître d’une œuvre ? Ou au contraire, la reçoit-on ?
Fabienne Brugère
Fabienne Brugère Crédits : © Philippe Matsas 2018

L'invitée du jour :

Fabienne Brugère, professeure de philosophie à l'Université de Paris 8, présidente de l'Université Paris Lumières
Après l'Ecole normale supérieure et l'agrégation, Fabienne Brugère a soutenu une thèse intitulée Théorie de l'art et philosophie de la sociabilité selon Shaftesbury, puis enseigné à Toulouse et à Bordeaux. Présidente du Conseil de développement durable de Bordeaux entre 2008 et 2013, elle dispense aujourd'hui un séminaire sur la théorie féministe. Traductrice et autrice d'une vingtaine de livres, elle a écrit sur le goût, la sociabilité, la beauté, le care, le libéralisme, l'hospitalité et le féminisme avec son dernier ouvrage : On ne naît pas femme, on le devient, aux éditions Stock.

La voix et sa dimension politique

La voix c'est fondamental, c'est l'expression. Mais pour la déployer, il faut déjà avoir pu s'aménager un espace pour qu'elle puisse surgir. Ce que la philosophe Carol Gilligan a montré dans son livre "In a different voice", c'est qu'en fait, les femmes peuvent parler, dire, mais ne sont jamais écoutées parce qu'elles ne disposent pas de cet espace qui permet que leurs voix soit soit portées. Carol Gilligan a insisté sur la dimension de l'écoute, sur le fait que les démocraties devraient déjà se constituer à travers l'écoute de tous les groupes, et au premier titre, les groupes opprimés et auxquels il faut donner une place, ne serait-ce que la place de l'écoute. Cette notion d'écoute est aujourd'hui fondamentale en philosophie, dans une dimension politique.                  
Fabienne Brugère

L'écoute, le fil conducteur d'une pensée

Le terme d'écoute est un fil conducteur dès le début de mon travail sur l'esthétique, sur la philosophie de l'esprit, sur la philosophie de Hume et d'Adam Smith et sur la manière dont ils pouvaient thématiser la question des Beaux-Arts et du jugement artistique. Je l'ai toujours fait finalement par rapport au regard ou par rapport à l'écoute ou par rapport à la lecture, c'est à dire en prenant en compte la position du spectateur, celui qui reçoit une œuvre, mais qui, recevant cette œuvre, fait justement quelque chose. Ce qui se joue dans la figure du spectateur, c'est toute une liaison entre la passivité et l'activité. Et de la même manière, si on parle d'une écoute politique, c'est aussi une figure qui suppose de se mettre à un moment à distance, de pouvoir recueillir, ce qui suppose une part de passivité, mais dans le fait de recueillir, il y a aussi le fait de pouvoir ensuite rendre quelque chose et, peut-être, participer de ce qui a été posé, et donc, il y a à ce moment là une forme d'activité. Fabienne Brugère


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