dimanche 22 décembre 2019

Michelle Perrot : « Le rire masculin fait du bruit, les larmes féminines coulent en silence »

Par   Publié le 20 décembre 2019


ENTRETIEN La grande historienne, dont une bonne partie de l’œuvre vient d’être réunie dans la collection « Bouquins », revient sur sa vie et ses recherches. Elle a fait sortir de l’oubli les invisibles et les exclus, les ouvriers et les femmes et analysé finement les relations entre les deux sexes.

Michelle Perrot, à son domicile parisien, le 3 décembre.
Michelle Perrot, à son domicile parisien, le 3 décembre. 
LEA CRESPI POUR LE MONDE

Lorsqu’elle feuillette l’épais volume de la collection « Bouquins » consacrée à son travail d’historienne, Michelle Perrot éprouve, dit-elle, une sorte de « vertige ». Vertige de voir ainsi consacrée la « petite élève du cours Bossuet » qui n’imaginait pas un jour figurer dans cette collection qui accueille Tocqueville, Montesquieu, Talleyrand ou Thucydide. Vertige, aussi, de voir ainsi réunis dans un volume de plus de 1 000 pages quelques-uns de ses plus grands travaux sur l’histoire des femmes, des ouvriers ou des prisonniers (Robert Laffont, 1 184 p.).

Les grévistes de la fin du XIXe siècle, les enfants de la prison de la Petite-Roquette, les « Apaches » du début du XXe siècle, et bien sûr, les femmes : cette pionnière a consacré sa vie à sortir de l’oubli les invisibles, les exclus, les obscurs, les vagabonds, les réprouvés. « L’histoire peut exhumer des objets nouveaux, les “inventer” en quelque sorte », écrit-elle. Avec bien d’autres, Michelle Perrot a « inventé » l’histoire des femmes – « victimes d’abord, mais existantes, puissantes aussi, ­capables d’obstruction, pleurantes peut-être mais aussi murmurantes, résistantes, criantes, parlantes, de plus en plus maîtresses de leur destin ».


Quand vous relisez l’essai d’« ego-histoire » que vous avez écrit en 1985 [sorti en 1987], à la demande de Pierre Nora, vous êtes frappée, dites-vous, par le paysage social de ce récit – notamment le déclin de la France rurale et l’importance de la guerre. A quoi ressemblait le milieu dans lequel vous avez grandi ?

Ma famille est sortie de la condition paysanne par le commerce. Mon arrière-grand-père était vendeur de bois, mon grand-père dirigeait un commerce de bestiaux, mon père était marchand de cuir en gros. Il a fait de bonnes études chez les jésuites de Saumur, mais il était turbulent et indiscipliné : il a été renvoyé parce qu’il avait, à la veille d’une distribution des prix, flanqué le contenu des pots de chambre dans la cour ! Au moment de la déclaration de guerre, en 1914, il a, dans un geste romantique, devancé l’appel mais il est revenu résolument antimilitariste : il était révolté contre l’autorité. Quand on évoquait les tranchées, il se mettait en colère en disant qu’il y avait vu des choses abominables.

Ma mère était la fille d’un ingénieur des plantations du XIIIe arrondissement – c’est lui qui a fait planter des peupliers, l’arbre des prairies poitevines de son enfance, à la poterne des Peupliers. C’était un républicain radical qui admirait Jaurès : il aimait le service public, les concours, la méritocratie, le travail, la ponctualité et l’hygiène – il se frottait avec un gant de crin et il faisait des exercices de gymnastique tous les jours. Lorsque ma grand-mère est morte, ma mère, qui n’avait que 15 ans, est devenue la maîtresse de maison. Elle était une « fénelonnienne » de la première heure – élève au lycée Fénelon, l’un des premiers lycées de filles – mais son père l’a empêchée de poursuivre ses études de crainte qu’elle ne puisse plus déjeuner tous les jours avec lui…

Vous avez passé votre enfance et votre adolescence dans le Paris des Halles. Vous en gardez un bon souvenir ?

