lundi 16 septembre 2019

Diagnostic des anomalies du nombre de chromosomes : « Ne restons pas sourds à la douleur des couples »

Des professionnels de la reproduction et des patients plaident, dans une tribune au « Monde », pour inscrire dans la future loi de bioéthique la possibilité d’un diagnostic préimplantatoire des anomalies du nombre de chromosomes dans un contexte de fausse couches à répétition ou d’échecs répétés de fécondation in vitro.

Publié le 13 septembre 2019

LOIC VENANCE / AFP
Tribune. Le 9 septembre 2019, dans la soirée, Mesdames les ministres Agnès Buzyn, Frédérique Vidal et Nicole Belloubet ont été auditionnées par la commission spéciale Bioéthique. Parmi les différents points abordés par les députés, il a été demandé que le DPI-A ou diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (anomalies du nombre de chromosomes) soit inscrit dans la loi afin de permettre aux couples ayant des fausses couches, ou pertes fœtales, à répétition de pouvoir en bénéficier. Cette demande fait suite à celle de très nombreux patients et professionnels de la santé.

Les réponses apportées par Mesdames Buzyn et Vidal ont été surprenantes voire déconcertantes.
  • Le premier point est sémantique. Il ne s’agit pas d’un dépistage mais d’un diagnostic.
  • Le deuxième point est médical. Affirmer qu’il n’existe pas de preuves suffisantes pour dire que les aneuploïdies entraînent des pertes fœtales montre une ignorance des données. Il a été montré que les aneuploïdies représentaient 50 à 60 % des fausses couches précoces. De plus, à l’inverse de ce qui a été dit, ce diagnostic sera proposé uniquement à des patientes ayant eu des pertes fœtales à répétition ou des échecs répétés de fécondation in vitro, absolument pas pour les femmes de moins de 35 ans, exemple donné par la ministre lors de cette audition. Le DPI-A doit être proposé aux couples pour indication médicale.
  • S’il sera possible de faire le diagnostic d’aneuploïdies viables comme la trisomie 21 ou les aneuploïdies des chromosomes sexuels, le DPI-A permettra surtout d’éviter le développement de grossesses aboutissant à des pertes fœtales ou à la naissance d’enfants poly-handicapés avec une espérance de vie inférieure à un an comme dans le cas des trisomies 13 et 18. Pour les aneuploïdies des chromosomes sexuels, l’absence d’étude des gonosomes (chromosomes X et Y) ne permettra pas de réaliser leur diagnostic, mais surtout cela empêchera de pouvoir étudier le sexe des embryons. Un cas particulier est celui du chromosome 21. Le diagnostic prénatal est aujourd’hui proposé pour toute grossesse et donne la possibilité aux parents de continuer ou non celle-ci, à la suite du diagnostic de l’anomalie. Pourquoi ne pas donner l’opportunité aux couples, qui doivent recourir à la PMA pour une raison médicale, de choisir avant la grossesse ? Pourquoi leur infliger une interruption de la grossesse là où un diagnostic sur embryons peut être fait, alors même que le couple est déjà dans une situation de souffrance en rapport avec l’infécondité ?
  • Il a été évoqué le fait que nous pourrions rechercher d’autres anomalies génétiques comme des mutations dans des gènes et que ceci pourrait être à l’origine d’une dérive potentielle, et que nous devenions des praticiens eugénistes. Cette suspicion nous indigne. Le DPI a été autorisé dans notre pays en 1994 et appliqué en 1999, aucune dérive de pratique ne s’est jamais produite en vingt ans. Il y a ici une confusion entre le DPI-A qui ne concerne que des couples infertiles présentant une indication médicale pour y recourir (des pertes fœtales à répétition et échecs répétés de FIV), et qui ne recherche que le nombre de chromosomes, et un dépistage pré-conceptionnel qui pourrait être proposé à tous les couples, avant la première grossesse, afin de savoir s’ils sont porteurs d’une mutation entraînant la naissance d’un enfant atteint d’une maladie génétique grave.
Cet argumentaire semble montrer une méconnaissance de la réalité scientifique et médicale de la situation :
  • Oui, les aneuploïdies conduisent à des pertes fœtales.
  • Oui, il peut être réalisé un DPI-A sans étudier les chromosomes X et Y.
  • Oui, il s’agit d’une iniquité pour les couples n’ayant pas les moyens d’aller à l’étranger pour réaliser ce diagnostic.
  • Non, l’analyse de mutations ou « screening des gènes » ne fait en aucun cas l’objet du DPI-A.
  • Oui, ce diagnostic doit être réservé à des indications médicales et ne doit pas être réalisé ni de façon systématique en fécondation in vitro ni pour des couples fertiles.
  • Oui, il doit y avoir un encadrement de cette technique pour éviter toutes dérives potentielles.
Les signataires : La Société de médecine de la reproduction (SMR : https://s-m-r.org), L’Association des cytogénéticiens de la langue française (ACLF : http://www.eaclf.org), La Société française de gynécologie (SFG : https://www.sf-gynecologie.fr), Le Groupe d’étude de la fécondation in vitro en France (GEFF : http://www.geffprocreation.com), La Fédération des biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO : http://www.blefco.eu), Le collectif Association de patients de l’AMP et de personnes infertiles (BAMP : https://bamp.fr)

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