mardi 15 octobre 2019

Outsider and Vernacular Art (The Victor F. Keen Collection) : des artistes américains peu connus



Couverture du livre, illustrée de Bill Traylor, Voleur de poules, 1939-42, peinture sur carton, 33,7×17,8cm
La collection d’art « outsider » et vernaculaire de Victor Keen, d’ordinaire visible à la Bethany Mission (une ancienne mission Quaker pour l’éducation des Noirs) à Philadelphie, est actuellement montrée (jusqu’au 12 janvier) au Centre d’art Sangre de Cristo à Pueblo (Colorado), la ville natale du collectionneur, et fait l’objet d’un catalogue en anglais de 272 pages, Outsider & Venacular Art. The Victor F. Keen Collection, publié en 2019 par le collectionneur et par l’éditeur munichois Hirmer. N’ayant pas vu l’exposition (et ayant peu de chances d’aller au Colorado dans les trois mois qui viennent), je ne vous parlerai ici que du livre. Après les introductions du directeur du centre d’art et de Victor Keen racontant comment il a bâti cette collection, se trouvent trois essais : celui d’Edward Gomez (de RawVision) décrit le collectionneur et sa passion, celui du critique Lyle Rexer (auteur de The Edge of Vision, un livre essentiel dans mes recherches) analyse en détail les travaux de quelques-uns des artistes (dont le méthodique Ken Grimes rendant compte de ses contacts avec des extraterrestres : « le travail le plus programmatique de la collection, et le design le plus dramatique », écrit-il), et celui du galeriste Frank Maresca (qui a accompagné Victor Keen dans ses achats – une demi-douzaine des notices sur les artistes proviennent d’ailleurs du site de sa galerie) revient sur l’éternel sujet de la définition de l’art outsider, brut, naïf, populaire, autodidacte, un débat sans fin.
Thornton Dial, ST, vers 1995, charbon, graphite et pastel sur papier, 112,4×76,8cm
Sur les 41 artistes présentés (chacun avec une notice biographique et entre 1 et 16 reproductions), 32 sont Nord-américains, 6 Autrichiens (de Gugging), un Suisse (Wölfli), un Argentin vivant en Espagne (Marcos Bontempo et ses créatures fantasmagoriques, plus bas) et un Nigérian, Prince Twins Seven-Seven (dont deux compositions mythologiques furent montrées aux Magiciens de la Terre, j’avoue ne pas m’en souvenir). Parmi les Nord-Américains, on trouve beaucoup d’Afro-descendants comme Sam DoyleMinnie EvansClementine HunterElijah Pierce, l’étonnant Bill Traylor (en couverture du livre, ci-dessus) et bien d’autres. Le seul photographe inclus est Eugene von Bruenchenhein et c’est ausi le seul, avec Thornton Dial, qui, dans cet ensemble assez puritain, fasse preuve d’un certain érotisme : une parcimonie tout de même étonnante dans cet univers. De Lee Godie, il n’y a que des dessins et aquarelles, pas de photographies.
Hawkins Bolden, Epouvantail (disque jaune avec oreilles et langue bleues), 1980-84, assemblage d’objets trouvés, 27,9×27,9×5,1cm
Si Wölfli, les artistes autrichiens et certains américains sont déjà bien connus en Europe, présents dans les collections de Lausanne, de Montreuil, de Villeneuve d’Ascq ou de Sao Joao da Madeira (par ex. George Widener ou Edward Deeds), et certains dans des galeries comme Christian Berst (James CastleMartin RamirezWilliam Hawkins),  d’autres le sont beaucoup moins, et ce livre est une excellente occasion de les découvrir. Je vais seulement en présenter quelques-uns, parmi les moins connus ici. Hawkins Bolden (1914-2005), souffrant d’épilepsie, construisait, à partir de matériaux trouvés, des épouvantails qui deviennent des sculptures anthropomorphes effrayantes et fantastiques, évoquant parfois Rauschenberg.

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