Nous habitions rue Greneta, dans le Paris populaire et vivant du centre de Paris. J’adorais ce quartier que j’ai sillonné pendant de longues années avec ma « bonne », comme on disait à l’époque : lorsque nous revenions de l’école, nous nous arrêtions devant les magasins de poupées du passage Brady et au carrefour Réaumur-Sébastopol, nous entonnions des airs populaires avec des chanteurs de rue. Le magasin de cuirs que mes parents ont ouvert après leur mariage, en 1925, était situé rue Saint-Denis. Il y faisait très froid l’hiver – ma mère mettait des pelisses de fourrure pour travailler. Elle faisait surtout la comptabilité mais elle maniait, comme les hommes, de grands côtés de cuir très lourds. C’était un jeune couple des années folles : ils sortaient beaucoup, ils étaient gais et modernes – ils m’emmenaient partout avec eux ! Ils étaient aussi anticonformistes : il était évident, à leurs yeux, que je travaillerais et que je serais indépendante.

Cette liberté contraste avec l’ambiance qui régnait au cours Bossuet, le cours privé catholique où vous avez fait vos études. Vous dites que les religieuses y « montaient une garde vigilante contre les tentations du monde ». Y parvenaient-elles ?

Le cours Bossuet, qui était tenu par des religieuses de la Congrégation de la Retraite, était effectivement un conservatoire des traditions. Pendant la guerre, les bonnes sœurs étaient vichystes – pas par conviction idéologique, mais parce que Vichy leur avait permis de reprendre leur costume de religieuses. Issues de la moyenne bourgeoisie, les jeunes filles qui m’entouraient attendaient patiemment le mariage : la plupart n’ont même pas passé le bachot. Comme disait le père de Grand Maison : « Les femmes doivent se lever les premières et se coucher les dernières… » Ces propos révoltaient ma mère, qui me disait que « mon » père de Grand Maison disait n’importe quoi !

Malgré tout, nous étions à Paris, et quand, à la faveur de la guerre, les sœurs nous ont obligées à porter des uniformes, certaines mères, notamment la mienne, ont refusé d’obtempérer. Le cours Bossuet proposait aussi une ouverture sur le monde : des missionnaires venaient nous parler de l’Afrique ou de la Chine. Ils nous demandaient de nous cotiser pour « racheter » les enfants chinois et africains, et dans mon imagination d’enfant, je pensais qu’on allait un jour « racheter », non pas religieusement mais financièrement, un petit Chinois qui viendrait s’installer à la maison…

L’ouverture du cours Bossuet était aussi sociale. En 1943, l’abbé Godin avait invité les catholiques, dans son livre France, pays de mission ?, à évangéliser le monde ouvrier qu’il jugeait privé de Dieu. L’idée de l’inégalité m’est apparue sous ce jour : non pas comme une inégalité sociale, mais comme une inégalité spirituelle. Nous lisions également les livres de Simone Weil, qui était partie travailler en usine. Elle m’inspirait : quand j’étais très jeune, je me voyais missionnaire en Afrique ou en Chine, mais avec les livres de Simone Weil, je me suis vue partir dans le monde ouvrier.

Votre père, qui ne voulait pas que vous vous « mettiez un homme sur le dos » trop vite, vous a poussée à faire des ­études. Quand il vous a demandé, ­après votre bachot, ce que vous vouliez faire, vous avez répondu : ­ « De l’histoire. » Pourquoi ?

D’abord pour de mauvaises raisons : mon père me poussait à faire médecine mais quand j’en ai parlé à ma professeure, elle m’a instantanément répondu : « Michelle, vous n’y pensez pas, vous êtes trop mauvaise en mathématiques ! » Mais j’avais également de bonnes raisons de m’intéresser à l’histoire. L’un de mes profs, un prêtre de la « Catho », nous avait parlé des Manuscrits de la mer Morte que l’on venait de mettre au jour : j’ai été fascinée par l’intérêt anthropologique et linguistique de cette découverte ! Je pensais aussi que l’histoire pouvait m’aider à comprendre la guerre. Nous étions des privilégiés, nous n’avons pas été déportés ou arrêtés, mais la belle et douce lumière de mon enfance s’était, après 1939, métamorphosée en peur, en angoisse, en obscurité. Mes parents ne travaillaient plus car il n’y avait plus de cuir et mon père, qui était neurasthénique, passait ses journées à lire dans son lit. Nous avions déménagé dans une grande maison à Montmorency mais elle était sinistre pendant les hivers froids de la guerre.

