lundi 10 juin 2019

Surmortalité : les inégalités géographiques sont d’abord des inégalités sociales

Par Nathaniel Herzberg , Mathilde Costil , Eugénie Dumas et Théodora Fragiadakis

Publié le 8 juin 2019

Les facteurs économiques et comportementaux expliquent en grande partie les différences de mortalité entre territoires.


La citation est presque devenue adage : mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade. S’il avait connu les travaux de Magali Barbieri, l’humoriste Francis Blanche, auteur du trait d’esprit, aurait peut-être proposé une variante : mieux vaut être vivant à Paris ou Nice que mort dans le Nord. Depuis des années, la démographe de l’Institut national d’études démographiques (INED) analyse les causes de mortalité et plus particulièrement sa variabilité géographique. Et ses conclusions sont sans appel. Pour vivre vieux, il est préférable de résider à Paris, dans la région lyonnaise ou dans le Sud de la France que dans les Hauts-de-France, le Grand-Est ou en Bretagne.



Le critère économique joue à plein. Mortalité et espérance de vie se trouvent en effet directement corrélées aux catégories socioprofessionnelles et aux revenus. De récents travaux ont ainsi montré que l’écart d’espérance de vie à la naissance atteignait treize ans chez les hommes entre les 5 % les plus pauvres et les 5 % les plus riches. Sans surprise, les régions désindustrialisées (Haut-de-France, Grand-Est), où le chômage atteint des niveaux records, mais aussi certaines régions rurales, frappées par la crise agricole, enregistrent les mortalités les plus élevées.


On meurt pourtant rarement de la pauvreté ou du chômage. Plutôt de maladies générées par des comportements à risque, eux-mêmes souvent induits par ces maux sociaux. Avec deux tueurs clairement identifiés : l’alcool et le tabac. Plus que celle de la pauvreté, la carte de la mortalité suit de manière spectaculaire celle du tabagisme et de l’alcoolisme. Il est même frappant de constater que l’ouest de la Bretagne (Finistère, Morbihan, Côtes-d’Armor), pas particulièrement touché par le chômage, enregistre une mortalité particulièrement élevée, notamment chez les hommes.

A l’inverse, le sud de la France présente une mortalité inférieure à ce que sa situation sociale laisserait prévoir. Trois raisons principales sont avancées. La première tient à l’alimentation. Pour éviter les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité chez les femmes de 60 ans à 80 ans, l’huile d’olive est assurément meilleure que le beurre ou le saindoux. La seconde pourrait se trouver du côté du système sanitaire. Les départements méditerranéens, notamment, se trouvent, en effet, largement mieux pourvus en médecins et infirmiers que les déserts médicaux du Nord et du centre du pays.


Reste enfin ce que les spécialistes nomment la « migration sélective », particulièrement sensible lors d’exodes économiques. Dit simplement, ceux qui partent présentent en moyenne une meilleure santé que ceux qui restent. Pas encore riches, donc, mais toujours bien portants.

Infographie réalisée avec l’aide de Magali Barbieri, directrice de recherche à l’INED. 

Sources : CGET ; INSEE Première 2016 et 2018 ; Magali Barbieri, « La mortalité départementale en France », 2013 ; Didier Breton et al., « L’évolution démographique récente de la France : de forts contrastes départementaux », 2017



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire