mardi 28 mai 2019

Paris se mobilise pour lutter contre l'épidémie de consommation de crack

Damien Coulomb
| 28.05.2019




  • porte de la chapelle

    Paris se mobilise pour lutter contre l'épidémie de consommation de crack

Crédit Photo : AFP

Depuis le début de l'année, six consommateurs de crack ont perdu la vie suite à une overdose dans le Nord Est Parisien. « Nous sommes face à une forte hausse des phénomènes de consommation dans l'espace publique », analyse Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, à la sortie de la signature du protocole de mise en œuvre du plan de mobilisation visant à endiguer le phénomène.

Prévu pour être mis en œuvre entre 2019 et 2021, ce plan comporte 33 mesures opérationnelles. Il bénéficiera d'un financement de plus de 3 millions d’euros pour la seule année 2019. Une somme qui sera abondée par les différents signataires du plan : la préfecture de la région Île-de-France, la préfecture de police de Paris, la ville de Paris et l'ARS Île-de-France. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et les maires d'arrondissement sont aussi parties prenantes.

Sortir de la rue
Le but premier du plan : sortir de la rue les consommateurs et les raccrocher à un parcours de soins qui commence par la mise à disposition d'espace de repos et d'hébergements, et se poursuit par une prise en charge des comorbidités psychiatriques, cardiopulmonaires, neurologiques etc.
« Notre souhait est d'avoir une approche très intégrée, explique Aurélien Rousseau, directeur de l'ARS Île-de-France. Les usagers de crack sont généralement polyconsommateurs et souffrent généralement de beaucoup de comorbidités. Ils sont au bout d'un parcours d'errance et d'exclusion du système de soin. »

Des lieux pour établir le contact sanitaire
Une partie importante de ce plan concerne les lieux d'hébergement et de repos, financés à hauteur de 1,36 million d'euros de crédits mobilisés via le budget du plan pauvreté. Quant à savoir si de tels lieux pourraient aussi servir à l'inhalation à moindre risque (comme l'avait préconisé la mairie de Paris, par la voix de l'adjointe en charge des questions de santé Anne Sourys), un groupe de travail conjoint ARS/MILDECA, doit se pencher sur la question.
Qu'il s'agisse de lieux consacrés à l'hébergement ou également ouverts à la consommation à moindre risque, les lieux d'accueils seront des « petites unités, disséminées et réparties sur tout le territoire concerné », précise Aurélien Rousseau. Il est déjà prévu l'ouverture de 68 places d'hébergement supplémentaires au sens d'unités d'hébergement spécialisés et de 6 places d'hébergement dédiées aux consommateurs de substance psychoactives illicites. « Ce sont des centaines de places d'hébergement dont nous aurons besoin à terme », prévient Emmanuel Grégoire.
Des maraudes pluridisciplinaires
Afin de diriger les consommateurs de crack vers ces solutions d'hébergement et le soin, le plan fait la part belle au renforcement des maraudes, notamment à la création d'une maraude de médiation sociale et de maraudes interdisciplinaires psychiatriques et sociales. Diverses mesures de formation sont également au menu, de même que le renforcement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) et des centres de soins d'accompagnement, de prévention en addictologie (CSAPA).

La violence freine le recutement
S'exprimant au nom des associations présentes lors de la signature du protocole, le Dr Élisabeth Avril, responsable de la salle de consommation à moindre risque installée dans les locaux de l'hôpital Lariboisière à Paris, a remercié les signataires « pour avoir pris en compte une partie de nos demandes ». Elle regrette cependant que la question de la difficulté du recrutement des personnels dans les structures associatives n'ait pas été abordée.
« Nous avons des difficultés pour recruter des collègues, car les violences exercées sur les personnes des rues se répercutent sur nous », a-t-elle insisté. Le Dr Avril a également attiré l'attention sur l'absence de document administratif chez un certain nombre de « cas complexes » qui « ne risquent pas d'en avoir, compte tenu des lois françaises actuelles. La sortie de rue est compliquée pour eux », prévient-elle.

L'étude « Crack en Seine » lancée par l'INSERM
Plusieurs mesures concernent aussi l'amélioration des connaissances, avec entre autres la réalisation d'une étude « Crack en Seine - Usagers, trajectoires, besoins, espaces et trafic » conduite conjointement par l'observatoire français des drogues et des toxicomanies et le CERMES 3/INSERM.
Le critère principal de jugement de l'efficacité du plan sera « une baisse significative du nombre de consommations dans l'espace publique », précise Emmanuel Grégoire. Avec des prix de l'ordre de 6 à 15 euros la dose de crack, on estime qu'il s'échange en moyenne 15 000 euros par jour de ce produit illicite, sur la tristement célèbre « colline du crack », près de la porte de la Chapelle.

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