lundi 19 août 2019

Dr Jean-Louis Boujenah, le cinéma au service de la prévention

19.08.2019


  • Dr Jean-Louis Boujenah
Picasa

Bon sang ne saurait mentir ! Si le Dr Jean-Louis Boujenah a décidé très tôt d’être médecin, et ne regrette rien, il n’aura pas échappé totalement au virus familial du 7ème art, mettant pendant plusieurs années le cinéma au service de la prévention.        ,
Né au tournant des années cinquante en Tunisie, d’un père médecin et communiste, il est sensibilisé dès son enfance aux souffrances des plus fragiles et voit dans la médecine un bon moyen d’agir. Lors de son arrivée en France à l’adolescence, la découverte d’Albert Schweitzer « partant au bout du monde pour soigner les plus démunis » achève de le convaincre. Malgré un bac "philo", il rejoint donc le moment venu les bancs de la faculté de médecine des Saint-Père à Paris.

De l'humanitaire à la vidéo
Une fois son diplôme en poche, il reste fidèle à ses aspirations et s’oriente d’emblée vers la médecine humanitaire. Mais le destin en décide autrement : alors qu’il s’apprête à partir pour le Mexique, son tout jeune fils tombe malade, avec une suspicion de déficit en G6PD. Cette perspective -qui ne sera finalement pas confirmée- le pousse à rester en France. Avec un de ses amis carabins, le Dr Martin Buisson, il reprend le cabinet paternel et s’installe comme généraliste à Bagneux, une banlieue populaire au sud de Paris.
Et qu’importe, puisqu’il n’a pas pu partir, c’est en France qu’il se tourne vers les plus vulnérables. Au sein de Médecin du Monde, il va participer à la"Mission France", dédiée plus spécialement aux problématiques du quart-monde. À ce titre, il va très vite s’intéresser à la réduction des risques en population toxicomane puis à la prévention du VIH alors que le virus commence à faire des ravages.
Pour sensibiliser les plus jeunes, il n’hésite pas à solliciter son frère Michel qui donnera la réplique au Pr Montagnier dans un petit film réalisé avec Médecin du Monde et baptisé « Attention sida ».
Effervescence créatrice
À partir de là les projets cinématographiques de sensibilisation s’enchaînent. Avec le Dr Michel Guilbert, autre ami de la faculté venu le rejoindre au cabinet de Bagneux, ils imaginent plusieurs vidéos de prévention puis montent "Filmédoc" une maison de production dédiée. Sorti en 1991, avec le concours de Médecin du monde et du Crips « la Lézarde » sera leur premier vrai court-métrage. À travers l’exemple du jeune Franck, le film dénonce l’exclusion dont sont alors victimes les séropositifs. Deux ans plus tard, le duo récidive à grande échelle en participant à l’opération « 3 000 scénarios contre un virus », qui propose aux lycéens qui le souhaitent d’écrire leur propre script autour du VIH. Sur presque 4 000 propositions reçues, ils retiendront les 30 meilleures copies pour en faire autant de films avec l’aide notamment de réalisateurs comme Cédric Klapisch, Richard Berry, etc. Canal + France 2, TF1, etc.. seront aussi de la partie. « Au total nous avons fait travailler près de 450 professionnels du monde du cinéma », se souvient Jean-Louis Boujenah avec une pointe de fierté. 
Jusqu’au début des années 2000, les deux complices participeront également à la série de France 3 « Dr Sylvestre », en tant que conseillers médicaux. « Nous avons aussi écrit des livres et même édité un jeu vidéo sur la psychanalyse…
Au-delà de cette effervescence créatrice le Dr Boujenah s’investit tira beaucoup auprès des sortants de prison en occupant pendant près de 15 ans l’un des deux postes nationaux créés spécifiquement à cet effet sous François Mitterrand.
La prise en charge de l’hépatite C sera un autre engagement fort avec la création de l’Angrehc (association nationale des généralistes pour la réflexion et l’étude de l’hépatite C) puis un poste d’attaché en infectiologie à l’Hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière.
Enfin, le Dr Boujenah comptera parmi les premiers maîtres de stage et enseignants de médecine générale de la faculté de Broussais Hôtel-Dieu, à une époque « où tout était encore à créer…
Autant de projets qu’il aura toujours menés de front avec son activité de généraliste, incapable d’imaginer abandonner la clinique et encore moins ses patients de Bagneux. « Ici les relations avec les gens sont vraies, et je me sens chez moi », apprécie-t-il. 
À presque 70 ans, il reconnaît toutefois avoir levé le pied et devrait même arrêter définitivement d’exercer à la fin de l’année. « J’aurai volontiers continué si je ne passais pas désormais presque un tiers de mon temps à faire de la paperasserie », regrette-il. L'administratif aura eu raison de son envie !
Bénédicte Gatin

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