jeudi 11 juillet 2019

Michèle Lenoir-Salfati: « L'Agence nationale du DPC doit rester une maison pour les professionnels de santé »

Amandine Le Blanc
| 10.07.2019


  • Michèle Lenoir-Salfati
Amandine Le Blanc

Début juillet, la Cour des comptes a rendu public un référé relatif à son contrôle de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC). Le rapport conclusif fait état de nombreux dysfonctionnements et formule plusieurs recommandations. Après la publication de la réponse écrite d’Agnès Buzyn, la directrice générale de l’ANDPC, Michèle Lenoir-Salfati décrypte à son tour pour le Généraliste ce rapport et les mesures d’ajustement en cours et à venir.
Vous avez reçu le rapport définitif de la Cour des comptes au mois de mai, quelle a été votre réaction face à ces conclusions qui font état de « nombreux dysfonctionnements » ?
Michèle Lenoir-Salfati : Il est important de souligner la période de ce contrôle. Il a eu lieu sur 2012-2017, donc majoritairement sur un temps où l’ANDPC n’existait pas, c’était l’OGDPC. En 2017 l’Agence démarrait son travail de restructuration. Depuis, un certain nombre de recommandations faites par la Cour des comptes sont très largement en cours et d’autres points sont en projet. Ce rapport est intéressant car il montre encore le chemin à parcourir. Il faut le prendre comme la suite de notre feuille de route.

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Nous allons replacer les CNP et le ministère en donneur d'ordre vis-à-vis des organismes.image
Le rapport critique l’abondance d’orientations prioritaires, vont-elles être resserrées sur la nouvelle période qui va s’ouvrir ?
MLS : Les nouvelles orientations vont être publiées de façon imminente. Nous y avons travaillé dès septembre 2018, avec l’État et l’Assurance maladie de septembre à décembre, puis avec les CNP (conseils nationaux professionnels) jusqu’au mois d’avril. L’arrêté divise par deux les orientations prioritaires, nous passons de 466 à 240. Autre nouveauté, un mini cahier des charges sera associé à chaque orientation avec une fiche de cadrage qui définit le contexte, les enjeux de transformation et les éléments attendus de programme. L’annexe 1 concerne spécifiquement l’accompagnement de transformation du système de santé. Nous allons donc cadrer l’attendu et replacer les CNP et le ministère en donneur d’ordre vis-à-vis des organismes.
Allez-vous également davantage lancer des appels à projets comme le suggère la Cour ?
MLS : Nous lançons vendredi celui sur l’interprofessionnalité à la demande de la ministre. Nous avons aussi en cours un travail avec les responsables du plan maladies neurodégénératives et le Collège de la Médecine Générale pour un appel sur le repérage précoce et le bon adressage par les généralistes des signes de la maladie d’Alzheimer. Le bon usage du médicament, l’antibiorésistance sont également des sujets qui, dans les mois à venir, devraient nous permettre d’aller au-delà sur les appels d’offres. 
Les sages soulignent des contrôles « lacunaires », faut-il une montée en charge des moyens mis en œuvre à ce niveau-là ?
MLS : Sur les contrôles, nous sommes partis de rien. Les textes ne permettaient pas à l’OGDPC d'en faire. L'ANDPC les a mis en place sur différents niveaux. Malgré tout il faut encore aller plus loin. Aujourd’hui par exemple, les organismes sont enregistrés sans limite de temps, il serait important de fixer un délai au-delà duquel les cartes seraient rebattues. De même, presque la moitié des ODPC inscrits chez nous ne dépose aucune action. Nous pourrions proposer des ajustements réglementaires afin que ceux qui ne déposent pas d’action pendant un ou deux ans perdent leur enregistrement. Pour le contrôle administratif, nous allons recruter un pool de professionnels de santé pour nous aider à aller plus vite sur les délais. De leurs côtés, les CSI doivent pouvoir vérifier davantage d’actions, la création de sous-commissions a déjà permis de désengorger la CSI interpro. Nous réfléchissons également à pouvoir leur faire évaluer des familles d’actions. Enfin, les effectifs de l’agence vont aussi être renforcés afin de travailler spécifiquement sur la fraude pratiquée par certains organismes.
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Les sections professionnelles ont pris des mesures de régulation forte des forfaits, année après année.image
Sur le financement, la Cour juge les forfaits trop élevés, faut-il les baisser ?
MLS : Encore une fois il faut regarder la période d'intervention de la Cour des comptes. Effectivement quand je suis arrivée à l’agence, j’ai trouvé les forfaits très élevés, mais cela dépend des professions. C’était vrai surtout pour les médecins. Aujourd’hui pour un médecin, pour une heure, l’ODPC reçoit 95 euros, mais pour une sage-femme c’est 23 euros. Les sections professionnelles ont effectué un travail très responsable depuis 2016, puisqu’elles ont pris des mesures de régulation assez fortes des forfaits, année après année. En 2019, par rapport aux forfaits de 2018 nous avons déjà fait 8,9 millions d’économie. Cela dit, nous allons lancer une étude de coût avec l’université de Bourgogne, qui va évaluer les coûts réellement supportés par les ODPC en fonction des typologies d’actions et des méthodes utilisées. Les résultats attendus au premier trimestre 2020 doivent nous permettre de savoir, sur des bases objectives, si l’on surpaie. Si des surcoûts sont constatés nous serons prêts à baisser les forfaits, mais il est possible aussi que par rapport à certaines innovations pédagogiques nous ne payons pas assez.
Nous arrivons à la fin de la première obligation triennale, mais en l’absence de sanction cette obligation a-t-elle un sens ?
MLS : J’ai l’impression que plutôt que de parler de sanction, d’autres réponses peuvent être données. L’une d’elle viendra de la façon dont le DPC va participer à l’obligation de certification périodique. Nous pouvons aussi réfléchir à la valorisation de ceux qui ont fait leur DPC. Dans le rapport IGAS, la valorisation par la ROSP était évoquée par exemple. Il y a aussi des mécanismes qui peuvent être intéressants et incitatifs comme la diffusion publique avec derrière l’idée de rendre compte à la société de la responsabilité des professionnels par rapport au maintien de leurs compétences. De leurs côtés, les Ordres, pourraient aussi, pour tous les professionnels qui n’ont pas réalisé leur DPC, les obliger à en faire avec un plan personnalisé.
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Je ne me sens absolument pas l'otage des professionnels de santé.image
Au niveau de la gouvernance, la Cour des comptes estime qu’il y a une trop forte présence des professionnels de santé. Partagez-vous ce point de vue ?
MLS : Je suis en désaccord avec cela. À titre personnel, je ne crois pas à des mesures qui arrivent d’en haut et non concertées. Il n’y a jamais trop de dialogue social. Les sections professionnelles comme les CSI ont montré qu’elles travaillaient en responsabilité avec nous, justement parce que nous avons su engager le dialogue. Il nous manque certainement un vrai conseil scientifique, et dans l’avenir les CNP devront être davantage intégrées chez nous. Mais je crois que l’Agence doit rester une maison pour les professionnels et je ne me sens pas du tout leur otage.

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