vendredi 13 septembre 2019

Pratiques avancées : des infirmières redoutent que les généralistes ne jouent pas le jeu

PAR ANNE BAYLE-INIGUEZ 
PUBLIÉ LE 13/09/2019




Crédit photo : S. Toubon

« L'infirmière en pratique avancée (IPA) donne l'impression à certains médecins libéraux que nous allons marcher sur leurs plates-bandes. Mais pour que l'IPA puisse vivre de son travail, les généralistes doivent jouer le jeu et lui donner quelques patients. Et ça, nous n'en avons aucune certitude. »

Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) s'est montré pessimiste à l'issue des négociations conventionnelles sur les conditions d'intervention et sur la rémunération des infirmières en pratique avancée en ville. En cette rentrée, la première promotion d'IPA (deux ans d'études au niveau master) comprend 70 paramédicaux dont 20 se destinent à une carrière libérale.
Mais comment rémunérer en ville ce nouveau métier ? C'était l'objet des discussions entamées en juin et closes fin août entre les syndicats représentatifs des infirmiers libéraux (FNI, SNIIL, Convergence infirmière) et l'assurance-maladie (CNAM).
Forte implication des médecins
L'IPA peut intervenir dans trois domaines : les pathologies chroniques stabilisées (diabète, Alzheimer), l'oncologie et la néphrologie (transplantation rénale). La santé mentale vient d'être ajoutée à leur champ d'exercice. La médecine d'urgence pourrait, selon le souhait d'Agnès Buzyn, être la prochaine spécialisation.
Censée apporter une solution à la pénurie médicale et revaloriser le métier d'infirmière, l'IPA couvre trois champs d'activité : l'orientation, l'éducation, la prévention et le dépistage ; la coordination des parcours ville-hôpital ; l'évaluation et les conclusions cliniques.
Elle peut prescrire des produits de santé non soumis à prescription médicale, des prescriptions d’examens complémentaires, des renouvellements ou des adaptations de prescriptions médicales. En ville, l'IPA libérale travaille au sein d’une équipe de soins primaires (maison, centre de santé), dans un centre médical du service de santé des armées et en assistance d’un médecin spécialiste.
La CNAM a envoyé en début de semaine le projet d'avenant conventionnel définitif aux syndicats de paramédicaux. Souci : le mode de rémunération choisi suppose, en creux, une forte implication des médecins libéraux, ce qui fait craindre le pire au SNIIL.
Dans le détail, la Sécu propose deux forfaits : un forfait de pratique avancée de 160 euros en moyenne par patient (le montant varie selon la pathologie du patient) pour quatre séances de suivi par an ; un forfait structure de 890 euros par an majoré de 720 euros pour les installations en zone médicale sous-dotée. À cette base s'ajoute une aide à l'installation de 27 000 euros sur deux ans pour aider les IPA à s'installer en libéral exclusif. Cette aide est conditionnée à la prise en charge de 50 patients suivis la première année puis 150 la seconde. 
385 patients par an
Pour que l'exercice libéral soit viable, le SNIIL juge que chaque IPA libérale devra avoir une file active de 385 patients par an. « Nos discussions avec les syndicats de médecins nous indiquent que chaque généraliste serait prêt à céder une dizaine de patients aux IPA. Cela réclame donc de travailler avec une trentaine de praticiens, ce qui fait beaucoup. Et n'oublions pas qu'un médecin qui confie un patient à une IPA se prive d'une rentrée d'argent », analyse la présidente du SNIIL Catherine Kirnidis. 
Autre point qui plonge le SNIIL dans le doute : la création des assistants médicaux, nouveau métier qui pourrait faire concurrence aux IPA. « Les deux métiers ont été créés pour dégager du temps médical aux médecins, rappelle Catherine Kirnidis. Entre l'assistant médical dont ils ont négocié les contours et l'IPA qui constitue un manque à gagner pour eux, qui choisiront-ils ? Feront-ils appel aux deux ? Le succès du métier d'IPA libérale dépend tellement des médecins qu'on ne peut préjuger de rien ! »
Malgré ces réticences, le SNIIL, très favorable aux pratiques avancées, signera l'avenant conventionnel. Aucune date officielle n'a pour l'instant été fixée.

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