lundi 3 juin 2019

Pour mieux convaincre ou pour rassurer... Faut-il parler de sa propre santé avec ses patients ?

15.04.2019

Entre barrières indispensables à la relation de soins, souhait de partager sa propre expérience avec les patients et excès d’informations, comment trouver sa place dans une relation de soins lorsque l’on est à la fois soignant et patient ou ex-patient ? Deux articles et des témoignages.


Quel degré d’informations sur sa propre vie peut donner un médecin à ses patients ? Une méta-analyse de 9 études publiée en 2015 (1) montre que dans 14 à 17 % des consultations, le médecin utilise un argument personnel (« self-disclosure ») dans sa discussion avec le patient, soit deux fois par journée de consultation en moyenne. Dans plus de la moitié des cas, le praticien estime que ce partage informel permet soit de rassurer le patient (« j’ai déjà vécu ce que vous vivez »), soit de l’encourager dans les soins (« croyez mon expérience »). Un médecin sur 5 pense que cette approche est à même de renforcer le lien avec le patient (de façon humoristique ou empathique). Si le sujet abordé a généralement trait à la famille (67 % des cas), dans 19 % des cas, les médecins parlent de leur propre santé.
Traitée dans son propre hôpital
En avril 2019, le Dr Heather Thompson (Minneapolis, Etats-Unis) a publié dans les Annals of Familly Medicine (2) une tribune sur ce sujet en faisant partager son expérience de médecin généraliste atteinte d’un cancer du sein. Elle explique comment – du fait de son choix d’être traité dans l’établissement où elle travaillait – elle a été d’abord confrontée au regard de ses propres patients qui l’ont croisée pendant les soins. À eux, elle a choisi de dire la vérité s’ils lui posaient des questions sur son état de santé. Le Dr Thompson explique qu’ils ont généralement répondu de façon très positive, lui administrant même des accolades (« hugs »), geste qui ne faisait pas partie de leurs relations jusque-là.
Faire tomber des barrières
Lorsqu’elle a repris son travail en fin de traitement, la jeune généraliste a « très naturellement »abordé son expérience personnelle avec les patientes atteintes de cancer du sein, en particulier pour les aider à déstresser et pour les rassurer (« croyez-moi, les bouffées de chaleur sous tamoxifène diminuent avec le temps… », par exemple). C’est à ces premières patientes qu’elle a donné son adresse mail personnelle et son numéro de portable pour y recevoir des SMS (car « plus personne ne lit ses mails désormais »). Elle a accepté que certaines barrières tombent, mais pour autant, aucune patiente n’est allé trop loin dans la relation d’intimité créée.
Trop d’informations ?
Lorsque son cancer a été stabilisé, le Dr Thompson a proposé à ses collègues oncologues de devenir référente des patientes diagnostiquées dans le centre mais n’y ayant pas de médecin traitant. Elle pense que son expérience personnelle permet d’annoncer la maladie et le suivi avec plus d’empathie, même si, lors de la première consultation, ces patientes sont de « parfaites étrangères » pour elle. Sa seule réticence est d’imaginer que parfois elle donne trop d’informations personnelles aux patientes et que ce « trop d’informations » peut engendrer une mauvaise compréhension, voire un blocage.
(1) Arroll b, Allen E. To self-disclose or not self-disclose? A systematic review of clinical self-disclosure in primary care. Br J Gen Pract. 2015 Sep;65(638):e609-16. doi: 10.3399/bjgp15X686533. 
(2) Thompson H. Sharing My Diagnosis: How Much is Too Much? doi: 10.1370/afm.2365Ann Fam Med March/April 2019 vol. 17 no. 2 173-175


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