mardi 28 janvier 2020

Les patients dépressifs atteints de cancer passent plus vite dans les circuits palliatifs

PAR 
COLINE GARRÉ - 
PUBLIÉ LE 28/01/2020




Crédit photo : S. Toubon
Les patients souffrant de dépression sévère et atteints d'un cancer meurent en moyenne trois ans plus tôt et reçoivent une prise en charge plus palliative et moins intensive, met en lumière une étude de cohorte, publiée dans « Journal of affective disorders ». 
Les chercheurs ont comparé les données (issues du programme de médicalisation des systèmes d'information, PMSI) de 4 070 patients présentant des formes sévères et récurrentes de dépression et décédés d'un cancer, à 222 477 cas contrôles, entre 2013 et 2016. Ils se sont en particulier concentrés sur la fin de vie des personnes malades. 

Trois ans de vie en moins 
Comparés aux cas contrôles, les patients dépressifs atteints de cancer meurent en moyenne à 68,7 ans contre 71,8. Ils semblent plutôt mieux dépistés, puisque le délai entre le diagnostic de cancer et le décès est plus long chez eux et qu'ils présentent moins de métastases. Cela s'expliquerait, selon les auteurs, par l'anxiété des patients dépressifs à l'égard de leur santé, et à un recours plus fréquent de leur part aux soins - ce qui est loin d'être le cas des patients schizophrènes, dont le cancer est dépisté plus tard, à un stade plus avancé, comme l'a démontré une précédente étude coordonnée également par le Dr Fond
Les patients dépressifs semblent davantage touchés par les cancers thoraciques et du système respiratoire (résultat cohérent avec d'autres études sur la consommation de tabac), des os, du système nerveux central et des organes génitaux masculins. Ils présentent davantage de comorbidités : « Cela suppose d'améliorer la collaboration avec les professionnels des soins primaires et de développer les soins intégrés chez les patients dépressifs, avant l'apparition du cancer et pendant son traitement », lit-on. 
Plaidoyer pour la psycho-oncologie 
Après appariement entre cas et contrôles, il apparaît que les patients dépressifs bénéficient d'une prise en charge essentiellement palliative au cours du dernier mois de leur vie et d'un suivi palliatif plus long. Les deux dernières semaines, ces patients ont moins de chimiothérapie, de dialyse, de transfusion sanguine, de chirurgie, d'endoscopie, d'actes de haute intensité que les autres. En revanche, le mois avant leur décès, ils sont davantage dépendants de la nutrition artificielle. Enfin, leur présence dans les services d'urgence ou de soins intensifs est moindre pendant leurs 31 derniers jours. 
En l'absence de données qualitatives, il est impossible de savoir si ce recours accru à une prise en charge palliative répond aux souhaits des patients et familles ou découle de difficultés à poursuivre des soins intensifs. Les auteurs formulent plusieurs hypothèses : les sujets dépressifs pourraient vouloir éviter les soins intensifs afin d'accélérer leur décès, les médecins pourraient être plus prompts à leur donner accès à ces soins s'ils en expriment le désir, notamment pour éviter les effets secondaires. Enfin, les unités de soins palliatifs sont par nature destinées à accueillir les situations les plus complexes, dont les patients déprimés. 
En conclusion, les auteurs appellent à développer la psycho-oncologie, pour mieux appréhender l'impact de la dépression sur le cours du cancer et articuler les soins psychiatriques, oncologiques, et palliatifs. 

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