lundi 15 juillet 2019

Le point de vue du Dr Anne-Hélène Moncany La gravité potentielle des actes hétéro-agressifs imposent une attention particulière



24.06.2019

  • Moncany

    La gravité potentielle des actes hétéro-agressifs imposent une attention particulière

Crédit Photo : DR
Cette psychiatre qui intervient en milieu pénitentiaire estime que l’évaluation systématique devrait permettre de repérer les patients plus à risque et d’adapter la prise en charge.

Peut-on mieux prendre en charge les malades dangereux ? Est-il possible de prévenir les passages à l’acte ? Les médecins et notamment les psychiatres ont-ils les moyens de prévenir de tels drames ?

À la question de la prise en charge des malades dangereux, il convient tout d’abord de préciser la terminologie et d’éclairer la problématique de quelques chiffres éloquents. En effet, la Haute Autorité de Santé (HAS) précisait en préambule de son rapport d’audition sur la dangerosité en 2011 que les personnes souffrant de troubles mentaux sont majoritairement plus vulnérables que dangereuses, 7 à 17 fois plus victimes de violences que la population générale. Précisons encore que le fait de commettre un acte violent ne saurait signer le diagnostic de trouble mental et que 95 à 97 % des actes violents sont commis par des personnes indemnes de troubles mentaux.
Ceci étant posé, même s'il s’agit d’un phénomène relativement rare, la gravité potentielle des passages à l’acte hétéro-agressifs des patients et leurs conséquences imposent aux professionnels de la psychiatrie une attention particulière à l’évaluation de ce risque, dans le souci de protéger à la fois le patient, la société et les professionnels.
Ainsi, de la même manière que l’évaluation du risque auto-agressif est désormais parfaitement intégrée à la pratique courante en psychiatrie, l’évaluation systématique du risque hétéro-agressif devrait permettre de repérer les patients plus à risque et d’adapter la prise en charge en conséquence.
Responsabilité pénale à définir
Lorsqu’un passage à l’acte violent a malheureusement déjà eu lieu, la prise en charge en France est déterminée par l’évaluation de la responsabilité pénale de l’auteur. En effet, si le juge considère qu’il existait une abolition du discernement en lien avec un trouble psychique ou neuropsychique au moment des faits (article 122-1 du code pénal), la personne n’est pas condamnée et intègre le dispositif de soins psychiatriques classiques : unités d’hospitalisation, hôpitaux de jour, centres médico-psychologiques, éventuellement Unités de Soins Intensifs de Psychiatrie (USIP) ou Unités pour Malades Difficiles (UMD) si l’état clinique le justifie.
Si en revanche la personne est condamnée, c’est-à-dire s’il est établi qu’elle était responsable de ses actes au moment des faits, elle doit exécuter la peine prononcée, même si elle présente des troubles psychiatriques. Le dispositif de soins psychiatriques en prison s’est considérablement étoffé ces dernières décennies en France, reposant sur trois niveaux de soins : consultations ambulatoires, hôpital de jour et hospitalisation complète en UHSA(qui sont des structures hospitalières implantées dans les hôpitaux psychiatriques, sécurisées par une enceinte pénitentiaire). Notons que l’hospitalisation des personnes détenues dans les unités psychiatriques classiques, USIP ou UMD est toujours possible si l’état clinique le justifie, en vertu de l’article D398 du code pénal.
Parallèlement à ces prises en charge en milieu carcéral se sont développées en milieu ouvert des mesures de soins pénalement ordonnés, qui prennent effet en dehors de la prison pour des personnes jugées responsables de leurs actes mais pouvant bénéficier de soins psychiques, dans le but notamment de diminuer la récidive.
Facteurs de risque, facteurs protecteurs... 
Lors de la prise en charge de ces patients qui présentent des antécédents de violence, les professionnels doivent être particulièrement attentifs à l’évaluation régulière du risque hétéro agressif. Il existe pour cela des outils standardisés qui peuvent aider à l’évaluation (nécessitant d’être formés à leur utilisation), mais une bonne connaissance des facteurs de risque hétéro-agressifs statiques et dynamiques permet déjà une évaluation en pratique clinique courante. De façon au moins aussi importante, il est fondamental de s’intéresser aux facteurs protecteurs, en particulier dynamiques, sur lesquels on peut agir pour diminuer le risque de violence, tels que l’alliance thérapeutique, l’implication de l’entourage, la réactivité des structures de soins, l’intégration professionnelle et sociale.
Cette évaluation, si elle est rigoureuse, régulière, tracée dans le dossier médical et associée à une prise en charge adaptée permet aux professionnels de travailler sereinement, notamment par rapport au risque médico-légal. Il est également important de bien connaître les règles régissant le secret professionnel et les circuits de signalement des personnes en danger ou des personnes dangereuses possédant une arme (article 226-14 du Code Pénal). Dans cette optique, le développement de la formation en psychiatrie légale est absolument nécessaire.
En conclusion, le respect de l’obligation de moyens des professionnels, du cadre juridique et des recommandations de bonnes pratiques, la bonne connaissance des dispositifs de soins et des facteurs de protection doit permettre aux professionnels de travailler en sérénité et de prévenir au maximum les passages à l’acte hétéro-agressifs, tout en restant lucides sur les limites de l’état actuel des connaissances en termes de prédictivité des comportements violents à l’échelle d’un individu.
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Dr Anne-Hélene Moncany, psychiatre, UHSA Toulouse

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