vendredi 12 juillet 2019

Après le décès de Vincent Lambert, les directives anticipées en question

Coline Garré
| 12.07.2019



  • directives
Crédit Photo : PHANIE
L'existence de directives anticipées de Vincent Lambert aurait-elle changé le cours de l'histoire ? Difficile à dire. Néanmoins, la médiatisation du sort de l'ancien infirmier psychiatrique, victime d'un accident de la route en 2008, a été l'occasion pour de nombreuses voix, dont celle d'Agnès Buzyn ou d'Alain Claeys, coauteur avec Jean Leonetti de la loi éponyme, d'appeler les Français à rédiger leurs directives anticipées (DA) et à désigner leur personne de confiance. Mais l'exercice ne va pas de soi, et un temps d'échange avec le médecin peut se révéler précieux pour les rendre pertinentes.
« Les patients ne sont pas toujours familiers avec les termes médicaux et ils peuvent cocher des cases sans se rendre compte de ce que cela implique », dit le Dr Olivier Mermet, généraliste, nouveau président de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).

Les DA permettent de se prononcer par avance sur ce qu'on souhaiterait en termes de décisions médicales, dans des situations où l'on ne serait plus en mesure de prononcer, (accident, maladie grave, fin de vie…). Elles ont été instituées comme un droit dans la loi Leonetti de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ; la loi Leonetti-Claeys de 2016 a rendu leur portée plus contraignante. L'article 8 dit qu'elles s'imposent au médecin sauf en cas d'urgence vitale (le temps d'évaluer complètement la situation) et lorsqu'elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
Elles sont valables indéfiniment, et révocables à tout moment. Leur lieu de conservation doit être facilement accessible, connu de la personne de confiance, des proches, du médecin. Depuis mai, elles peuvent être insérées dans le dossier médical partagé (DMP) – comme le prévoyait le décret d'août 2016.
Du temps, de la pédagogie, du dialogue
Les DA doivent prendre la forme d'un document écrit, daté et signé, avec date et lieu de naissance de l'auteur. Elles peuvent être rédigées sur papier libre ; le ministère de la Santé propose deux modèles, selon que l'on est bien portant, ou déjà malade ou en fin de vie.
« Lorsqu'on est bien portant, l'exercice est abstrait. Le risque est de n'exprimer qu'une opposition à l'obstination déraisonnable – ce qui est déjà dans la loi. Plus on est précis, mieux c'est ; déjà dire qu'on fait confiance à l'équipe médicale peut être utile », explique le Dr Mermet.
S'atteler à la rédaction des DA lorsque la maladie est déjà présente peut être émotionnellement éprouvant pour les patients, constate le Dr Mermet. Néanmoins, « la plupart sont soulagés de savoir quelle sera sa prise en charge », poursuit-il. Pour le médecin (qui peut se référer aux guides de la Haute Autorité de santé), c'est aussi le temps d'un autre dialogue : « Cela peut par exemple permettre d'évoquer une approche palliative dans un cancer, après une première séquence curative et combative, ou d'avancer avec tact dans l'explication d'un pronostic », illustre le Dr Mermet.
Nommer une personne de confiance nécessite souvent aussi des explications. « Elle n'est pas la personne à prévenir en cas d'urgence : la personne de confiance doit être informée de son statut et en capacité d'assumer une telle mission », précise le Dr Mermet, ajoutant qu'un patient peut confier ce rôle à son médecin.
Dans tous les cas, ces discussions prennent du temps. « Cela ne se fait pas en une seule consultation. L'on peut proposer de se revoir pour affiner une première version », explique le Dr Mermet, qui au nom de la SFAP, demande une valorisation de cette aide à la rédaction des DA.
Un droit, pas une obligation 
Enfin, ces dispositifs restent des droits. « Il ne faut pas que cela devienne une obligation ou une formalité administrative, comme cela tend parfois à l'être dans certains EHPAD », met en garde le Dr Mermet.  
Quelque 13 % des Français de plus de 50 ans ont rédigé des DA, selon le dernier sondage BVA pour le Centre national de la fin de vie et des soins palliatifs – contre 2 % avant la loi de 2016. En 2018, seulement 36 % des médecins savaient de quoi il s'agissait précisément.  

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