Michelle Perrot, à son domicile parisien, le 3 décembre.
Michelle Perrot, à son domicile parisien, le 3 décembre. 
LEA CRESPI POUR LE MONDE

En 1947, vous vous êtes inscrite ­en histoire à la Sorbonne. A quoi ­ressemblait alors cette institution ?

Tous nos professeurs, sans exception, étaient des hommes, et les concours n’étaient pas mixtes : j’ai passé l’agrégation « féminine » d’histoire-géographie ! Pour moi qui sortais de l’ambiance confinée et traditionnelle du cours Bossuet, l’université a été un moment d’immense liberté : je prenais le métro, je choisissais mes cours, je volais de mes propres ailes. A la Sorbonne, j’étais comme un poisson dans l’eau. La seule chose qui m’a un peu déçue, c’était l’espèce de vide idéologique qui y régnait.

Comment l’avez-vous comblé ?

Mes parents étaient athées, mais j’avais été élevée dans une institution catholique. A la Sorbonne, je suis allée naturellement vers les « thalas » – ceux qui allaient à la messe. Ce mouvement était traversé par les courants de l’époque : on y parlait du communisme, du socialisme et du monde ouvrier. J’étais attirée par le christianisme social, je m’intéressais aux prêtres ouvriers et je lisais La Quinzaine, le journal chrétien progressiste de Jacques Chatagner qui critiquait le capitalisme et la bourgeoisie. A l’époque, la responsable des étudiants communistes était Annie Becker – qui allait devenir Annie Kriegel : avec ses cheveux courts et ses blousons à la garçonne, cette jeune femme qui montait sur les tables pour haranguer les étudiants était, pour moi, une figure merveilleuse d’émancipation.

J’ai rejoint le Parti communiste au début des années 1950, après mon agrégation. Je suis partie à Caen pour enseigner l’histoire, je me suis mariée et nous avons, avec mon mari, adhéré au PCF, où étaient nos meilleurs amis, Jacques et Mona Ozouf. Pendant deux ans, au sein de la cellule « Sampaix », nous avons côtoyé le monde ouvrier – à l’époque, il y avait des hauts fourneaux à l’est de la ville. Avec mon mari, nous avons d’ailleurs, dans ces années-là, fait des études sur les travailleurs de Caen : la classe ouvrière était notre horizon.

Vous avez ensuite consacré votre thèse aux grèves ouvrières de la fin du XIXe siècle (1870-1890). C’était un choix à la fois scientifique et politique ?

Ce sujet de thèse était une idée de mon « maître », Ernest Labrousse, mais il n’a pas eu besoin de me pousser beaucoup : j’ai adhéré tout de suite à son projet. Pour cet homme qui était au Parti socialiste, l’histoire de la classe ouvrière était un grand chantier mais elle devait rester scientifique : il était très hostile aux présupposés hagiographiques du PC. Il défendait une histoire sérieuse – et donc quantitative : il voulait savoir combien ils étaient, où ils vivaient, comment ils se nourrissaient, ce qu’ils pensaient. C’était l’époque où Emmanuel Le Roy Ladurie disait : « L’histoire sera quantitative ou elle ne sera pas ! » Dans ces années 1950-1960, l’histoire ouvrière était dans l’air du temps. C’est à cette époque que j’ai travaillé avec Jean Maitron, le fondateur du fameux dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.

