jeudi 11 juillet 2019

Et si le stress maternel durant la grossesse altérait la fécondité des garçons ?

Publié le 26/06/2019



L’infertilité touche environ 15 % des couples qui souhaitent concevoir. Pour près de la moitié d’entre eux, un facteur masculin est impliqué. L’infertilité masculine peut être d’origine génétique ou être due à une altération directe de la spermatogénèse, mais sa cause reste souvent inconnue.

De nombreux arguments orientent vers des facteurs environnementaux, qui pour certains, pourraient intervenir très précocement, dès la vie intra-utérine, entre 8 et 14 semaines. Différentes substances possédant une activité anti-androgénique peuvent perturber le développement reproductif prénatal masculin. On a aussi montré que le stress maternel pouvait agir sur les conditions du développement hormonal prénatal.

De nombreuses études chez l’animal ont montré que le stress des femelles gestantes agissait sur la fonction reproductive des descendants mâles, retardant leur puberté, diminuant leur activité sexuelle et leur fertilité. Mais les études chez l’homme concernant les liens pouvant exister entre le stress maternel et la fécondité des descendants mâles sont très peu nombreuses.

The Raine Study, étude  prospective longitudinale d’une cohorte de 3 000 femmes recrutées de mai 1989 à novembre 1991, en Australie, avait comme objectif d’évaluer les conséquences des évènements stressants survenus en cours de grossesse sur la santé et le comportement des enfants. Parmi les 1 454 garçons nés dans la cohorte, 643 ont participé à une évaluation de leur fonction reproductrice à l’âge de 20 ans, et ont été inclus dans la présente étude.

Chez les mères, les évènements stressants survenus au cours de la grossesse ont été recueillis à 18 SA et à 34 SA, afin de bien distinguer ceux qui sont intervenus précocement, pendant la période critique de la différenciation et du développement des organes reproductifs, de ceux survenus plus tard. Les évènements stressants retenus sont le deuil d’un proche, une séparation ou un divorce, un problème conjugal, un problème concernant les enfants, la perte du travail, des difficultés financières, un déménagement, et des craintes concernant la grossesse en cours.

Chez les garçons, la fécondité est évaluée par un examen clinique avec une échographie pour mesurer le volume testiculaire, un spermogramme, une étude de la fragmentation de l’ADN spermatique, et les dosages plasmatiques de la testostérone, de l’Inhibine B, de la FSH et de la LH.

Seuls les évènements stressants du début de la grossesse sont impliqués

Quatre cent-sept (63 %) des 643 hommes ont été exposés in utero à au moins un événement stressant en début de grossesse et 87 (13,5 %) ont été exposés à ≥ 2  évènements. Les craintes concernant la grossesse sont l’évènement stressant le plus souvent rapporté (26 %) en début de grossesse ; 343 (53 %) hommes ont été exposés à un événement stressant plus tardivement pendant la grossesse.

Il existe une association négative significative entre le nombre d’évènements stressants en début de grossesse d’une part et la numération totale et la mobilité progressive des spermatozoïdes, ainsi qu’avec le taux de testostérone d’autre part. Ces associations négatives significatives persistent après ajustement.

Chez les hommes exposés in utero à  ≥ 3 évènements stressants en début de grossesse, la numération moyenne est de 84 millions, la mobilité moyenne de 48,4 %, et le taux moyen de testostérone est de 14 nmol/L, respectivement plus faibles de 36 %, 12 % et 11 % que ceux des hommes non exposés.

Aucune association similaire n’est retrouvée en cas d’événement stressant survenu plus tardivement pendant la grossesse.

Bien qu’il soit difficile de « mesurer » l’impact d’évènements stressants chez les femmes enceintes, un même événement pouvant être vécu différemment selon l’expérience et la perception du stress de chacune, l’étude, qui a différencié deux périodes très distinctes de la grossesse, suggère que l’exposition à un ou plusieurs événements stressants en début de grossesse altère la fécondité de la descendance masculine. Améliorer la prise en charge de ces femmes pourrait améliorer l’avenir reproductif de leurs garçons.

Dr Catherine Vicariot
RÉFÉRENCE
Bräuner EV et coll. : The association between in-utero exposure to stressful life events during pregnancy and male reproductive function in a cohort of 20-year-old offspring : The Raine Study. Hum Reprod., 2019 ; publication avancée en ligne le 30 mai doi: 10.1093/humrep/dez070

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