jeudi 9 janvier 2020

Série Cosmos : les secrets du boson de Higgs

A l’occasion de la parution du troisième ouvrage de notre collection, consacré au boson de Higgs, retour sur cette particule découverte en 2012, qui recèle encore bien des mystères.
Par   Publié le 07 janvier 2020
Quelles curieuses réactions suscite le boson de Higgs ! L’existence de cette particule, imaginée en 1964 par les Belges François Englert et Robert Brout puis indépendamment par l’Ecossais Peter Higgs, rend un vibrant hommage à la sagacité des physiciens. Mais tout se passe aujourd’hui comme si ces derniers n’étaient pas totalement satisfaits.

Le 4 juillet 2012, au moment de l’annonce de la découverte du CERN, le climat était pourtant résolument à l’optimisme. Ne venait-on pas, au terme d’un demi-siècle d’efforts insensés, de démontrer la réalité d’une des plus audacieuses idées de la physique ? Une thèse qui, bien que difficilement appréhendable par le commun des mortels, n’en permettait pas moins de résoudre le mystère de nos origines les plus lointaines ? Celle-ci a trait à la masse des objets qui nous entourent. Et affirme que si les particules élémentaires qui les constituent en possèdent une, c’est parce que, à un moment très reculé de l’histoire de l’univers, elles ont interagi avec un « champ de Higgs » qui se serait développé spontanément dans le vide à la suite d’un événement qualifié de « brisure de symétrie » par les spécialistes. Cela aurait été le cas des électrons et des quarks – dont sont faits les protons et les neutrons des noyaux atomiques. Mais pas des photons, ces « grains de lumière » qui, ayant en quelque sorte raté le coche à l’époque, seraient demeurés, jusqu’à aujourd’hui, sans masse.

Ebouriffante théorie

Là ne s’arrête pas cette ébouriffante théorie. En effet, celle-ci précise aussi que ce « champ de Higgs » a pu, durant les premières picosecondes (10-12 secondes) ayant suivi le Big Bang, lorsque l’univers était porté à une température de l’ordre de 1017 degrés, se matérialiser sous la forme d’un boson de Higgs qui se serait aussitôt désintégré en un ensemble d’autres particules d’énergie bien définies. C’est en détectant ces dernières au sein de l’énorme installation « Grand collisionneur à hadrons » (LHC) du CERN, où ces conditions infernales avaient été artificiellement reconstituées, que les physiciens des collaborations « ATLAS » et « CMS » ont, en 2012, obtenu indirectement la preuve de son existence.
Fin de l’histoire ? Loin s’en faut ! Car depuis, les scientifiques n’ont eu de cesse de s’assurer que ce fameux boson est bien conforme à leurs prédictions. « En effet, explique Laurent Chevallier, chercheur à l’IRFU du CEA à Saclay qui a participé à la construction de l’expérience « ATLAS » du CERN, l’étude du Higgs est indispensable à la validation définitive du “Modèle standard de la physique des particules” ainsi qu’à son éventuel prolongement. » Ce modèle décrit, avec une précision ultime, trois des quatre interactions fondamentales de la nature : la force électromagnétique, la force nucléaire faible et la force nucléaire forte. Mais il se révèle impuissant à rendre compte de certaines observations des astrophysiciens et physiciens. « Il ne résout pas le mystère de la matière noire et de l’énergie noire, n’explique pas le déficit d’antimatière dans l’univers, ni la masse de certaines particules élémentaires appelées neutrinos. Il néglige la gravité et n’unifie pas, aux hautes énergies, les quatre forces en une seule », détaille Laurent Chevallier. D’où l’espoir affiché, au moment de la découverte, qu’en analysant les propriétés du boson de Higgs, des contradictions avec la théorie apparaîtraient, ouvrant la porte à un nouveau champ de la physique où l’on trouverait les solutions à ces énigmes.
Entre 2015 et 2018, les chercheurs ont précisé la masse et le spin du boson de Higgs
Force est de constater que ce n’est pas encore le cas. Entre 2015 et 2018, les chercheurs ont précisé la masse et le spin du boson de Higgs. Avant d’étudier d’autres modes de désintégration de cette particule que ceux ayant abouti à sa découverte. Vérifiant notamment que, dans 60 % des cas, cette décroissance conduit à l’apparition d’un certain type de quarks lourds : le quark bottom, dont la masse aurait donc bien été fixée dans un passé lointain par le champ de Higgs. Mais pour le reste, pas le moindre indice de la présence d’une nouvelle physique.
Que faire ? « Il est vrai que la situation est inédite, reconnait Christophe Ochando, chercheur (CNRS/Ecole Polytechnique) au laboratoire Leprince-Ringuet à Paris. Au début, nous pensions que la découverte du boson de Higgs aboutirait rapidement à celle de particules inconnues à même de nous renseigner sur cette physique au-delà du modèle standard. Cela ne s’est pas produit et nous ne disposons pas de théorie pour nous guider dans nos recherches. Dans ces conditions, la seule solution est de continuer à s’intéresser au boson de Higgs, en poussant plus avant l’étude de ses caractéristiques. » Ce travail de fourmi se poursuivra entre 2021 et 2024, avant de s’interrompre et de reprendre en 2027, sur une installation LHC entièrement renouvelée : le LHC Haute Luminosité, qui sera capable de produire cinq fois plus de bosons de Higgs qu’actuellement. De quoi peut-être enfin réussir à arracher à la nature ses ultimes secrets…
« Le Boson de Higgs. Le terrible secret de la particule de Dieu », en vente en kiosque dès le 8 janvier.
Pour accompagner la collection « Voyage dans le cosmos », chaque semaine, état des lieux d’une thématique de recherche.


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