C’est par l’histoire ouvrière que vous êtes arrivée à l’histoire des femmes : en 1974, dans Les Ouvriers en grève. France 1871-1890, vous consacrez un chapitre aux « grèves féminines » – c’est votre premier texte sur l’histoire des femmes. Ernest Labrousse vous avait dissuadée de faire votre mémoire de maîtrise sur le féminisme en vous ­disant que « vous ne feriez pas carrière avec ça ». L’histoire des femmes était ­encore dans les limbes ?
Il y avait quelques travaux sur les femmes – Edith Thomas, une conservatrice des ­Archives nationales proche du Parti communiste avait ainsi publié des ouvrages sur Louise Michel ou sur les « pétroleuses » de la Commune. Mais à l’université, les femmes n’étaient pas un sujet. Pour moi non plus, au fond : quand j’ai travaillé sur les grèves féminines, j’ai été un peu déçue de découvrir que les femmes, qui représentaient 30 % des effectifs industriels, ne menaient que 6 à 7 % des grèves ! Je me suis dit qu’elles étaient un peu soumises mais c’était ridicule : il ne fallait pas voir dans cette abstention un signe d’obéissance ou un penchant pour la douceur, mais la conséquence d’une situation sociale. Quand je relis ce chapitre aujourd’hui, je n’en suis pas très contente !

L’histoire des femmes est née quinze ans plus tard, au début des années 1970, pendant le mouvement féministe. J’étais professeure à Jussieu, je manifestais pour la contraception et l’avortement et j’avais créé, à l’université, un groupe d’études féministes. Et tout à coup, je me suis dit : « Qu’est-ce que je fais, moi, de la question des femmes, en histoire ? » La réponse était simple : rien du tout, ou très peu. Avec des collègues, nous avons donc lancé, en 1973, un cours qui avait pour titre : « Les femmes ont-elles une histoire ? ». Ce travail a engendré dans son sillage beaucoup de séminaires et de thèses. C’est à ce moment-là que l’histoire des femmes est née – et c’est à ce moment-là que je m’y suis engagée. C’était un travail collectif : j’étais un « je » dans un « nous ».

Comment le monde universitaire a-t-il accueilli ce mouvement ?

Cette histoire portait une odeur de soufre : les universitaires étaient ravis d’en avoir fini avec les travaux militants sur le monde ouvrier, ils craignaient de voir renaître le militantisme dans ce chantier sur les femmes. Nous leur répondions que nous travaillions de manière scientifique et documentée, et surtout, que nous apportions un regard nouveau, non seulement sur les femmes, mais sur l’histoire en général : réintroduire la moitié de l’humanité, ce n’est tout de même pas rien !

Vous inventiez, dans ces années-là, un objet historique nouveau. Comment avez-vous procédé ?

Nous n’avions pas tellement de théories sur les femmes : nous voulions simplement les rendre visibles – « becoming visible », disaient nos collègues américaines. Nous avons d’abord travaillé sur les femmes victimes – les femmes violées, les détenues, les travailleuses en grève. Pour comprendre cette invisibilité des femmes, nous avons ensuite travaillé sur la domination masculine, même si nous employions plutôt, à l’époque, le terme de patriarcat. Les théories sont venues plus tard : dans les années 1985, le concept de genre nous a permis d’analyser, non pas l’histoire des femmes, mais l’histoire des relations entre hommes et femmes.

Nous travaillions, à l’université, dans un contexte enthousiasmant car les années 1970 et 1980 ont vu naître ce que l’on appelait la « nouvelle histoire ». L’économique et le social, qui avaient été notre pain quotidien, sont passés au second plan et les questions concernant l’intimité, le langage, les représentations ou l’espace sont devenues centrales. C’était l’époque du « vertige des foisonnements », selon le mot d’Alain Corbin. C’est à ce moment-là que Georges Duby m’a demandé de diriger le volume de l’Histoire de la vie privée sur le XIXe siècle : ce travail sur les familles, les enfants ou les chambres nous a ouvert des horizons nouveaux.

