samedi 16 novembre 2019

Un autre regard sur les soignants en Ehpad

Le réalisateur Bertrand Hagenmüller s’est immergé dans le quotidien de professionnels dans des unités Alzheimer de maisons de retraite.
Par   Publié le 12 novembre 2019
Quand les caméras s’invitent dans les Ehpad, c’est généralement lors d’une situation de crise (épidémie, maltraitance…) ou pour évoquer les difficiles conditions de travail des soignants, leur manque de temps et de moyens. Prendre soin, le dernier film du documentariste et sociologue Bertrand Hagenmüller, coécrit avec le philosophe du travail et psychosociologue Bernard Benattar, s’est donné une autre mission. « Je souhaitais faire un film qui raconte l’histoire de ces soignants, héros ordinaires. Filmer au plus près de leur quotidien pour [se] rendre compte de l’incroyable complexité de leur métier, approcher par la caméra ces corps qui s’apprivoisent, ces visages qui s’appellent », explique M. Hagenmüller dans le dossier de presse.
Pour cela, il s’est mis dans les pas de quatre professionnels (deux aides-soignants, un ergothérapeute et une coordinatrice de projets d’animation) exerçant dans des unités Alzheimer de plusieurs maisons de retraite françaises. A travers leurs échanges avec les résidents et leurs réflexions – que l’on sent bien mûries – sur leur métier, c’est un autre regard sur les Ehpad et sur la fin de vie qui émerge. Ici, les locaux sont pimpants, les soignants prennent le temps de parler, demandent leur avis à ceux et surtout à celles dont ils s’occupent : « Que voulez-vous mettre comme vêtement aujourd’hui ? » Quel que soit le stade de leur maladie, les résidents sont stimulés, bichonnés, avec des massages, des activités physiques, des sorties.

Questions existentielles

Si elle capte de poétiques instants de complicité entre les uns et les autres, par le biais de confidences, de gestes ou même de simples regards, la caméra de Bertrand Hagenmüller n’occulte pas les moments de tension et de souffrance, tout aussi emblématiques du quotidien de ces unités qui accueillent des personnes avec des troubles de mémoire et du comportement. Entre résidents, il peut y avoir des altercations, des coups même, et les conversations sont parfois surréalistes. Les professionnels doivent aussi gérer avec patience les épisodes de rébellion contre l’institution, les intentions de fugue.
« Quelle sale boîte! », s’exclame une résidente élégante et cultivée, qui qualifie l’Ehpad de « bagne ». Une autre s’énerve parce qu’elle veut rentrer un moment à son domicile pour embrasser les siens. « C’est un métier où on vit toujours dans le mensonge… positifIl faut leur dire : “Vous êtes là, c’est votre maison”, mais on ne peut pas leur dire c’est votre dernière demeure », justifie une aide-soignante. Pour ces professionnels comme pour les résidents, les questions existentielles autour de la vie et de sa fin ne sont jamais bien loin. « Je pense que je la force à faire des choses dont elle n’a pas envie comme manger, sortir… alors qu’elle voudrait se laisser mourir. Mais je lui dis “Je ne suis pas prête, j’ai besoin de toi, j’ai besoin de te voir heureuse” », raconte une autre aide-soignante à propos d’une femme. Prendre soin, tellement au-delà du soin ordinaire.
« Prendre soin », de Bertrand Hagenmüller (1 h 20), sortie en salle le 13 novembre.

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