vendredi 20 décembre 2019

Kardia Mobile, l’ECG au bout des (deux) doigts

PAR 
DR ISABELLE CATALA
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PUBLIÉ LE 20/12/2019

« 30 secondes suffisent pour réaliser un électrocardiogramme de qualité médicale ». C’est la promesse d’AliveCor, le fabricant du Kardia Mobile. Couplé à un smartphone, cet accessoire miniature est censé faciliter le dépistage de la fibrillation auriculaire. Pari tenu ?
Kardia Mobile
Léger, d'un faible encombrement (10 cm sur 3 cm), Kardia Mobile est un enregistreur d’électrocardiogrammes miniature fonctionnant en association avec une application sur smartphone. Il lui faut quelques dizaines de secondes pour réaliser un ECG 3 dérivations par un simple contact sur les électrodes de 2 doigts ou 2 doigts et un genou ou une cheville pour les enregistrements 6 dérivations. L’ECG n’importe où, à tout moment, à la portée de tous… mais pour quoi faire ?

AliveCor, le fabriquant, qui revendique plus de 60 millions de tracés déjà enregistrés, destine cet appareil aux professionnels de santé et aux patients potentiels afin de détecter exclusivement des troubles du rythme de type fibrillation auriculaire paroxystique, et donc un risque d’AVC. 
L’idée est simple. Bien souvent, lorsqu’un patient consulte pour palpitations, le tracé ECG réalisé au cabinet ne détecte pas d’anomalie. Kardia Mobile permet d’enregistrer, et de transmettre par le biais d’une application sur smartphone, un tracé ECG au moment même où le patient ressent une anomalie du rythme. Cela rend possible le diagnostic et le traitement de troubles du rythme paroxystique qui, sans cela, seraient passés inaperçus. 
Pour le distributeur en France, cet accessoire pourrait s’avérer utile dans le tri des patients aux urgences du fait de sa rapidité d’utilisation, notamment en cas de suspicion d’AVC. Kardia Mobile n’a pas vocation à  reconnaître les troubles de la conduction (bradycardie), les souffrances myocardiques (infarctus du myocarde), ni d’analyser avec précision l’activité du cœur. 

L’avis du Dr Claire Morgand, généraliste à Paris
« Le risque de voir débouler quantité de patients pour des petites anomalies de tracé »

« Que penser de toutes ces innovations en médecine en termes de dispositifs, de données médicales, de stockage de ces dernières ? Informations et publicités dont nous sommes inondés ? Le dispositif AliveCor, utilisable avec un smartphone, via le téléchargement d’une application dédiée permet de dépister les troubles du rythme. En réalité, il se limite au dépistage de la fibrillation auriculaire (FA). Alors évidemment, on y voit un intérêt certain puisque immédiatement le lien est fait entre FA et risque d’AVC. 

Mais en dehors de la possibilité d'une mauvaise interprétation du tracé ECG par les mouvements de doigts ayant pu parasiter ce dernier et bien qu’il semble que ce petit objet ait une très bonne sensibilité et spécificité (98 % et 97 % respectivement), plusieurs questions se posent sur sa pertinence : ne risque-t-on pas de voir une quantité de patients débouler dans les cabinets médicaux pour des petites anomalies de tracé ? Avec comme conséquence, la prescription (sur-prescription ?) du holter ECG qui est indispensable au diagnostic de FA ? 

Mais surtout, la vraie question est que cet outil sera probablement utilisé par des patients jeunes en bonne santé et à l’aise financièrement si bien que les personnes réellement concernées par la FA (âgée, éloignée de ces outils « geek ») ou socialement vulnérables seront exclues de ce type de dépistage. »

Utile ou futile ?

En absence de validation d’intérêt et de pertinence clinique (allons jusqu’à la notion d’efficience !), la mise à disposition de ce type d’outil semble aujourd’hui plutôt futile qu’utile ! Mais il ouvre une voie de facilitation de la mesure du rythme cardiaque qui pourrait se révéler intéressante. 

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