A l’époque, nous travaillions main dans la main avec d’autres disciplines. En sociologie du travail, de jeunes chercheuses comme Margaret Maruani se sont intéressées aux femmes autour de la revue Travail, genre et sociétés. Nous avions aussi beaucoup d’interrogations communes avec les anthropologues : à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les livres de Françoise Héritier – Masculin/Féminin. La Pensée de la différence (Odile Jacob, 1996), puis Masculin/Féminin. Dissoudre la hiérarchie (Odile Jacob, 2002) – ont nourri notre pensée sur la domination masculine. La recherche littéraire de l’époque s’est, elle aussi, intéressée aux femmes, mais elle a été happée par le courant différentialiste, dont nous nous méfiions beaucoup.

Vous étiez universaliste et vous jugiez le différentialisme « claustral ». Diriez-vous qu’il faut être aveugle à toute différence ?

Avec le temps, j’ai revalorisé l’apport considérable de ce mouvement différentialiste qui a pris à bras-le-corps la question du féminin. Cette réconciliation ne m’empêche cependant pas de penser que l’universalisme est la meilleure voie : au lieu d’enfermer les femmes dans un ghetto, il les invite à participer à un « commun ». Cette conviction universaliste ne m’a pas empêchée de défendre le principe de la parité : en 1992, j’ai rejoint le combat d’Anne Le Gall, Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber car je pensais que seule la contrainte paritaire permettrait d’intégrer les femmes aux institutions politiques françaises.

Dans ces années où vous avez construit, avec d’autres, l’histoire des femmes, la bataille autour de la féminisation de la langue n’était pas très présente. C’est un combat qui paraissait secondaire ?

Lorsque j’étais jeune, j’étais effectivement très peu sensible à ces questions. C’est Benoîte Groult, ma professeure au cours Bossuet – elle ne s’en souvenait pas mais moi, oui ! –, qui m’a, beaucoup plus tard, ouvert les yeux sur l’importance de ce combat. Quand je lui envoyais des invitations pour des colloques, elle me les renvoyait en soulignant en rouge les noms de métiers qui n’étaient pas féminisés ! C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’enjeu linguistique – et que j’ai utilisé le terme « professeure », par exemple… La deuxième femme qui m’a sensibilisée à cette question, c’est Eliane Viennot : dans son livre Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! (Ed. iXe, 2014), elle montre à quel point la langue façonne les relations entre les sexes. Certains historiens de la littérature comme Alain Viala disent que les femmes sont prisonnières de la langue et ils ont raison ! Je ne vais cependant pas jusqu’à défendre l’écriture inclusive : elle me semble difficile à enseigner.

Vous avez apporté à plusieurs reprises votre soutien au mouvement #metoo. En quoi ces femmes qui dénoncent le harcèlement des hommes sont-elles les héritières des mouvements féministes des années 1970 ?

Le mouvement #metoo reprend, à sa manière, la devise du MLF des années 1970 : « Notre corps, nous-mêmes ». A l’époque, ce mot d’ordre s’appliquait avant tout à l’avortement, à la contraception et au viol, mais les militantes de #metoo clament, elles aussi, que leur corps est à elles. Aujourd’hui, le regard se fait de plus en plus subtil : les femmes s’interrogent de plus en plus sur la complexité et l’ambiguïté des relations de séduction et de pouvoir. Elles analysent le jeu des apparences et elles dénoncent les formes de domination raffinée qui sont à l’œuvre, notamment dans le monde du spectacle.

Le mouvement #metoo est d’abord une prise de parole. Pour une historienne qui a travaillé sur le silence et l’invisibilité des femmes au cours de l’histoire, c’est fascinant, non ?


Comme tous les dominés, les femmes, c’est vrai, ont longtemps été silencieuses. Il ne faut pas oublier le grand partage entre les sexes – le rire masculin fait du bruit, les larmes féminines coulent en silence. Une femme bien élevée ne parlait pas, tout juste souriait-elle – « Sois belle et tais-toi », leur disait-on. Même l’histoire les avait oubliées : les premiers historiens, qui étaient des hommes, parlaient du pouvoir, des guerres, des dieux, c’est-à-dire du monde des hommes. #metoo, c’est une façon de sortir de ce murmure des femmes. Et c’est une solidarité : les femmes disent « moi aussi ». Moi, comme toutes les autres.

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