mardi 12 novembre 2019

Aux Etats-Unis, des parents s’allient contre le portable à l’école

Des associations américaines proposent aux parents d’élèves de passer un pacte entre eux pour contrer les demandes incessantes de leurs enfants quant à l’achat d’un smartphone.
Par   Publié le 12 novembre 2019
Une salle de classe à Ellicott City (Maryland) en 2013.
Une salle de classe à Ellicott City (Maryland) en 2013. ROBERT MACPHERSON / AFP
C’est l’argument massue des gamins. « Mais tous les enfants de ma classe en ont un… » ; « Mais je suis la seule de la classe qui n’a pas le droit de… » Peu importe que ce ne soit pas forcément vrai, il parvient souvent à faire vaciller les ­parents – aucun d’entre eux ne souhaite bien sûr que sa progéniture soit marginalisée – et à les convaincre d’équiper leurs enfants en smartphones, tablettes, consoles…
Aux Etats-Unis, une association américaine a eu l’idée de proposer aux parents de s’engager collectivement à ne pas donner de smartphone avant la classe de 4e. Les familles qui signent la ­promesse se chargent d’en contacter d’autres de la classe de leur enfant. Le pacte est activé quand elles sont au moins dix, du même niveau scolaire et de la même école. « Les parents peuvent dire à leurs ­enfants : regardez, on n’est pas les seuls… », explique Adrienne Principe, mère de quatre enfants. Elle a lancé une initiative similaire – Concord Unit – dans le Massachusetts. En CM2, sa fille était la seule enfant sans smartphone.

Les mauvaises pratiques des enfants en matière d’écrans, c’est comme les poux et les gros mots, ça n’arrive que par les enfants des autres.
Dans la classe du fils de Tom Sternal, au nord de New York, la moitié des enfants avaient déjà leur smartphone, en 6e, quand un enseignant a évoqué cette idée de pacte. « Ça a apaisé les tensions entre les familles », se souvient le père. Jusque-là, quand il s’agissait d’aller jouer les uns chez les autres, certaines se méfiaient, cherchaient à savoir ce que les autres parents autorisaient, d’autres se sentaient jugés… Les mauvaises pratiques des enfants en matière d’écrans, c’est comme les poux et les gros mots, ça n’arrive que par les enfants des autres. Voilà la situation clarifiée. Sa famille n’a jamais été particulièrement technophobe. Chez eux, une ferme dans la vallée de l’Hudson, on utilise un iPad, on regarde des films, on écoute des podcasts… Mais il trouve le smartphone bien trop addictif. Sa fille aînée, pourtant dans une école sans écrans, a obtenu le sien à 13 ans. « Du jour au lendemain, elle s’est arrêtée de lire… » Finn, son fils, a déjà inscrit la date de la fin du contrat sur un calendrier.

Peur de l’addiction aux réseaux sociaux

Les enfants d’Anna Rabinowicz, eux, ont poussé dans une ambiance jouets en bois sans télé. Sa fille a 12 ans, son fils deux ans de moins. Leur école, dans la région de San Francisco, est fréquentée par beaucoup de parents qui travaillent dans la tech. « C’est tellement facile d’être accro à son smartphone. Je vois bien que je ne pose jamais le mien… » Elle a eu l’impression de faire un cadeau à son fils en signant le pacte. Et comme d’autres parents, elle aime que la question du smartphone ne soit plus un sujet de débat, au moins pour le moment.
Les familles des douze enfants (sur 80 élèves de CM2) qui ont approuvé l’initiative sont très majoritairement des parents de filles. Peut-être que la peur de l’addiction aux réseaux sociaux par le biais du smartphone est plus forte pour les filles. Designer, Anna Rabinowicz est la première à admettre les utiliser beaucoup dans son travail. Elle n’aimerait pas que ses enfants y soient exposés : « Ça donne l’impression que tout le monde a une vie parfaite… » Contradictoire ? Sa mère était productrice télé et ne lui laissait pas regarder le poste. Rétrospectivement, Anna se dit qu’elle avait raison.

La solution du téléphone à clapet

Mais que faire si les enfants, jamais à court de ruses pour avoir un smartphone, ont recours au deuxième type d’argument fourbe : « Mais papa, maman, si j’ai besoin de vous appeler ? » Les auteurs du pacte Waituntil8th suggèrent alors de leur refourguer effectivement un téléphone, mais un modèle de base, sans Internet ni appareil photo (et moins facile à trouver qu’il n’y paraît). « On peut t’offrir un téléphone à clapet dans lequel on mettra nos numéros et celui de ta grand-mère », avait répondu Anna Rabinowiczà son fils. Allez savoir pourquoi, il n’en a plus eu envie.

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