mercredi 15 janvier 2020

Les écrans coupent-ils la parole aux plus petits ?

Par Catherine Mallaval — 


les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école et qui discutent rarement voire jamais du contenu de ces écrans avec leurs parents multiplient par six leur risque de développer des troubles primaires du langage.
les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école et qui 
discutent rarement voire jamais du contenu de ces écrans avec 
leurs parents multiplient par six leur risque de développer des 
troubles primaires du langage. 
Photo Donald Iain Smith. Getty Images


Une étude rendue publique ce mardi matin par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire établit un lien entre l'exposition des jeunes enfants aux écrans et les troubles primaires du langage.

Et vlan, une pierre de plus dans le jardin de ceux qui crient aux dangers des écrans pour les enfants, quand ils ne pronostiquent pas carrément une Fabrique du crétin digital (1) tel Michel Desmurget, docteur en neurosciences à l’Institut des sciences cognitives de Lyon. Conduite par une équipe de Rennes (Université, Inserm, Santé publique France), une étude rendue publique ce mardi par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire le pointe : les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école et qui discutent rarement voire jamais du contenu de ces écrans avec leurs parents multiplient par six leur risque de développer des troubles primaires du langage.
Tous stypes d'écrans pris en compte

Zone d’étude : 24 communes d’Ille-et-Vilaine dont Rennes. Echantillon : des enfants nés entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012 au moment où ils étaient âgés de 3,5 ans à 6,5 ans, la tranche d’âge qui correspond aux troubles du langage. Dans cette petite troupe, 167 ayant déjà été diagnostiqués pour ce genre de trouble (et suivis par un ou une orthophoniste) et 109 autres, dits «témoins», s’exprimant sans souci, rigueur scientifique oblige. Alors que beaucoup de travaux internationaux se focalisent sur les effets de la télé sur la santé des plus jeunes, l’équipe de Rennes s’est intéressée à tous les types d’écrans (ordis, consoles de jeux, tablettes…). On notera enfin que les données ont été recueillies via un questionnaire parental transmis par les orthophonistes des enfants ou leur médecin généraliste.
Voilà pour la méthode. Les résultats maintenant. On commence par les similitudes entre les enfants des deux groupes : une première exposition aux écrans à l’âge de… 15,7 mois ; un nombre d’écrans à disposition quasi identique dans les deux échantillons (5,1% avaient une télé dans leur chambre, 15% leur propre console de jeux, 16,1% leur propre tablette, et 0,7% un ordi dans leur chambre). Et le fait d’être seuls face à l’écran 40% du temps.

«Problème de santé publique»

Passons maintenant aux différences entre les enfants présentant des troubles du langage et les «enfants témoins». Au cours d’une semaine scolaire classique, 44,3% des premiers étaient exposés aux écrans (en moyenne vingt minutes) le matin avant l’école contre 22% des seconds. Et c’est encore sans compter avec les parties de télé ou autres lors des repas à la maison et le soir avant d’aller se coucher. Bilan : 87,7 minutes d’écran pour les premiers, 55,7 minutes pour les seconds. Et aussi, grosse différence : 31,5% des parents des enfants du premier groupe affirment ne jamais discuter du contenu des écrans avec leur progéniture, contre 14,8% dans le second groupe. Enfin et encore : 44,8% des parents du premier groupe ont déclaré que la télé restait allumée en fond sonore, même lorsque leurs enfants étaient aux alentours, face à 25% des familles des enfants témoins.
C’est ainsi que cette étude, après avoir établi une mauvaise «connexion» entre exposition aux écrans (notamment le matin, car l’enfant épuiserait alors son attention, et serait moins apte aux apprentissages de la journée) sans discussion avec les parents sur le contenu de ces écrans et troubles primaires du langage, évoque un «problème de santé publique».
(1) Fabrique du crétin digital de Michel Desmurget, éditions du Seuil, novembre 2019. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire